Violation de la loi: Lapiro de Mbanga dénonce le président de la Cour suprême

DOUALA - 03 Février 2012
© Adeline TCHOUAKAK | Le Messager

A quand cesseront enfin les déboires entre le célèbre ex-locataire de la prison centrale de New-Bell et la justice camerounaise? Même libre aujourd'hui, Lapiro de Mbanga est décidé d'en découdre avec tous ceux-là qui «abusent de Leurs fonctions».

Cette fois-ci, c'est le premier président de la Cour suprême, Alexis Dipanda Mouellè qu'il dénonce pour «violation flagrante du code de procédure pénale». En novembre 2010, sa Majesté Lambo Sandjo Pierre Roger plus connu sous le nom, de Lapiro de Mbanga porte plainte avec constitution de partie civile contre, Bifoung Ndongo, procureur de la République Près le tribunal de grande instance du Moungo et Michel Ntyame Ntyame, magistrat dans la même juridiction. Il les accuse de «suppression et fabrication de preuves» dans le procès qui l'opposait au ministère public et la société des Plantations de Mbanga pour, «coaction de pillage, de pillage, en bande, destruction, attroupement...» pendant les émeutes de février 2008.

A la suite de cette plainte, Ndinga Man adresse une correspondance au premier président de la Cour suprême, Alexis Dipanda Mouellè conformément dit-il, aux articles 629 et 630 du Code de procédure pénale «pour qu'il désigne le magistrat qui va se charger de l'affaire et du lieu de déroulement du procès». L'article 629 du code de procédure pénale dispose que «lorsqu’'un magistrat de l'ordre judiciaire est susceptible d'être inculpé d'une infraction, le procureur général compétent présente une requête au président de la Cour suprême qui désigne un magistrat chargé d'instruire l'affaire et trois autres d'un grade au moins égal à celui du mis en cause, en vue du jugement éventuel de l'affaire en premier ressort». L'alinéa 2 ajoute que «le président de la Cour suprême indique en outre la ville où l'affaire sera jugée». Et l'article 630 précise que «les dispositions de l'article 629 sont également applicables lorsque que la partie lésée adresse une plainte avec constitution de partie civile»

En guise de réponse au plaignant, M. Alexis Dipanda Mouellè indique dans sa lettre datée du 30 novembre 2010 que «j'ai l'honneur d'accuser réception de votre plainte susvisée et de porter à votre connaissance qu'elle parait prématurée. La Cour suprême n'ayant pas encore statué sur le pourvoi dont elle a été saisie». Lapiro de Mbanga estime que le président de la Cour suprême fait «du jonglage juridique» .parce que «la loi l'autorise à désigner un magistrat et le lieu où l'affaire sera jugée et non de juger l'affaire lui-même». Ndinga man le lui fait savoir clairement dans une autre correspondance datée du 31 janvier 2011: «Je n'attends de vous, pas plus que l'application purement et simplement de la disposition combinée des articles 629 et 630». Le plaignant persiste surtout à penser que cette affaire n'a rien à voir avec le dossier des émeutes de février 2008 dans lequel il a écopé de 3 ans. Peine qu'il a d'ailleurs fini de purger.

Et pourquoi donc depuis 2010, c'est aujourd'hui que Lapiro décide de parler publiquement de cette affaire? Il répond: «j'ai perdu patience. On est juge au nom du peuple camerounais, donc il n'a pas le droit de violer la loi ni d'abuser de sa fonction. Je prends donc le peuple à témoin pour une justice équitable».


Me Kouengoua (conseil principal au tribunal pénal international): «Lapiro et Dipanda Mouellè se comprennent»

Que ce soit pour la lettre de Lapiro ou celle du président de la Cour suprême, je pense qu'ils comprennent plus que nous. Comme on dit à la Cour suprême, ils ne me mettent pas en mesure d'apprécier. L'affaire a l'air plus compliqué. Mais Lapiro a le droit de se plaindre quand et où il veut.


Que prévoit la loi quand un magistrat ou un procureur est poursuivi?

L'article 629 du Code de procédure pénale est clair à ce sujet. Lorsqu'un magistrat de l'ordre judiciaire est susceptible d'être inculpé, le procureur général compétent près la Cour d'appel du lieu d'exercice de ce magistrat présente une requête au président de la Cour suprême qui désigne un magistrat chargé d'instruire l'affaire et trois autres d'un grade au moins égal à celui du magistrat mis en cause. En vue du jugement éventuel de l'affaire en premier ressert, le président de la Cour suprême indique en outre la ville où l'affaire sera jugée. Quand on dit jugement, ça ne sous-entend pas forcément condamnation. Le mis en cause peut aussi être acquitté. La vue du magistrat devant la barre est nocive parce que le profane comprendra qu'il est déjà condamné comme c'est le cas dans les dossiers «Opération épervier». Autre chose, lorsqu'un particulier qui ne connaît pas les arcanes du droit dépose une plainte avec constitution de partie civile au tribunal, une fois le procureur général informé, il doit procéder de la même manière. Il n'appartient pas au particulier de dire au procureur ce qu'il doit faire. Quand vous êtes victimes d'un fait, la seule chose à faire, c'est de crier, ce qui veut dire en droit, se plaindre pour demander réparation. Je veux noter que les magistrats bénéficient du privilège de juridiction. C'est légal, compréhensible et humain. Si cela pouvait être également le cas pour les avocats, ce serait bien.


Au moment des faits, est-ce que la démarche de l'accusé incarcéré était légitime?

En droit, quand on a mal, on doit crier. Il n'y a pas d'endroit où la douleur est plus vive. En prison, on n'est pas moins Camerounais que ceux qui sont en liberté. On a des droits. Il n'y a pas que le fait de se plaindre, mais aussi la prescription. Mais si vous attendez par exemple sortir de prison pour poursuivre votre voisin qui sort avec votre femme depuis que vous êtes incarcéré, l'action sera prescrite. De même, Lapiro peut déposer sa plainte quand il veut et quand il peut, ça dépend de ce qu'il ressent. Il n'y a pas une période où il faut déposer sa plainte. Ce qui aurait pu peut-être faire l'objet d'une restriction, c'est la manière d'instruire le dossier. Mais on ne peut pas reprocher à Lapiro d'avoir déposé sa plainte lundi au lieu de vendredi. On reproche aux gens le dépôt tardif d'une plainte quand le fait est prescrit. Lui dire que sa plainte est prématurée n'engage que la personne qui le prétend. Mais au moment où il a senti l'injustice et la douleur, il s'est plaint. C'est de son droit de se plaindre. En matière pénale, il y a la computation de délai. Les faits se sont produits en 2010, pourquoi attendre 2012 pour se plaindre ? Plus grave encore, il porte plainte à quelqu'un qui est en service à un endroit précis pour des faits qui s'y sont passés, si à force d'attendre la personne est affectée, où va-t-il trouver la preuve? Si en face l'autre se sent calomnié, il peut à son tour quand il veut porter plainte pour dénonciations calomnieuses. Il peut le faire au terme du premier procès ou pendant que l'affaire est en cours. Le juge appréciera s'il faut les jumeler ou pas.


Et la réponse du président de la Cour suprême, en quoi viole-t-elle la loi ou fait montre d'un abus de fonction?

Je ne sais pas, mais j'ai sous les yeux le courrier confidentiel du premier président de la Cour suprême. Je ne sais pas quoi dire à ce sujet. Autant le premier paragraphe paraît compréhensible par les explications que nous venons d'évoquer, autant le second ne le semble pas, tout au moins en ce qui me concerne. Je ne vois pas pourquoi dans cette lettre on parle du procureur général et de l'opportunité des poursuites en matière de plainte avec constitution de partie civile contre un magistrat. Je ne vois pas sa raison d'être. J'ai l'impression qu'il y a des sous-entendus dans cette lettre que je ne maîtrise. Donc j'éviterai autant que possible de commenter quelque chose que je ne comprends pas. Le deuxième paragraphe de cette lettre tombe comme un cheveu dans la soupe. Dans la lettre de Lapiro du 3 mai 2012, il n'est fait mention nulle part du procureur général. Et quand le premier président de la Cour suprême répond que le président et le procureur général près ladite Cour ne sont pas juge de l'opportunité des poursuites en matière de plainte avec constitution de partie civile dirigée contre un magistrat, je ne sais pas à quoi cela se réfère.

Mais une chose est certaine, Lapiro a déposé une plainte avec constitution de partie civile. Si elle a été régulière en la forme, on doit l'instruire. Quite à rendre une ordonnance de non lieu, de non lieu partiel ou de renvoi. Du moment où il a porté plainte avec constitution de partie civile, ça enlève à qui que ce soit l'opportunité de poursuites. Scientifiquement, les commentaires de ce dossier me mettent mal à l'aise parce que je n'ai pas de matières. Que ce soit pour la lettre de Lapiro ou celle du président de la Cour suprême, je pense qu'ils comprennent plus que nous. Comme on dit à la Cour suprême, ils ne me mettent pas en mesure d'apprécier. L'affaire a l'air plus compliqué. Mais Lapiro a le droit de se plaindre quand et où il veut. La plainte avec constitution de partie civile oblige à l'ouverture d'une information. La seule personne qui peut lui reprocher d'avoir porter plainte, c'est son adversaire. Si sa plainte n'aboutit pas, le magistrat incriminé a aussi le droit de se plaindre pour dénonciations calomnieuses. Même Paul Biya a le droit de se plaindre; il l'a plusieurs fois exercé. La preuve, Puis Njawé et Célestin Monga ont fait la prison pour des articles d'injures envers le chef de l'Etat. Se plaindre est légitime. Entre la plainte et la réalité, le juge est appelé à apprécier, et pour le faire, il faut qu'il examine ladite plainte. Avant l'examen, il faut qu'on ouvre une information pour les enquêtes pour déterminer la réalité des faits.



03/02/2012
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