Les chroniqueurs judiciaires qui ont fait le déplacement du tribunal de grande instance du Mfoundi lundi dernier sont catégoriques : c’est la première fois dans l’histoire des procès de l’Opération «épervier» que la foule présente, estimée ce jour-là à des centaines de personnes, porte en triomphe un «présumé voleur». «Jean-Marie Atangana Mebara a été quelquefois applaudi au tribunal. Mais Marafa a battu le record à l’applaudimètre », confie un habitué du palais de justice de Yaoundé.
Le comble dans l’osmose surréaliste entre Marafa et le public lundi dernier, c’est sans doute ces déclarations à lourde charge symbolique : «M. le président, nous attendons la cinquième lettre » ou encore : «C’est mon président, je préfère qu’on m’arrête pour lui, je suis venu le voir, j’ai abandonné mon travail pour cela ». Des propos, qui, à en croire nos sources, ne font pas le lit de l’indifférence en «haut lieu» et même parmi les autres prisonniers de luxe. « Marafa a compris ce que nous aurions dû comprendre depuis longtemps», aurait déclaré, résigné, un ancien ministre en détention à la prison de Kondengui.
En tout cas, c’est un Marafa repu d’aise, face à une meute de supporters survoltés, qui a ainsi semé davantage son «bourreau» dans la bataille de l’opinion. D’ailleurs, le terme «excellence» avait déjà été accolé à Marafa sur des tracts (dont la confection et le dispatching avaient été attribués à tort ou à raison aux partisans de l’ex Minatd), à Yaoundé, Douala et Garoua. Le plus curieux dans l’affaire, c’est que les affiches querellées étaient restées placardées durant des semaines devant des «places fortes» de la République telles que l’Ecole de police de Yaoundé.
Ainsi donc, après ses quatre lettres, dont l’objectif à peine inavoué, était de déplacer son procès du terrain judiciaire vers le terrain politique, Marafa Hamidou Yaya place désormais son curseur sur une autre étape de sa stratégie, devant un pouvoir, qui, contre son gré, se montre consentant comme du ruban adhésif sur du papier : Se présenter aux yeux de l’opinion nationale et internationale comme un prétendant immaculé à la fonction présidentielle, victime d’un homme et d’un système qui veulent s’éterniser au pouvoir.
En effet, combien de personnes qui iront au palais de justice au cours des prochaines audiences relatives à l’affaire de l’avion présidentiel prêteront une oreille attentive aux plaidoiries comme c’est le cas pour les lettres de Marafa ?
Atterrés, les tenants du régime de Yaoundé, qu’on dit bedonnant de corruption, se demandent dans le secret de leurs consciences sur la tête de qui explosera la prochaine bombe de Marafa. Ce d’autant plus que les séminaires, meetings, motions de soutien, déclarations, «listes des homos» et autres éditoriaux largués de manière incoordonnée au sein d’une opinion «inhabituellement dure d’oreille», tardent à produire les effets escomptés.
Jouant du temps, comme un autre célèbre adepte de Machiavel, et pratiquement sûr de tenir la dragée haute à l’autorité suprême, Marafa Hamidou Yaya attend le bon moment pour «reprendre sa plume», soufflent ses proches. Le sens que prendra son procès-marathon sera, à n’en point douter, le principal élément déclencheur de sa rentrée ou de son extinction épistolaire. Mais, diantre, quel sera le dénouement de ce thriller à la camerounaise?