Visite: Les non-dits de Paul Biya à Paris
Yaoundé, 01 Février 2013
© Emmanuel Gustave Samnick | L'Actu
Pour un dirigeant politique dont le calme est légendaire et les prises de parole publiques rarissimes, on s'attendait évidemment à ce que le Président de la République du Cameroun se décarcasse pendant les deux journées de son programme officiel de la visite de travail qu'il effectue en France. Les curieux sont globalement déçus, Paul Biya usant à nouveau et à merveille de la stratégie de l'esquive dans son exercice oratoire. Mercredi 30 janvier, au sortir d'un entretien de 40 minutes avec son homologue français François Hollande, le Président Biya a sacrifié à la traditionnelle conférence de presse, débout, dans la cour du palais de l'Elysée à Paris. Les confrères français, qui s'échinent à monter en épingle des sujets qui sont importants à leurs yeux mais qui n'en sont nullement vus du Cameroun (homosexualité, condamnation de Michel Thierry Atangana, droits de l'Homme), lui ont donné l'occasion de planer. Car, que valent ces rapports très souvent légers d'ONG occidentales telles qu’Amnesty International ou Reporters sans frontières, qui lancent des cris alarmants sur la violation des droits de l'Homme et l'absence de la liberté d'expression au Cameroun?
«Il n'y a pas de prisonniers politiques et les gens sont libres», a martelé, triomphant, Paul Biya. Non sans raison car, ceux des personnalités qu'on pourrait considérer désormais comme ses adversaires politiques et qui sont poursuivis par la justice, le sont pour des accusations de détournement de fonds et non pour leurs activités politiques. Et s'il y a une chose indéniable qu'on doit au Renouveau, c'est bien la liberté de la presse et la liberté d'expression en général.
Une réalité qui ne peut être remise en cause par le zèle absurde de quelques fonctionnaires, comme ce Sous-préfet par intérim de Yaoundé 1er qui interdit une conférence organisée par le journal Germinal sous le fallacieux prétexte que le thème: «Un printemps des libertés est-il possible sous les tropiques d'Afrique centrale?», est «de nature à perturber gravement l'ordre public»...
Esquive
Si c'est l'évocation de la question de l'alternance qui fait peur à monsieur le Sous-préfet, elle a pourtant été abordée par Paul Biya lui-même devant la presse française à Paris. Et ce fut un réel embarras pour le numéro 1 camerounais qui s'est contenté de suggérer qu'il n'est pas fatigué et qu'il n'est pas au pouvoir par la force. «C'est le peuple camerounais qui m'a élu au milieu de 20 ou 30 autres candidats», a-t-il clamé, donnant ainsi de l'énergie à ses thuriféraires invétérés, comme ce magazine, jeune Afrique Economie, qui ne survit désormais que pour tresser des louanges au créateur du Renouveau national.
Hélas, l'exercice de la cour de l'Elysée ne permettait pas des relances ajustées. Parce qu'on aurait pu lui rappeler que c'est cette façon de se faire élire aisément depuis 30 ans qui fait justement problème. En février 2008, une partie du peuple était descendue dans la rue pour lui demander de ne pas modifier la Constitution qui, jusque là, limitait le nombre de mandats présidentiels. Il a préféré passer outre et faire changer la loi fondamentale par un parlement truffé de ses courtisans et non par un référendum. jeudi 31 janvier, devant le forum économique France-Cameroun organisé par le Mouvement des entreprises de France (Medef), Paul Biya a sorti la même rengaine, laissant entendre que l'immense chantier de routes, ponts, ports et barrages qu'il a lancé l'année dernière «n'a été possible que grâce à la stabilité dont nous jouissons». Mais le Brésil, le Ghana, le Sénégal, les Etats-Unis, la France et même la Chine, qui connaissent des alternances politiques régulières, sont-ils pour autant instables?
L'ancien bras droit de Paul Biya, pour avoir été Secrétaire Général de la présidence de le République, Marafa Hamidou Yaya, aujourd'hui en prison pour détournements de deniers publics, a du reste eu cette réplique dans une tribune publiée mercredi dernier par le quotidien français Le Monde: «Il faut donner son vrai nom à la paix civile qui règne au Cameroun: une sorte d'équilibre de la terreur entre le gouvernement et le peuple».
D'une manière générale, le Chef de l'Etat camerounais a beaucoup surfé sur l'argument du respect des lois et règlements de notre République. Ce en quoi nous sommes entièrement d'accord avec lui. Mais alors, pourquoi avoir laissé la porte entrouverte au sujet de l'homosexualité interdite par le code pénal camerounais? «Il y a une évolution des esprits. Il ne faut pas désespérer», s'est-il laissé aller à des concessions surprenantes, à la joie des lobbies homosexuels qui s'agitent notamment en France mais qui, là-bas déjà, font face à une rude résistance des opposants au mariage gay que le gouvernement Hollande voudrait légaliser. Comme pour ne fâcher personne, Paul Biya a rappelé que, pour l'instant, l'homosexualité est un délit au Cameroun. Il aurait aussi pu annoncer que pour l'instant, il n'y a pas alternance, question de donner plus d'espoir d'autres lendemains à son peuple, pour un Cameroun qui bouge.
© Emmanuel Gustave Samnick | L'Actu
Au cours des deux jours d'intense activité en France, le Chef de l'Etat a pris la parole, sans grosse annonce.
Pour un dirigeant politique dont le calme est légendaire et les prises de parole publiques rarissimes, on s'attendait évidemment à ce que le Président de la République du Cameroun se décarcasse pendant les deux journées de son programme officiel de la visite de travail qu'il effectue en France. Les curieux sont globalement déçus, Paul Biya usant à nouveau et à merveille de la stratégie de l'esquive dans son exercice oratoire. Mercredi 30 janvier, au sortir d'un entretien de 40 minutes avec son homologue français François Hollande, le Président Biya a sacrifié à la traditionnelle conférence de presse, débout, dans la cour du palais de l'Elysée à Paris. Les confrères français, qui s'échinent à monter en épingle des sujets qui sont importants à leurs yeux mais qui n'en sont nullement vus du Cameroun (homosexualité, condamnation de Michel Thierry Atangana, droits de l'Homme), lui ont donné l'occasion de planer. Car, que valent ces rapports très souvent légers d'ONG occidentales telles qu’Amnesty International ou Reporters sans frontières, qui lancent des cris alarmants sur la violation des droits de l'Homme et l'absence de la liberté d'expression au Cameroun?
«Il n'y a pas de prisonniers politiques et les gens sont libres», a martelé, triomphant, Paul Biya. Non sans raison car, ceux des personnalités qu'on pourrait considérer désormais comme ses adversaires politiques et qui sont poursuivis par la justice, le sont pour des accusations de détournement de fonds et non pour leurs activités politiques. Et s'il y a une chose indéniable qu'on doit au Renouveau, c'est bien la liberté de la presse et la liberté d'expression en général.
Une réalité qui ne peut être remise en cause par le zèle absurde de quelques fonctionnaires, comme ce Sous-préfet par intérim de Yaoundé 1er qui interdit une conférence organisée par le journal Germinal sous le fallacieux prétexte que le thème: «Un printemps des libertés est-il possible sous les tropiques d'Afrique centrale?», est «de nature à perturber gravement l'ordre public»...
Esquive
Si c'est l'évocation de la question de l'alternance qui fait peur à monsieur le Sous-préfet, elle a pourtant été abordée par Paul Biya lui-même devant la presse française à Paris. Et ce fut un réel embarras pour le numéro 1 camerounais qui s'est contenté de suggérer qu'il n'est pas fatigué et qu'il n'est pas au pouvoir par la force. «C'est le peuple camerounais qui m'a élu au milieu de 20 ou 30 autres candidats», a-t-il clamé, donnant ainsi de l'énergie à ses thuriféraires invétérés, comme ce magazine, jeune Afrique Economie, qui ne survit désormais que pour tresser des louanges au créateur du Renouveau national.
Hélas, l'exercice de la cour de l'Elysée ne permettait pas des relances ajustées. Parce qu'on aurait pu lui rappeler que c'est cette façon de se faire élire aisément depuis 30 ans qui fait justement problème. En février 2008, une partie du peuple était descendue dans la rue pour lui demander de ne pas modifier la Constitution qui, jusque là, limitait le nombre de mandats présidentiels. Il a préféré passer outre et faire changer la loi fondamentale par un parlement truffé de ses courtisans et non par un référendum. jeudi 31 janvier, devant le forum économique France-Cameroun organisé par le Mouvement des entreprises de France (Medef), Paul Biya a sorti la même rengaine, laissant entendre que l'immense chantier de routes, ponts, ports et barrages qu'il a lancé l'année dernière «n'a été possible que grâce à la stabilité dont nous jouissons». Mais le Brésil, le Ghana, le Sénégal, les Etats-Unis, la France et même la Chine, qui connaissent des alternances politiques régulières, sont-ils pour autant instables?
L'ancien bras droit de Paul Biya, pour avoir été Secrétaire Général de la présidence de le République, Marafa Hamidou Yaya, aujourd'hui en prison pour détournements de deniers publics, a du reste eu cette réplique dans une tribune publiée mercredi dernier par le quotidien français Le Monde: «Il faut donner son vrai nom à la paix civile qui règne au Cameroun: une sorte d'équilibre de la terreur entre le gouvernement et le peuple».
D'une manière générale, le Chef de l'Etat camerounais a beaucoup surfé sur l'argument du respect des lois et règlements de notre République. Ce en quoi nous sommes entièrement d'accord avec lui. Mais alors, pourquoi avoir laissé la porte entrouverte au sujet de l'homosexualité interdite par le code pénal camerounais? «Il y a une évolution des esprits. Il ne faut pas désespérer», s'est-il laissé aller à des concessions surprenantes, à la joie des lobbies homosexuels qui s'agitent notamment en France mais qui, là-bas déjà, font face à une rude résistance des opposants au mariage gay que le gouvernement Hollande voudrait légaliser. Comme pour ne fâcher personne, Paul Biya a rappelé que, pour l'instant, l'homosexualité est un délit au Cameroun. Il aurait aussi pu annoncer que pour l'instant, il n'y a pas alternance, question de donner plus d'espoir d'autres lendemains à son peuple, pour un Cameroun qui bouge.