Verdict du procès de l’achat foireux du Bb jet II: 25 ans de prison pour Marafa, Fotso et Assené Nkou
DOUALA - 24 SEPT. 2012
© Le Messager
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Délibéré: Tous les accusés jugés coupables
Après 14 heures d’audience ininterrompue, le juge Gilbert Schlick a déclaré «coupables» Marafa Hamidou Yaya, Yves Michel Fotso, Julienne Nkounda et Cie dans l’affaire qui les oppose à l’Etat du Cameroun au sujet de l’acquisition d’un avion pour les déplacements du président de la République. C’était vendredi 21 septembre 2012. Les alentours du palais de justice de Yaoundé, quadrillés par pas moins de 300 policiers, gendarmes et agents de renseignements, est calme en ce vendredi 21 septembre 2012. Il est un peu plus de 13 heures, et les passants ne sont plus tolérés. Marafa Hamidou Yaya, Yves Michel Fotso et Julienne Nkounda, trois des coaccusés de l’ « affaire avion présidentiel » sont déjà dans la salle d’audience du tribunal de grande instance du Mfoundi. Le premier est drapé dans une superbe gandoura blanche, le deuxième arbore un magnifique costume sombre, tandis que la troisième est, dans un style prosaïque vêtue de noir. Plusieurs minutes après, vers 14 heures, les trois membres de la collégialité des juges font leur entrée. La messe dite par le juge Gilbert Schlick peut commencer. Les minutes du procès, depuis son début, sont contenues dans une volumineuse chemise ; pas moins de 600 pages recto-verso, estiment certains. Solennellement, le juge Schlick commence sa lecture. Les regards dans la salle sont graves. Mais, l’on sait d’ores et déjà qu’il faut s’armer de patience. L’audience devrait durer au moins jusqu’à minuit, suppute-t-on. Les heures passent, les baffles de la salle d’audience grésillent. L’ennui gagne peu à peu l’assistance. Les réquisitions de la société civile, puis celles du procureur de la République, commencées depuis 18 heures environ, vont s’achever vers 22 heures. Entre temps, dans l’assistance, la fatigue triomphe : le sommeil est plus fort. Inoxydable Schlick Le juge Gilbert Schlick tient le bon bout et ne lâche point ; s’arrêtant juste pour se désaltérer. Il a demandé qu’on liquide tout aujourd’hui. La relecture des plaidoiries de la défense a commencé depuis un bon moment. Le juge semble inoxydable. Malgré de légers signes de fatigue. Vers 1h du matin, il observe un arrêt un peu plus long qui réveille brusquement toute la salle et fait courir ceux qui étaient dehors. Mais, déception : la messe n’est pas finie. Par moment aussi, il évite de revenir sur ce qui a été dit antérieurement. Enfin, à 3h10 du matin, il épuise sa longue et épuisante litanie. Notamment par ce que l’on a appelé au sein de l’opinion publique « la 5e lettre de Marafa ». Et là, tout le monde se réveille complètement. « Les vraies choses vont commencer », commente à voix basse quelqu’un dans l’assistance. Et à la demande du juge, tout le monde se lève. Cette fois, il va motiver la décision finale prise par le collège qu’il préside. Près d’une heure encore de lecture. Mais, l’on comprend très vite dans les paroles du magistrat que le sort des accusés est scellé. Les co-accusés observent tout de même un calme stoïque. Et c’est finalement vers 4h15 que le délibéré de Gilbert Schlick est vidé : « Tous coupables ! ». Maintenant, place au verdict. Alain NOAH AWANA Sentence: 25 ans de prison pour Marafa, Fotso et Assené Nkou Les trois coaccusés écopent de 15 ans et 10 ans. L’ensemble des 6 accusés également condamnés à payer solidairement près de 23 milliards de dommage et de dépens. Le regard de Marafa Hamidou Yaya vient de croiser celui de Gilbert Schlick à 7 heures 15 minutes ce samedi, 22 septembre 2012. Derrière la monture de ses lunettes, qu’il vient d’ajuster, le président du collège des juges qui connaissent l’affaire de l’achat foireux du Bbjet II depuis le 16 juillet 2012, les yeux expriment une certaine gêne … de la compassion. L’air embarrassé et soucieux de la réaction de son vis-à-vis, il lance « l’audience est levée » en rangeant une pile de documents qui se trouve devant lui. Ce magistrat qui vient de lever ses yeux après quelques minutes de lecture de la sentence pendant lesquelles, Yves Michel Fotso, Julienne Nkounda et Marafa Hamidou Yaya et toute l’assistance regardaient avec attention, croise ainsi le regard vif d’un des coaccusés à qui il vient d’infliger 25 ans de prison ferme. Cette séquence est suivie d’un rituel d’arme de la gendarmerie qui intervient après le prononcé de tout jugement dans les affaires criminelles. Gilbert Schlick profite du vacarme que suscite ce cérémonial d’arme pour quitter la salle avec ses deux autres collègues, mais surtout s’échapper du champ visuel de Marafa Hamidou Yaya qui le fixe toujours du regard. Aussitôt après, le départ des juges, l’ex secrétaire général de la Présidence de la République (Sgpr) se retourne sur sa gauche. Et le sourire en coin, il adresse une tape amicale à Yves Michel Fotso, tout près de lui dans le box des accusés. Les deux personnalités qui viennent d’être condamnés quittent le box situé au centre du prétoire pour la galerie de la salle d’audience principale de la Cour d’appel du Centre, requise pour les besoins de la cause par le Tgi de Yaoundé. Ils sont suivis de Madame Nkounda, leur compagnonne d’infortune. Drapé dans une gandoura, couleur immaculée et une chéchia de même couleur (presque identiques à celles qu’il arborait le jour de son arrestation, le 16 avril 2012) et le pas majestueux, l’ex N°2 du régime de Yaoundé quitte la salle sous bonne escorte. Il précède Yves Michel Fotso, l’air tout aussi serein, qui dresse par plusieurs gestes le costume deux pièces, de couleur bleu sombre et coupé sur mesure qu’il arbore. L’homme d’affaires traîne même le pas pour quelques accolades chaleureuses avec des proches. « Je suis déçu mais pas vaincu » Vers 7 heures 45 minutes, les deux pensionnaires du secrétariat d’Etat à la Défense (Sed) rejoignent leur véhicule d’escorte stationné devant le bâtiment principal de la Cour suprême, via une porte dérobée (celle qui a été choisie par la gendarmerie depuis plusieurs audiences pour éviter les acclamations de leurs partisans). Le procès du Bb jet II se referme sur cette image. Les trois accusés qui y ont comparu, Marafa Hamidou Yaya et Yves Michel Fotso, d’une part sont condamnés à 25 ans de prison ferme, chacun,« pour bonne tenue devant le tribunal » et Julienne Komnang épouse Nkounda, ex directeur général adjoint (Dga) d’autre part à 10 ans ferme. Quant à Assené Nkou, Dg de l’Anac ; Jean Marie Chapuis, ex-directeur général (Dg) de la Commercial Bank Cameroon (Cbc) et sa collaboratrice, Géneviève Sandjon, tous en fuite, écopent de 25 ans de prison ferme pour le premier cité et de 15 ans pour les deux autres. Un mandat d’arrêt est décerné contre eux à l’audience. Par ailleurs, ils sont condamnés à payer à la partie civile (l’Etat du Cameroun) la somme de 21 milliards 375 millions FCfa et 1,5 milliards de dépens, au greffe du Tgi, représentant, ce qu’aura coûté la procédure depuis l’instruction. Une décision qui n’arrange pas naturellement la défense. Car avant même le prononcé du verdict final, Me Alice Nkom, avocat de Julienne Nkounda indique déjà au tribunal au moment de la plaidoirie, intervenant juste après la lecture du délibéré qu’elle interjetterait appel dès ouverture du greffe ce lundi. Au cours des mêmes plaidoiries, Yves Michel Fotso s’est contenté de dire qu’il « porte sa croix » mais, surtout que « l’histoire retiendra » cette décision qui ne reflète pas le contenu des débats. Quant à lui, Marafa Hamidou Yaya s’est dit « déçu mais pas vaincu ». Dans le même chapitre, le parquet également manifeste sa déception, à l’image des traits serrés affiché par Maurice Soh qui représente le procureur au cours de ce procès. Tant la peine pénale infligée par les juges aux accusés est bien modeste devant celle qu’il avait requise, à savoir la prison à vie pour tous les condamnés. Tout comme les avocats de l’Etat du Cameroun, dont l’amende sollicitée a été divisée par deux quasiment. Car les avocats commis par le ministère des Finances exigeaient en guise de dommage, le versement de 45 milliards de Fcfa par la bande à Marafa. Au surplus, les trois juges n’ont pas accédé à leur demande de procéder à la confiscation des biens des accusés. L’on saura dans 48 heures si les différentes parties de l’affaire vont se contenter de cette décision. Ou alors comme Madame Nkounda, elles feront appel. Rideau sur cette première étape ! Rodrigue N. TONGUE |
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