VISITE DE PAUL BIYA EN FRANCE : Nos chefs d’Etat sont-ils maudits ?

Cameroun - VISITE  DE PAUL BIYA EN FRANCE : Nos chefs d’Etat sont-ils maudits ?Selon certaines sources, Paul Biya, «le meilleur élève » de Mitterrand, serait en train de réussir la négociation d’une visite officielle  à l’Elysée pour rencontrer le nouveau maître  de céans. Comme tous ces homologues d’Afrique francophone, il est convaincu que recevoir ou aller à la rencontre d’un président français est un exploit diplomatique historique, ou encore une sorte de légitimation de son pouvoir aux yeux de l’opinion. Pourtant, il s’agit bien d’un agneau qui se bat pour rencontrer le loup.  Ne faut-il pas rappeler à Paul Biya que le Cameroun n’a jamais été une colonie  française ?

A peine avoir pris le pouvoir, les chefs d’Etat d’Afrique francophones sont persuadés que leur priorité majeure c’est d’être reçu à l’Elysée. S’il s’agit d’un changement de régime en France,  ils sont très impatients de réussir une visite officielle pour  rencontrer le nouveau maître qui préside désormais aux destinés de leur « mère-patrie », ou de négocier au prix fort une visite du président français dans leurs pays. Et du coup, dès que cette prouesse à l’actif de leur diplomatie n’aboutit pas, c’est un indice de  désaveu et de lâchage de la part du maître qui place le demandeur dans une situation très inconfortable. Par conséquent, ces présidents, indésirables par la France se  font des soucis sur la légitimité de leurs pouvoirs. 

Lorsque ce rendez-vous est enfin honoré, il y aura certainement un tête-à-tête, généralement très bref, mais c’est déjà une performance  pour le nègre de président, même si tout cela donne l'impression d'assister aux mêmes scènes et aux mêmes images de toujours où les dirigeants africains, au lieu de se concentrer sur les véritables problèmes de leurs pays, préfèrent causer avec le président français pendant quelques brèves minutes pour ne discuter finalement de rien si ce n'est des questions habituelles dont les échanges qui ne sont jamais suivis d'actes concrets, la consolidation » des intérêts français, le tout saupoudré d’un zeste de distraction à travers les mots pauvreté, paix, aide....

Ainsi, Nicolas Sarkozy n’a pas effectué de visite au Cameroun pendant son règne, alors qu’il s’est rendu dans des pays très voisins comme le Gabon ou le Tchad. Une observation grave quand on sait que tous les prédécesseurs du chef de l'Etat français, depuis Charles de Gaulle, ont fait le déplacement de Yaoundé. Ce qui a aussitôt fait déduire que les relations entre le président français de l’époque et Paul Biya n’étaient pas très chaleureuses.

Mais continuer de penser de cette manière pour ce qui est du Cameroun serait falsifier l’histoire de tout un peuple, d’une nation, d’une patrie ;  car le Cameroun n’a jamais été une colonie française et ne le sera jamais.

En réalité, le Cameroun est un pays à part. Protectorat allemand, puis mandat de la Société des Nations, enfin pays sous-tutelle de l’Onu, il n’a jamais été une « colonie » ; même  si  l’Angleterre et surtout la France, qui n’étaient que des mandataires, se sont comportés comme dans une colonie. Dans tous les cas, ils étaient censés rendre compte aux Nations-unies et quitter tranquillement le Cameroun dès la déclaration de l’indépendance. Cette singularité du Cameroun vient aussi du fait qu’il est l’un des rares pays dont le  sol a enregistré la première « guerre de libération » de l’Afrique noire française sous l’impulsion d’un parti nationaliste dénommé Union des populations du Cameroun.

A titre de rappel, après la première guerre mondiale, le Cameroun, qui depuis 1884 était une colonie allemande, est mis sous mandat français et britannique par la jeune Société des Nations(Sdn). A cet effet, « la charte des Nations unies définit en son article 73 la colonie comme étant un territoire dont les peuples n´ont pas encore atteint l'autonomie complète. Or formellement, une colonie  se diffère d´un territoire sous-mandat. Ce dernier est une institution créée par le pacte de la Société des nations, conférant à certains États mandataires la mission d‘administrer et de protéger les colonies et les territoires appartenant aux empires centraux vaincus, afin de les amener progressivement à pouvoir se gouverner eux-mêmes. Cette institution connaîtra (avec la création des Nations Unies en 1945) à nouveau un changement de nom après la  seconde  guerre mondiale pour devenir territoire sous tutelle ».

Pays africains francophones : le gagne-pain de la France

Une vraie visite d’un président d’un pays d’Afrique francophone en France pouvait avoir  sa  raison d’être s’il s’agissait d’une rencontre  entre  deux  chefs d’Etats indépendants dans le but de faire un bilan et de mettre sur la balance le jeu des intérêts réciproques. Les Camerounais seraient alors ravis de savoir ce que notre banque central fait encore à Paris, ou encore ce que la France nous doit à ce jour dans son compte de trésor. Ceci serait d’autant plus intéressant que la zone du franc Cfa est une union de coopération monétaire dont les leviers de contrôle se  situent à Paris où priment les intérêts de la France.

Juste avant que la France n’accède aux demandes d’indépendance des pays africains dans les années 1960, elle a obligé les14 pays membres à déposer 65% de leurs réserves de change sur un compte du trésor français. Le plus grave, c’est qu’aucun pays africain n’est capable de dire quelle partie de cet argent durement gagné lui appartient. Seule la France a le privilège d’accéder à ces informations. Ce qui  a apporté à ce pays d’immenses avantages en termes de marchés pour ses biens et services d’après une autre technique qui lui permet d’importer beaucoup moins cher et de vendre plus cher à ces colonies.

Très récemment, certaines informations laissaient entendre que ces réserves d’argent au trésor français par les anciennes colonies pour obtenir une garantie de convertibilité inutile seraient passées de 65% à 50% depuis 2005, et que le montant était déjà à plus de 8000 milliards de francs cfa. Soit plus de 12 milliards d’euros, appartenant à ces pays très pauvres  très endettés.

Selon certaines sources, « ces réserves sont utilisées sur le principe de la solidarité. La banque centrale dépose ensuite 50% de ces réserves de change auprès du trésor français sur le compte d’opération, en contrepartie de la convertibilité illimitée garantie par la France. L’article 2 de cet accord stipulait que la banque centrale versera au compte d’opérations du trésor français les disponibilités qu’elle pourra avoir en dehors de la zone d’émission, soit 65% de ses avoirs extérieurs. Les 35% doivent servir à des charges bien définies. Il s’agit des sommes nécessaires pour la trésorerie courante de la banque centrale, pour obligations contractées par les Etats à l’égard du Fmi et des sommes libellées en devises auprès de la banque des Règlements internationaux (Bri) etc. » Selon M. Bolo Sanou, c’est un compte rémunéré qui offre la possibilité d’un découvert illimité. Mais en cas de découvert sur le compte d’opérations le trésor français prélève des intérêts.

Dans le même ordre d‘idées, des informations font état de ce que « la France rémunère les banques centrales africaines en intérêts, tout en se servant au passage grâce à des placements privés (des sommes dégagées au profit de la France qui se comptent en centaines de millions d’euros). Pire, la part d’intérêts versée aux banques centrales est comptabilisée dans l’Aide publique au développement ! De plus, afin de garantir la garantie de la France au tout nouveau Mécanisme européen de stabilité, les pays de la zone cfa devraient gérer leurs besoins de sorte à ne pas soumettre de demande de retrait au-dessus de 10% de leurs recettes déposées au Trésor français. Ils devraient se serrer la ceinture afin que la France desserre la sienne et mange à  sa faim. »

Toujours selon les spécialistes, lorsque ces pays ont besoin d'argent supplémentaire, comme c’est de coutume, ils doivent emprunter de leurs propres 65% dans le trésor français à des taux commerciaux. Par-dessus tout,  « il ya un plafond sur le crédit accordé à chaque pays membre de l'équivalent à 20% de leurs recettes publiques de l'année précédente. Donc, si les pays ont besoin d'emprunter plus de 20%, tant pis, ils ne peuvent pas le faire. » Donc, ils ont juste  accès à 15% seulement de leur propre argent pour le développement national dans une année donnée. Étonnamment, le dernier mot sur le régime Cfa appartient au Trésor français, qui investit de l'argent des pays africains en son propre nom à la Bourse de Paris (la Bourse).
Comme si cela ne suffisait pas, ce pacte colonial exige que la France a le premier droit d'acheter ou de rejeter toute les ressources naturelles dans les terres des pays francophones. Donc, même si les pays africains pourraient obtenir de meilleurs prix ailleurs, ils ne peuvent pas vendre à n'importe qui tant que la France ne dit pas qu'il ne veut pas acheter ces ressources naturelles. De même,  « dans l'attribution des marchés publics dans les pays africains, les entreprises françaises devraient être examinées d'abord: c’est seulement après que les Africains peuvent chercher ailleurs. Il n'a pas d'importance, même si les Africains peuvent obtenir une meilleure valeur pour l'argent ailleurs, les entreprises françaises viennent en premier et le plus souvent obtenir des contrats. » Le cas du deuxième pont  sur le Wouri dont le matché a été attribué dans des conditions floues, à une  société française  en dit long.
Et quand on se souvient que c’est avec l’aide de ces colonies que  cette France a été libérée, on apprécie à sa juste valeur cette façon de rendre la politesse. Que va donc faire Biya dans cette galère ?

© Ouest littoral : PONUS


24/01/2013
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