Yaoundé : Veuve d’un Français, interdite de séjour en France
en qualité de conjointe de Robert Billard, de nationalité française, souhaite rejoindre son époux en France, frappé par la maladie. Le 12 décembre 2008, la demande est rejetée par le consul général de France, Michel Seguy. « Je refuse de délivrer le visa que vous avez sollicité », écrit le consul général. Motif : « Vous n’avez pas fourni les pièces nécessaires en vue de l’obtention du visa long séjour en qualité de conjoint de français (acte de mariage, livret de famille). Vous ne justifiez d’aucune communauté de vie avec M. Billard Robert. De plus, ajoute-t-il, votre époux a été placé sous tutelle de son fils Nicolas Billard depuis le 07 octobre 2008 lequel a entamé une procédure d’annulation du mariage de son père ».
Pourtant, le 27 octobre 2007, Robert Billard a épousé Florence Ngo
Ngambi devant Albert Marc Ebanda, deuxième adjoint au maire de Yaoundé
IV. L’acte de mariage a été établi le même jour : régime matrimonial
monogamie et communauté des biens. Avant le mariage, le consulat général
de France à Yaoundé a remis à Florence Ngambi un certificat de
capacité à mariage d’un français. Un document sans lequel l’officier
d’Etat civil camerounais ne peut signer l’acte de mariage. Après la
célébration de l’union, il a été procédé à la transcription
(l’enregistrement) du mariage dans les registres de l’état civil
français. Ceci conformément aux dispositions du Code civil français. Le
couple a vécu ensemble en France pendant plusieurs années, il a même
conclu un pacte civil de solidarité (Pacs), avant de choisir de se
marier au Cameroun.
Les malheurs de Florence Ngo Ngambi commencent avec le retour de son
époux en France. « Nous ne pouvions pas voyager ensemble après le
mariage, il fallait au préalable que la procédure de transcription
aboutisse », explique Florence Ngo Ngambi, veuve Billard. Pendant que
Robert Billard attend l’aboutissement de la procédure de regroupement de
sa famille, il est victime d’un accident cardio-vasculaire. Ce qui le
paralyse. Il est placé dans un centre médicalisé en France.
Plainte
Son fils issu d’un premier mariage avec une Française, Nicolas Billard,
se fait délivrer un jugement de tutelle. Il devient de fait le tuteur
de son père, désormais impotent. Nicolas Billard peut alors obtenir de
la mairie de Vouziers en France, les copies certifiées conformes de
l’acte de mariage et le livret de famille qu’attendait son père pour
faire venir sa femme France. Le décès de Robert Billard étant survenu le
4 juin 2010, son fils, en possession de ces documents, refuse de les
envoyer à Florence Ngo Ngambi afin qu’elle puisse se rendre en France.
Celle-ci a en vain multiplié les démarches auprès du consulat général de
Yaoundé pour obtenir ces documents.
Elle prend un avocat en France, Me Jean-Baptiste Ngandomane. Nicolas
Billard a en effet engagé une action en nullité du mariage. Le parquet
de Charleville Mézières classe sans suite cette plainte, au motif qu’il
n’existe aucun élément susceptible de faire douter de la validité du
mariage des époux Billard.
Me Ngandomane a saisi le consulat général de France à Yaoundé le 21
juin dernier, afin qu’il soit donné une suite favorable à la demande de
visa de sa cliente, « pour qu’elle puisse se rendre sur la tombe de son
feu mari », plaide-t-il. Cette autre démarche est restée sans suite à ce
jour.
De source proche de la sous-direction des visas au ministère français des Affaires étrangères, Le Jour a appris que : « C’est la sous direction des visas au ministère français des Affaires étrangères qui a demandé le refus de visa à Florence Ngo Ngambi. » Notre source précise que c’est le deuxième refus d’un visa à cette femme. « C’est le prototype du dossier pourri. Elle veut utiliser l’absence de faculté de son époux pour entrer en France», confie notre source. Florence Ngambi veuve Billard répond que son époux était à l’initiative du mariage. Et était consentant. Elle évoque aussi le soutien de la majorité des membres de la famille de son défunt époux, qu’ils lui témoignent sans cesse.
Florence Ngo Ngambi veuve Billard : « Je voudrais pouvoir faire le deuil de mon mari »
La Camerounaise sollicite l’appui du gouvernement de son pays pour faire entendre sa voix.
Pourquoi vous refuse-t-on un visa d’entrée en France ?
C’est une vraie mésaventure. Depuis le début de cette histoire, je suis
tombée malade. Ce que je demande, aujourd’hui, c’est une réparation et
surtout que justice soit faite. J’ai adressé plusieurs correspondances
au service consulaire de l’ambassade de France, qui sont restées sans
suite. Un silence que j’assimile à du mépris. A cela, j’ajoute le manque
d’humanisme de la part de ces fonctionnaires français. Vous savez, je
suis Camerounaise d’origine et j’espère, dans cette dure épreuve, un
appui du gouvernement du Cameroun. Je voudrais que la France me paie le
préjudice, j’ai perdu un être cher. La dernière fois que je me suis
rendue au consulat, ils m’ont dit que mon mari est décédé et que je
n’avais plus rien à faire en France. Vous-vous rendez compte ? J’ai mes
effets en France et, surtout, je voudrais pouvoir faire mon deuil, là où
mon mari a été enterré. Je ne quémande pas un visa.
Quelles démarches avez-vous entreprises auprès des services
consulaires ?
La dernière fois que mon avocat a écrit aux services consulaires de la
France, c’est après le décès de mon mari. Il demandait un visa, au moins
à titre humanitaire, pour me permettre de me voir le corps. Il n y a
pas eu de réponse. Je m’y suis présentée. Jusqu’ici je n’ai aucune
réponse écrite. Juste des réponses orales au guichet, où on me dit qu’on
ne peut pas prendre mon dossier parce que j’en ai déjà là-bas.
Quel type d’appui vous attendez du gouvernement camerounais ?
Je souhaite que les autorités camerounaises se penchent sur ce
problème. Les services consulaires de la France m’ont fait beaucoup de
mal. Ils m’ont fait beaucoup de mal ! Mon mari m’a attendu pendant deux
ans, pour l’assister dans sa maladie. Peut-être qu’il serait encore en
vie, si j’avais été à ses côtés.
Aimiez-vous votre mari ?
Oh là là ! Quelle question ! Il était tout pour moi. Mon père, mon
enfant… Quand je l’ai rencontré, sa vie a changé. Il a pris trois
kilogrammes. Toute sa famille était contente.
Dans quelles circonstances avez-vous connu M. Billard ?
Je l’ai rencontré en France. Dans les Ardennes, plus précisément.
Nous-nous sommes connus à travers des amis communs. Nous sommes allés à
Deauville, une fois, il était très content, car il aimait bien la
marche. Il m’appelait ma petite femme adorée ou ma Camerounaise.
Quelle est la nature de vos relations avec la famille de Robert
Billard ?
Elles sont très bonnes. La preuve, ma belle sœur, la sœur de mon mari,
m’a écrit pour m’envoyer un certificat d’hébergement. L’assistante
sociale, qui est une nièce de mon mari, a écrit à l’ambassade de France
au Cameroun pour soutenir mon cas. Elles m’appellent tout le temps. La
fille de mon mari aussi. Le seul avec qui j’ai des problèmes et qui
affirme d’ailleurs que c’est pour des raisons patrimoniales, c’est le
fils de mon mari. Il ne s’en cache, il dit que les autorités françaises
au Cameroun l’aideront à ce que je ne mette plus jamais les pieds en
France. Je ne comprends pas ce qui se passe.