Vieillir en Europe ou en Afrique: Quelles perspectives pour les Diasporas camerounaises? :: AFRICA
Installé en Allemagne depuis deux décennies, Casimir ne se sent pas toujours bien dans sa peau. Il y a de cela vingt ans, il est arrivé en Allemagne, à la fleur de l´âge, plein de vitalité et d´entrain. Combien de fois n´avait-t-il pas reproché à son grand-frère installé en France son manque d´idéalisme et de motivation pour un retour au pays natal ? Étudiant en médecine et réputé pour son assiduité et sa persévérance, Casimir esquissait avec fermeté les projets d´assainissement et d´adduction d´eau potable, de construction des centres médicaux pour son pays, particulièrement pour les zones enclavées.
Ces projets, il comptait les mettre sur pied, étant coûte que coûte sur place. Pour lui, le séjour en Allemagne était juste destiné à acquérir de la connaissance et du know-how appropriés pour contribuer de façon effective au développement durable de son pays. Deux décennies après son arrivée, il navigue actuellement entre son domicile et une grande métropole où il est médecin dans une clinique. Du projet de retour n´est restée qu´une lueur d´espoir après la retraite. Comme Casimir, nombreux sont ceux qui se retrouvent ballotés entre la vie à l´étranger et le rêve brisé d´une carrière professionnelle au pays.
Lorsque notre compatriote fait une rétrospective, le bilan des rêves et réalités, des ambitions et réalisations liées au projet du retour, il ne peut pas s´empêcher de constater un statu quo. Ainsi, il se demande comment formuler les projets de la retraite sans tomber dans le même piège. Comme Casimir, beaucoup de compatriotes projetaient, au début de leur séjour à l´étranger, d´étudier et de retourner immédiatement après les études pour mettre leur savoir au service du pays. Une fois les études terminées avec brio, ils ont opté pour une carrière d´abord, afin d´acquérir de l´expérience professionnelle et une base financière solide permettant de mieux se réintégrer professionnellement et socialement à leur retour. Les années s´égrainant si vite, viennent s´ajouter les problèmes du marché de l´emploi au bercail. C´est ainsi que deux ans sont devenus dix ans et dix ans, vingt ans. Si beaucoup de compatriotes installés à l´étranger gardent l´espoir de passer leur jours de retraite en beauté au pays et insistent ne pas vouloir vieillir en Europe, dans la solitude extrême, le plan-retour reste tout de même vague.
Pour bon nombre des premiers travailleurs immigrés turcs en Allemagne, l´option de vieillir loin de la terre natale n´avait pas été envisagée et à l´âge de la retraite, ils s´étaient retrouvés pour une raison ou pour une autre incapables de retourner, mais mal préparés pour une vie de qualité à l´étranger, à cet âge avancé. Pour ne pas tomber dans ce piège, il faut malgré les imprévus de la vie, prendre en considération certains facteurs primordiaux pour mieux envisager et planifier une vie après le départ en retraite, qu´elle soit à l´étranger ou dans son pays natal.
Beaucoup de migrants ont commencé à travailler relativement tard, d´où l´épargne peu élevée, et une pension dérisoire exposant le/la retraité(e) à la précarité dans son pays d´accueil. D´ailleurs, poussés par les difficultés grandissantes de joindre les deux bouts avec la maigre pension, certains retraités européens s´installent dans les pays ensoleillés où le coût de la vie est moins élevé et les conditions de vie et d´intégration des personnes âgées plus propices.
Si on opte pour une vie à l´étranger après le départ en retraite, il reste important de s´informer chez les experts sur la retraite ainsi que les possibilités de cotiser personnellement, dans la limite de ses moyens. Ceci pour augmenter les chances de toucher une pension permettant de mener une vie décente, après autant de décennies du dur labeur. Aussi l´option d´un retour au bercail après le départ à la retraite doit être soutenue par un plan réaliste ainsi que la consolidation des projets sur place, lesquels peuvent générer des revenus.
Vieillir en Occident pour beaucoup de compatriotes pose le problème du milieu social dans lequel ils vivent. Ne se sentant mieux que chez soi, ceux-ci sont de l´avis qu´il vaut mieux vieillir au pays, à côté des siens. Or après autant de décennies passées à l´étranger, beaucoup se sont volontairement ou involontairement accommodés au mode de vie de leur pays d´accueil. En outre, certains ont vu leurs rapports avec les connaissances restées au pays se détériorer, car n´ayant pas été en mesure de répondre aux nombreuses attentes. Aussi faut-il noter l´installation à l´étranger de tout un cercle d´amis, de toute une famille, des parents jusqu´aux petits enfants, ce qui constitue souvent une entrave pour le membre de la famille qui compte retourner au pays et est en quête des repères pour une certaine sécurité sociale.
Il convient ici de mentionner que les structures et les formes d´organisation des communautés camerounaises en Occident diffèrent d´un pays à un autre. Toutefois, il est important de mettre en exergue la nécessité d´une meilleure organisation des structures sociales et d´orientation tant pour les enfants que pour les parents et les grands-parents issus des migrations africaines. Comment envisager la vie des personnes âgées d´origine africaine dans les foyers d´accueil ? Pour sûr, certains resteront à l´étranger pour les raisons personnelles ou de santé après le départ en retraite. Alors, il incombe à nos communautés de repenser les alternatives des foyers d´accueil pour ces personnes âgées, tout en prenant en considération les sensibilités, la solidarité et les valeurs culturelles africaines.