Visite peu sereine de Paul Biya en Europe
De nouvelles rumeurs de coup d’Etat secouent le Cameroun au moment du départ du président
Paul Biya a
quitté le Cameroun pour un séjour privé en Europe, au moment où des
rumeurs ont évoqué une tentative de coup d’Etat contre lui. Le président
a limogé les patrons de la police et des renseignements généraux et
renforcé son dispositif de sécurité.
Ambiance délétère à Yaoundé.
Paul Biya, qui a quitté la capitale camerounaise ce lundi pour un court
séjour privé en Europe, laisse derrière lui un pays en proie depuis
quelques semaines à une psychose sur fond de rumeur de tentative de
putsch. « Le pays est encore secoué par cette rumeur de coup
d’Etat. L’annonce d’un remaniement ministériel imminent n’a en rien
arrangé la situation. L’administration tourne au ralenti. Les ministres
ne veulent pas prendre d’initiatives et personne ne travaille
véritablement. On s’épie mutuellement », explique Faustin Njikam, directeur de publication de l’hebdomadaire Tribune d’Afrique.
En
juillet, de folles rumeurs faisant état d’une tentative de renversement
ont secoué la capitale camerounaise. Dans un document sonore saisi par
les services de renseignement et attribué, selon le quotidien Mutations à
un homme politique du nom d’Enoh Meyomesse, les instigateurs du coup
d’Etat envisageaient de prendre le pouvoir lors de la participation de
Paul Biya à la fête du 14 juillet en France. Ils annonçaient la mise en
place d’un gouvernement de transition et l’adoption d’une nouvelle
constitution par référendum, prélude à l’organisation d’une élection
présidentielle début 2011. Dans la foulée, plusieurs édifices publics de
Yaoundé, dont ceux abritant le ministère de la Défense, la Délégation
générale à la sûreté nationale (police) et la Direction générale de la
recherche extérieure (contre-espionnage) ont connu la visite de
mystérieux cambrioleurs dont la plupart courent toujours.
Deux responsables de la sécurité limogés
Au
Cameroun, de nombreux observateurs font un lien entre ces événements et
le limogeage, fin août, de deux hauts responsables de la sécurité. Pour
le quotidien Mutations, le dispositif de sécurité n’aurait pas résisté à
la psychose ambiante. Après avoir en effet diligenté une enquête dont
les résultats n’ont pas été rendus publics, Paul Biya a limogé le 31
août le Délégué général à la sûreté nationale, Emmanuel Edou, en
fonction depuis moins d’un an. Pour le remplacer, il a fait appel à un
commissaire divisionnaire à la retraite, Martin Mbarga Nguele. De son
côté, le patron de la Direction générale des renseignements extérieurs,
Jean-Marie Obelabout a dû céder la place à un autre commissaire
divisionnaire du nom de Maxime Léopold Eko Eko.
C’est la deuxième
fois au moins en trois ans, que des rumeurs courent au Cameroun sur une
tentative de putsch contre Paul Biya. En novembre 2007, la garde
présidentielle avait abattu un jeune homme qui tentait de traverser la
voie lors du passage du cortège de la première dame, Chantal Biya, sur
fond de psychose de coup d’Etat. Quelques jours plus tôt, tout ce que le
pays comptait de forces de sécurité et de renseignement avait été mis
en alerte maximale, après l’annonce par les renseignements généraux d’un
projet de coup d’Etat militaire. Dans la foulée, plusieurs haut-gradés
de l’armée, des agents subalternes ainsi que des ressortissants
étrangers, français et belges, avaient été arrêtés.
La diaspora camerounaise tentée par un putsch ?
Pour
le journaliste Faustin Njikam, il pourrait s’agir cette fois d’une
rumeur sans fondement. A l’en croire, s’il y a bien un problème au
sommet des services de sécurité camerounais, c’est celui de la
corruption. « Plusieurs personnalités de la République se sont
plaintes des tentatives de chantage de la part de certains responsables
de police et des renseignements. Ceux-ci auraient prétendu avoir des
dossiers pouvant les faire arrêter dans le cadre de l’opération «
Epervier » , pour leur soutirer de fortes sommes d’argent. Ça allait
dans tous les sens et il fallait que le chef de l’Etat remette un peu
d’ordre dans la maison, d’où le limogeage des deux hauts responsables », pense-t-il.
A
l’opposé, certains organismes comme le Comité catholique contre la faim
et pour le développement (CCFD) prennent au sérieux la menace de putsch
au Cameroun. Dans une enquête publiée fin août sur la situation
sécuritaire de ce pays, le CCFD inclut dans les différents scénarios
d’alternance politique au Cameroun la prise de pouvoir par une alliance
politique et militaire avec un appui financier de la diaspora : «
Il s’agirait d’acteurs politiques, militaires et économiques qui ont
quitté le pays récemment et qui seraient très actifs à l’étranger.
Beaucoup d’acteurs du régime, fragilisés par l’Opération Épervier,
pourraient être séduits par une intervention militaire », écrit l’ONG.
Quoi
qu’il en soit, Paul Biya a décidé de renforcer son dispositif de
sécurité, dans la perspective de la présidentielle de l’année prochaine,
à laquelle il pourrait se présenter après avoir fait sauter le verrou
constitutionnel sur la limitation des mandats. Le 31 août, il a nommé
Paul Atanga Ndji, âgé de 78 ans et considéré comme l’un des principaux
stratèges du dispositif répressif qui avait brisé, dans les années 90,
le mouvement de désobéissance civile mené par l’opposition, au
secrétariat permanent du Conseil national de la sécurité (CNS).
Créé
par feu Amadou Ahidjo le premier président du Cameroun, et mis en
veilleuse avant d’être ressuscité par décret l’année dernière, le CNS a
pour rôle de coordonner l’ensemble des forces de sécurité et de défense
nationales. Placé sous la haute autorité du président de la République,
il rassemble le ministère de la Défense, le Secrétariat d’Etat à la
défense (gendarmerie nationale), la Direction générale à la sûreté
nationale (police), la Direction générale des renseignements extérieurs
(contre-espionnage), la Direction de la sécurité présidentielle, la
Garde présidentielle et l’Etat major particulier du président de la
République. Un vrai conseil de guerre.