Voyages présidentiels : Les indéfinissables séjours privés de Paul Biya en Europe
La terminologie officielle annonçant les périples privés du chef de l’Etat hors du pays est démentie par la durée réelle de ces déplacements.
La terminologie se résume en cinq mots : « court séjour privé en Europe ». C’est un rituel déclenché depuis plusieurs années par un communiqué signé du directeur du cabinet civil de la présidence de la République dans une formulation presque immuable : « Le Président de République, Son Excellence Paul Biya, a quitté Yaoundé ce dimanche 16 août 2015 en fin de matinée, en compagnie de Son Epouse, Madame Chantal Biya, pour un court séjour privé en Europe. Le Chef de l'Etat est accompagné dans ce voyage de la Suite Officielle ci-après:
- MM. -Martin Belinga Eboutou, Directeur du Cabinet Civil de la Présidence de la République;
- Contre- Amiral Fouda Joseph, Conseiller Spécial à la Présidence de la République;
- Simon Pierre Bikele, Chef du Protocole d'Etat ».
Caisse de résonnance, le quotidien gouvernemental en fait quasi systématiquement sa Une, dans une formule rabâchée : « Paul Biya en séjour privé en Europe ».
Destination vaguement indiquée
La destination vaguement indiquée est l’Europe, un vaste continent supposé accueillir le chef de l’Etat camerounais, son épouse et sa suite. En réalité, l’imprécision sur la destination du président camerounais est voulue. Dimanche dernier, Paul Biya s’est envolé pour l’Allemagne, mais le communiqué du directeur du cabinet civil de la présidence de la République n’en dit pas mot, pour une raison inconnue. En général, Genève en Suisse est la destination préférée des courts séjours privés en Europe du couple présidentiel. Autre rituel, la cérémonie de départ se déroule au pavillon d’honneur de l’aéroport international de Yaoundé-Nsimalen.
L’accueil du couple présidentiel se fait par les personnalités avec en premier rang le président du Sénat. Avant de quitter Yaoundé, le Chef de l'Etat accorde « des audiences » à ses proches collaborateurs : le président du Sénat, le président de l’Assemblée nationale, le Premier ministre, le ministre secrétaire général de la présidence de la République, le directeur de la recherche extérieure et le délégué général à la sûreté nationale. Que leur dit Paul Biya sous les projecteurs dociles des caméras de la télévision publique ? Le contenu de ces échanges reste secret.
La composition de la suite du président de la République lors de ces séjours privés en Europe fait l’objet d’une annonce. Les habitués de ces voyages présidentiels sont le directeur du cabinet civil, Martin Belinga Eboutou, le contre-amiral Joseph Fouda, conseiller spécial à la présidence de la République et Simon Pierre Bikele, chef du Protocole d'Etat. La suite s’élargit quelques fois aux ministres chargés de mission à la présidence de la République, notamment Victor Arrey Mengot et Paul Atanga Nji. Un privilège parfois dévolu au conseiller spécial du président de la République, Luc Sindjoun.
Les plus longs « courts séjours »
Le temps du « court séjour privé en Europe » n’est jamais défini. Les plus longs « courts séjours » ont duré parfois un mois. « Le boss est généralement imprévisible. Cela dépend de ses humeurs. Avec lui, il faut toujours être prêt à partir ou à rester encore longtemps. C'està- dire qu’il peut annuler son départ au dernier moment, alors que le dispositif du voyage retour est déjà mis en place », confiait un de ses collaborateurs à des confrères. Parti de Yaoundé le 18 septembre 2009 pour la 64ème assemblée générale des Nations unies à New York, Paul Biya s’est ensuite rendu en Europe le 29 septembre pour un « séjour privé » qui a duré 33 jours. Du 1er janvier 2009 au 21 octobre 2009, soit 294 jours, Paul Biya a séjourné à l’étranger 115 jours, dont 97 pour des «séjours privés ».
Le 28 mai 2008, il va quitter le Cameroun pour un «court séjour privé » en Europe qui s’achèvera le 19 juin 2008. Il séjournera pour les mêmes raisons, toujours en Europe, du 27 août au 10 septembre 2008. Ces séjours privés qui se sont réduits, il faut l’avouer, sont en réalité rarement courts. Et les activistes du Code, des Camerounais de la diaspora, rebaptisé Front uni de la diaspora pour une alternative au Cameroun se font un devoir de le rappeler bruyamment à chaque séjour prolongé de Paul Biya : « Nous profitons toujours de votre présence en Europe pour vous rendre une petite visite », écrivait-ils le 9 mars dernier, dans une correspondance avec en objet cette injonction : « Rentrez au Cameroun vous occuper des populations et de la guerre ».