Voici Comment Gbagbo a vendu la Côte d’Ivoire aux multinationales en pièces détachées
Écrit par Les Afriques | Abidjan
Mercredi, 22 Décembre 2010 16:59
Le patriotisme que le camp Gbagbo invoque ne résiste pas à l’analyse de l’évolution de l’économie ivoirienne. La plupart des marchés stratégiques du pays ont été concédés à des firmes étrangères, de préférence françaises. Enjeux politiques.
En
dix ans de pouvoir, Laurent Gbagbo a concédé des marchés stratégiques à
des multinationales de préférence françaises, espérant sans doute, par
le jeu des intérêts, retrouver une certaine respectabilité à l’Elysée.
Le choix de l’agence française Euro RSCG (marché de 2 millions
d’euros, ?), filiale de Bolloré, pour conduire sa communication lors
des dernières présidentielles, illustre bien ce paradoxe entre la
posture politique affichée et la réalité sous jacente. Nul ne sait
combien le groupe français TNS Sofres a été payé pour produire, avant le
scrutin, une série de sondages tous favorables au président sortant.
Le
président Gbagbo a curieusement été celui des successeurs de Houpheït
Boigny qui aura le plus concédé de place aux multinationales. Alors que
Bouygues obtenait le marché de la construction du troisième pont de
la capitale économique ivoirienne au détriment d’un groupe chinois,
Bolloré se voyait renouvelé le marché de gré à gré de la gestion du port
à conteneurs d’Abidjan. Pendant ce temps, Vinci héritait d’un grand
chantier à Yamoussoukro dont le palais présidentiel. Le partage est
clair : la multinationale Bolloré contrôle les ports, Bouygues gère les
ponts et Vinci les palais. Les chantiers Yamoussoukro sont ainsi aux
mains de l’architecte français Pierre Fakhoury suivant des procédés
qui avaient ému le FMI (voir Les très bonnes affaires de Pierre
Fakhoury, www.lesafriques.com)
C’est dire que le patriotisme de
Laurent Gbagbo n’a pas freiné l’avancée du Groupe Total, qui a fait son
entrée au pays, en se portant acquéreur, en octobre 2010, d’une
participation de 60% dans l’important permis d’exploitation CI-100
(champ offshore de 2 000 kilomètres carrés situé à 100km au sud-est
d’Abidjan), avec la bénédiction du gouvernement ivoirien.
L’investissement dépasserait 250 millions de dollars, un montant à
minima puisque selon les experts, Total prend position sur un site qui
lui garantit 20 ans de forages gratuits. A noter que ce champ dont les
réserves sont estimées à 1,5 milliards de barils, a été négocié
directement avec Yam’s Petroleum, qui appartient à l’architecte
français Pierre Fakhoury dont une partie des prestations dans les
grands chantiers de Yamoussokro est rémunéré en nature.
Autre
secteur où le patriotisme de Gbagbo n’a pas joué, l’agriculture. En
2010, les exportations de cacao, la filière la plus importante du pays,
sont contrôlées à 90% par Cargill, ADP, Saco, Cemoi et Oustpan. Le
patriote Laurent Gbagbo a poursuivi l’application de la doctrine
libérale de la Banque mondiale là où son devancier, Houpheït Boigny,
était intraitable, gérant la filière à travers une caisse de
stabilisation (la Caistab) qui garantissait un revenu minimal aux
planteurs. Aujourd’hui, l’Etat ne contrôle plus le secteur ni en amont
ni en aval. Les financements des principales opérations se font à
travers la Société Générale, la Standard Chartered et la BNP Paribas,
les banques locales servant pour le paiement de taxes et de redevances à
l’exportations.
La volonté de rester au pouvoir a poussé le
«révolutionnaire africain » a abdiquer devant la Banque mondiale, le FMI
et les multinationales. L’atteinte du point de décision de l’initiative
PPTE, synonyme de financements et de réduction de la dette a sans
doute poussé le camarade Gbagbo a d’importances concessions. Celui qui
promet la rupture a fait de son pays l’un des grands bastions du
pré-carré français. Une entreprise où il a réussi puisque la Côte
d’Ivoire est aujourd’hui le seul pays de l’Afrique de l’Ouest riche en
matières premières où la Chine n’a pas encore pris pied.
Adama Wade
Les Afriques