Vergès a défendu Ouattara contre Bédié. Ses courtisans crachent sur son cadavre


Ingratitude ou mauvaise foi ? Les deux, sans nul doute, dans la posture des journaux ivoiriens préposés à la propagande d’Alassane Dramane Ouattara par rapport à la mort de l’avocat français Jacques Vergès, le 15 août 2013.

Certains n’ont pas soufflé le moindre mot de compassion. D’autres se sont jetés à bras raccourcis, la plume haineuse, sur le cadavre encore chaud de Me Jacques Vergès, dédaigneusement appelé « avocat de Gbagbo ».
Et pourtant, Jacques Vergès a été l’avocat d’Alassane Dramane Ouattara en 1999, lorsque Henri Konan Bédié, alors président de la République de Côte d’Ivoire, lui a signifié qu’il est un Burkinabé et qu’il ne peut, par conséquent, se prévaloir de la nationalité ivoirienne.

« Vergès, l’ex-avocat de Gbagbo est mort », titre Nord-Sud. Et  le quotidien de Soro Kigbafori Guillaume, chef des rebelles des Forces nouvelles, président de l’Assemblée nationale et dauphin constitutionnel d’Alassane Dramane Ouattara, écrit : « L’avocat de Klaus Barbie et récemment de Laurent Gbagbo s’est éteint hier à l’âge de 88 ans. Animal médiatique, passé maître dans l’art de la provocation, Jacques Vergès était sans doute l’un des by Savings Wave">avocats français les plus connus mais aussi les plus controversés. » (Nord-Sud, vendredi 16 août 2013, page 5). Pas un mot de la défense de Ouattara par Jacques Vergès.

La très officielle Agence ivoirienne de presse (Aip) qui, comme la Radio télévision ivoirienne (Rti), n’est plus que la voix de la pensée unique de son maître Ouattara, se déchaîne contre Jacques Vergès : « Ami des membres de l'internationale terroriste des années 70 et 80, du révolutionnaire vénézuélien Carlos, des activistes libanais Georges Ibrahim Abdallah et Anis Naccache, (…) il avait également défendu l’Irakien Saddam Hussein, le FLN algérien et des mouvances terroristes comme la bande à Bader. (…) Dernière personnalité internationale à avoir pu compter sur le soutien de "l’anticolonialiste" Vergès, le Président Laurent Gbagbo. (…) Au plus fort de la crise postélectorale, Vergès et son confrère Roland Dumas séjournent à Abidjan en décembre 2010 pour soutenir M. Gbagbo. (…) Ses clients avaient un point commun, ils faisaient en général l'unanimité contre eux en Occident. Quelques mois avant la fin du dictateur libyen, Mouammar Kadhafi, il s'était porté volontaire avec Roland Dumas, pour déposer plainte pour "crimes contre l'humanité" contre le président français d’alors, Nicolas Sarkozy, dont le pays a mené les opérations de la coalition internationale en Libye. » (Agence ivoirienne de presse - Aip -, 16 août 2013). Motus et bouche cousue ! Toujours pas un traître mot sur la défense de Ouattara par Jacques Vergès, ici comme dans toutes les officines médiatiques du chef de l’Etat ivoirien.

L’objectif recherché dans leur « littérature » par les journalistes de Ouattara est d’associer l’image des clients défendus, plusieurs décennies plus tôt, par l’avocat Jacques Vergès et celle du président Laurent Gbagbo, dans le dessein de le faire apparaître, lui aussi, sous les traits d’un « criminel », d’un « terroriste », etc. La représentation de l’avocat français, « ami des membres l’internationale terroriste », est également associée, par glissement sémantique, à celle du président Gbagbo.

Et pourtant, que de dithyrambes produites par la presse « ouattaraesque » sur Jacques Vergès, en 1999, quand il défendait Alassane Dramane Ouattara contre Konan Bédié au sein d’un Collectif de conseils des barreaux d’Abidjan et de Paris !

L’arrivée de Vergès à Abidjan le mercredi 15 septembre 1999, alors que Ouattara doit être entendu le lendemain par les juges lancés à ses trousses par Konan Bédié, mobilise toute la galaxie du Rassemblement des républicains (Rdr). Un « dispositif d’accueil mis en place par les collaborateurs et proches d’ADO dont son épouse, Mme Dominique Ouattara »,  est déployé à l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny pour accueillir « Me Jacques Vergès, le célèbre avocat français » ou encore « le mythique conseil juridique. » (Le Patriote, jeudi 16 septembre 1999, page 3).

Le jeudi 28 octobre 1999, Jacques Vergès et le Collectif des avocats de Ouattara organise une conférence de presse à Paris, au 112 Avenue Kleber. Méité Sindou, rédacteur en chef et envoyé spécial du quotidien Le Patriote dans la capitale française, rapporte les propos de Vergès qui s’emploie à réfuter les arguments de Bédié qui soutient qu’Alassane Dramane Ouattara ne peut prétendre à la nationalité ivoirienne « aux motifs :

- qu’il aurait fait ses études en Haute Volta aujourd’hui Burkina Faso

- que son père né en Côte d’Ivoire est enterré au Burkina Faso

- qu’avant d’être gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest au titre de la Côte d’ivoire, il avait été sur proposition du président Houphouët, nommé gouverneur au titre du Burkina Faso, la Côte d’ivoire ne pouvant occuper en même temps les postes de vice-gouverneur et celui de gouverneur alors confié à Abdoulaye Fadiga, Ivoirien. » (Le Patriote, mardi 2 novembre 1999, page 6.)

Jacques Vergès dénonce « les cercles gouvernementaux » qui accusent Alassane Dramane Ouattara « de boire du vin, de manger du porc, d’avoir épousé une femme juive et qu’un doute est émis sur sa circoncision. » (Le Patriote, idem). L’avocat français se dépense sans compter pour défendre la validité du premier certificat de nationalité ivoirienne délivré à Ouattara par le juge Zoro Epiphane Ballo, le 28 septembre 1999.

Jacques Vergès est mort. Pas un mot de reconnaissance pour honorer la mémoire de l’avocat dans les journaux du régime de terreur d’Alassane Dramane Ouattara. Pas même un brin de fleur de Ouattara lui-même ou de son épouse pour le cercueil de Jacques Vergès, à défaut d’un « dispositif d’accueil ». Hier « célèbre avocat français », « mythique conseil juridique » quand il défendait Ouattara, il n’est plus pour ses courtisans que « Vergès l’ex-avocat de Gbagbo. » L’ingratitude et la mauvaise foi jurent avec les sommets dans le clan d’Alassane Dramane Ouattara et de son parti, le Rdr.

Le devoir de reconnaissance s’est exprimé dans les rangs des partisans du président Laurent Gbagbo. « Un grand homme, à la fois héros et héraut » : tel est, par exemple, l’intitulé de l’hommage de son conseiller spécial Bernard Houdin à Jacques Vergès.  Sous le titre « Vergès, ami des peuples opprimés et des faibles », Notre voie, un quotidien proche du Front populaire ivoirien (Fpi), le parti de Laurent Gbagbo, a salué la mémoire de l’avocat. (Notre voie, samedi 17 et dimanche 18 août 2013.)

En tout état de cause, Jacques Vergès n’a certainement pas besoin de la reconnaissance de quelques journalistes courtisans du régime de Ouattara pour entrer dans le cercle des ténors disparus des barreaux. Il y est déjà. Ses prises de positions politiques pendant l’épisode postélectoral de la crise qui secoue encore la Côte d’Ivoire montrent bien que Jacques Vergès avait perçu qu’Alassane Dramane Ouattara est une marionnette de l’impérialisme international.

Par Deuxer Céi Angela. L’œil du juste


19/08/2013
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