USA- Cameroun: CORANTIN TALLA " Le gouvernement avait tué Collins DJEUGOUE KAMGA pour diaboliser les étudiants parlementaires "

USA- Cameroun: CORANTIN TALLA " Le gouvernement avait tué Collins DJEUGOUE KAMGA pour diaboliser les étudiants parlementaires "

 

Corantin Talla:Camer.beNous revenons comme promis avec la deuxième partie de l’interview accordée à , Monsieur  Corantin TALLA alias Général Schwarzkopf. Cet ancien leader cofondateur du parlement des étudiants camerounais vit en exil aux Etats –unis d'Amérique depuis plus de 17ans . Bien qu’éloigné de son Cameroun natal, il reste scotché sur l’actualité relative à son pays. Il revient dans la suite de cet entretien sur les circonstances de son exil pour les Etats Unis d'Amérique, sans oublier celles de ses camarades du Parlement des étudiants camerounais . Revélations...

Vous nous aviez dit récemment qu’à l’époque vous étiez traqués de part et d’autre de la république par l’armée et la police.. Pour quelles raisons  vous êtes vous retrouvés dans les locaux de la Communauté Economique Européenne ?

Au début de nos revendications, mes camarades WAFFO YIMGA et moi avons séjourné dans les locaux de la Communauté Européenne entre le 19 Avril et le 19 mai 1991, parce que notre sécurité était menacée.
Le gouvernement avait voulu diaboliser le parlement en assassinant un Etudiant en la personne de NDAM SOULE. Il avait été brulé vif sous les yeux des gendarmes
Pendant que nous étions en exil dans les locaux de Commission Economique Européenne (CEE) à Yaoundé, le gouvernement a pendant notre séjour, négocié avec la CEE notre exil en Suisse.
Nous y avons opposé un non catégorique. Notre obstination à demeurer au Cameroun nous a valu à notre sortie de la CEE sur le trajet Yaoundé – Douala, une tentative d’assassinat au niveau du pont d’Edéa. C’est grâce à la magnanimité du délégué de la CEE, Dr. STAHN Herbert, que notre cortège a pu regagner paisiblement Douala, escorté par des éléments mis à notre disposition à partir d’Edéa, sous à la demande du Secrétaire Général de la Présidence de la République, M. SADOU HAYATOU

M. Talla c’est très facile de tout mettre sur le dos du gouvernement. Serez-vous en mesure de fournir les preuves de vos affirmations si vous y étiez invité?

A l’époque nous avons fait nos investigations. Il y avait des gendarmes en permanence autour de là où cet étudiant avait été brulé. Le gouvernement Camerounais a reconnu par une lettre signée de SADOU HAYATOU, alors secrétaire général a la présidence, et transmise au Délégué de l’Union Européenne et mon avocat principal Me Charles TCHOUNGANG de l’OCDH (Organisation Camerounaise des Droits de l’homme), que WAFFO, YIMGA et moi n’avaient rien à voir avec l’assassinat de NDAM SOULEY.  J’ai d’ailleurs une copie de cette lettre datée de Mai 1991 et émanant de la Présidence de la République du Cameroun. D’autre part la fameuse commission Odile MBALLA créée par le gouvernement n’a jamais publié les résultats de ses enquêtes sur les morts de l’université de Yaoundé.(NGOA KELE)

Qu’est ce qui a motivé le choix porté sur cet étudiant?

Allez poser la question à ceux qui l’on fait. Pour nous neutraliser le gouvernement n’avait pas besoin des actes comme cela. Il suffisait  d’accéder à nos doléances. Malheureusement, ils ont tué beaucoup d’entre nous comme ça. Et même après que je me sois exilé, le gouvernement avait  tué Collins DJEUGOUE KAMGA pour diaboliser les étudiants parlementaires. C’est tout simplement lamentable.

Parlant  de votre exil peut-on savoir comment est ce que vous vous êtes retrouvé ici aux USA ?

Après l’annonce des résultats des élections présidentielles de 1992 prétendument gagnées par le RDPC parti au pouvoir, j’ai organisé une résistance à l’ouest du Cameroun pour rejeter en bloc ces résultats fabriqués, malgré le fait que dans son coin le candidat victorieux dans les urnes en la personne de M. FRU NDI avait déjà appelé au calme.

J’ai été arrêté à Bafoussam et jeté à la prison de Bafoussam pour atteinte à la sécurité de l’Etat et pour grand banditisme. J’ai été mis en cellule à la sécurité publique de cette ville pendant quinze interminables jours, avant d’être transféré à la prison centrale de Bafoussam. Je précise que c’est le gouverneur de l’époque, Philippe MENYE ME MVE, qui avait signé mon mandat de dépôt. Je n’avais pas été jugé, je ne suis pas non plus passé devant le procureur.
J’ai été libéré en faveur d’un mandat de dépôt qui avait été oublié d’être renouvelé, étant donné que, tous les quinze jours, le gouverneur se devait de le renouveler. A défaut de l’avoir fait comme il était d’usage, le Régisseur m’a libéré. Le lundi, un cadre de la justice originaire de ma région m’a rapporté que le gouverneur avait constaté ma libération et était furieux. Il ordonna alors aux forces de l’ordre de déverser les hommes à ma recherche et de me ramener mort ou vif.

C’est quand’ même curieux que le régisseur est pris sur lui de tel risque au vu des mobiles qui justifiaient votre déferrement….

Oui surement c’est pour cela que le régisseur avait été limogé par la suite. J’ai donc pu regagner Yaoundé ou on m’attendait le moins. Mon compagnon de lutte en la personne de Robert WAFFO alias Collins POWER et moi avons évalué la situation. Aux termes de moult réflexion, nous avons décidé de quitter le pays car toutes les informations qui nous parvenaient étaient mauvaises.
Notre sort était désormais scellé. C’est ainsi que nous nous sommes déguisés en musulmans, et avons empruntés le train pour le nord avec pour point de chute le Nigeria. J’y ai séjourné presque trois ans grâce à la prise en charge du commissariat des nations unies pour les refugiés. Etant au Nigéria, j’ai essuyé deux tentatives d’assassinat. C’est ce qui a emmené l’ONU à m’éloigner le plus loin possible.

C’est comme cela que vous êtes entré aux USA. Et les autres alors ?

Moi je suis parti en 1992 et les autres en 1993. Après le Nigeria, je suis entré aux USA et certains de mes camarades sont partis au Burkina où M.DJEUKAM TCHAMENI les a reçus. Mais une fois ici, j’ai remis la liste de certain de mes camarades parlementaires au gouvernement américain et expliqué leur situation partout où ils étaient. Cela a ensuite permis à ce que les autres trouvent  également refuge aux USA.

A vous regarder, on devine qu’il fait bon vivre au pays de l’oncle Sam !

Oui si bon vivre est synonyme de liberté, le matériel oui mais écoutez mon pays me manque. Cette nostalgie me ronge de plus en plus. Je souhaiterai être près des miens, de ma culture, je souhaiterai participer au développement de mon pays. C’est pour cela que chaque matin une fois arrivé au bureau je commence par sillonner la toile pour m’informer des nouvelles de mon pays.

N’êtes- vous pas gêné de vivre la vie politique de votre pays à des milliers de kilomètres ? Pourquoi ne rentrez vous pas au Cameroun ?

Je rentrerai au Cameroun, rien ne m’empêche voyez vous.

Bien sûr que non. Certains de vos compagnons sont rentrés au pays.

Oui mais peu sont rentrés. Et de ceux là, il y a un au nom de Jacques TIWAI, qui en faveur des évènements de février 2008 à été froidement abattu par les forces de l’ordre.Ca aussi, c’était un acte du gouvernement. Il a été ciblé personnellement parce qu’on savait que c’était l’un des nôtres.

M. TALLA vous essayez de nous dire que l’Etat continue à vous pourchasser jusqu’aujourd’hui alors ?

Oui ils nous poursuivent et nous empêchent même d’aider la population. Malgré les possibilités que nous avons de le faire de nos jours. Je suis CEO d’une ONG qui a voulu s’immatriculer au Cameroun pour faire des dons en médicament, en matériel informatique etc… C’était notre façon à nous de participer au développement et à la lutte contre la pauvreté dans notre pays. Malheureusement, le directeur des affaires extérieures du ministère de l’administration territoriale s’y est opposé. Il a dit à mon représentant que cela ne saurait être possible au vu de mon activisme politique passé et présent.

Est-ce à dire que vous continuez à avoir des activités politiques malgré votre statut de refugié aux USA ?

Bien sûr, je suis libre de m’intéresser aux affaires de mon pays. Actuellement j’ai un statut de résident permanent aux USA et non de refugié en plus. Les USA sont un pays de liberté. Vous avez le droit d’exprimer vos opinions à condition de ne pas faire du terrorisme. Mon combat est en faveur du droit à la liberté, du droit à l’égalité pour tous dans mon pays.

Je suis particulièrement embêté quand vous me dites que vous n’êtes plus refugié, que vous avez un statut permanent aux USA et que rien ne vous empêche de retourner au Cameroun. Cela vous confère un certain droit d‘aller et de venir où vous voulez, de retourner vous installer au Cameroun et de poser des actes beaucoup plus concrets pour le développement de la démocratie et d’être plus proche du peuple dont vous vous réclamez  tant M. TALLA Moi je trouve votre discours bien curieux. Vous luttez certes à votre façon. Mais ne pensez vous pas que vous serez beaucoup plus utile, présent au Cameroun ?

Vous me poussez à vous annoncer en exclusivité qu’en 2011 je vais rentrer au Cameroun. Ces 15 dernières années ont été un moment de préparation sur le plan de la réflexion, sur le plan intellectuel et sur le plan stratégique.

Pour être candidat aux élections présidentielles sans doute…

Non je ne pense pas être candidat aux élections présidentielles en 2011 bien que rien ne m’ôte ce droit. Si j’avais cette intention, je serai à ce moment déjà retourné au Cameroun.

2011 représente pour le Cameroun une année complexe sur le plan politique à cause d’échéances électorales importantes au sommet de l’Etat. Alors ne dites pas que vous avez innocemment,  choisi 2011 pour votre retour au Cameroun.

Oui ce n’est pas innocent. Mais ce n’est pas forcément pour être candidat ou pour soutenir un candidat. La vérité c’est que je ne saurai être en marge de l’actualité politique au Cameroun.

M. TALLA pouvez vous nous révéler en exclusivité l’identité du candidat que vous soutiendrez ?

Pour l’instant, je ne soutiens aucun candidat. Mais au moment opportun, je pourrai faire un choix. Pour l’instant, j’observe, je lis les programmes et les projets de société des uns et autres et je les analyse. Par le passé, nous avons eu à faire aux opportunistes. Ce n’étaient pas des patriotes convaincus. Fort de tout ce passé je prends plus de temps maintenant à observer les uns et les autres. Pendant cette phase, un déclic pourrait se produire en faveur d’un candidat. Mais rassurez-vous ce ne sera jamais le candidat du RDPC.

Qu’avez contre le RDPC ?

Aujourd’hui quand vous regardez le Cameroun, il s’y est installé la dépravation morale, la paupérisation des jeunes, l’incompétence, l’impunité, l’administration est complètement corrompu. Ce sont de part et d’autres les adeptes  du RDPC parti au pouvoir et celles dites de la majorité présidentielle qui tiennent les commandes. Ce sont eux qui tiennent l’administration centrale, les cercles décisionnaires. Mais regardez comment ils gèrent le pays depuis 25 ans.
Que peuvent t-ils encore apporter de nouveau ? Ils ont eu plus de 25 ans pour le faire mais ne l’ont pas fait. Où sont les acquis d’il y a 25 ans. Ils ont été remplacés par le vol, le mensonge, la misère, la terreur et j’en passe. Le Cameroun a été classé trois fois durant, pays le plus corrompu du monde par l’ONG Transparency International. C’est à peine si en 2009 on n’a pas célébré à Yaoundé les résultats du classement qui plaçaient le Cameroun 146ème/180. Ces différents rapports citent les douanes, la police, les impôts et la justice. C’est un climat hostile aux investissements et par ricochet à la création des emplois. D’où le taux élevé de chômage, du grand banditisme et autres maux qui minent le pays.
Je vous surprendrai peut être plus en vous disant que même les partis qui  aujourd’hui disent être de l’opposition radicale pour moi ne représentent rien. Je vous le dis sans ambages. J’ai l’impression qu’il y a beaucoup plus de boutiques politiques que de partis politiques. C’est pour cela que j’appelle la jeunesse camerounaise sans distinction de chapelle politique, de classe sociale, de tribu de religion ou de sexe à se mobiliser pour prendre son destin en main car, le conflit actuel au Cameroun est générationnel.
Moi je serai au Cameroun en 2011 pour mobiliser la jeunesse, pour les intéresser à la chose politique car ce n’est plus le cas aujourd’hui. Vous savez, pour cette jeunesse, les élections aujourd’hui ne sont que des rituelles confirmatoires car avant d’y aller, on connait les résultats.
D’autre part, il manque un contre pouvoir au Cameroun. On a des opposants que l’on ne revoit qu’à la veille des élections. Ils disparaissent aussitôt au lendemain des élections. Alors que le rôle d’une opposition est de mobiliser et d’éduquer quotidiennement son électorat, de les conscientiser, d’analyser et de donner la réplique aux actes du parti au pouvoir etc.… Aujourd’hui, la désaffection de la jeunesse pour la chose politique est un problème pour notre démocratie.

Permettez-moi de placer une question M. TALLA. S’il vous était demandé de choisir parmi les partis qui ont pignon sur rue au Cameroun, celui qui incarnent vos idéaux, lequel choisirez vous ?

Pour le moment je vous dirai sincèrement que je ne vois aucun.

Ne nous dites pas que sur près de 200 partis existant légalement au Cameroun il n’y a aucun qui sort du lot.

En tout cas aucun n’incarne mes idéaux.  Par contre j’admire certaines associations de la société civile. Le problème avec les partis politiques au Cameroun et surtout ceux qui sont représenté à l’assemblée nationale est que leurs leaders n’incarnent pas le désir populaire de reforme. Eux-mêmes voyez vous sont à la tête de leurs partis depuis des décennies et font tout pour s’y maintenir. Vous voyez donc qu’il y a nécessité de reforme à l’intérieur même de ces partis. Prenons au hasard le cas du SDF. Ils n’ont pas toujours des mauvaises idées mais, ses leaders ont déformé les idéaux de départ pour leur intérêt personnels.

Parlant de ce parti il a à sa tête un président en la personne de M. NI John FRU NDI qui est régulièrement élu par ses membres. Vous n’allez pas dire que c’est un simulacre d’élection qui est à chaque fois organisé dans le parti pour confirmer celui là à sa tête.

Je n’irai pas jusqu’à me mêler de la  gérance du SDF mais je pense tout de même que, quand on dit lutter pour le respect du jeu démocratique dans un pays, il faut être démocrate au sein même de son propre parti. Je pense pour ma part que M. FRU NDI gagnerai à accepter une saine compétition au sein de son parti.
Il faut qu’il se rende à l’évidence que ses militants souhaitent une alternance à la direction de son parti. Le SDF est un peu essoufflé aujourd’hui  et a besoin de jeunes cadres au sang neuf.

M. TALLA M. FRU NDI a toujours remis son poste en jeu, à  l’issu de son mandat. Mais d’après les résultats issus de ses consultations, il a toujours gagné avec des scores fleuves. Vous n’allez pas dire que lui aussi falsifie les résultats des élections dans son parti.

Tout dépend des conditions d’organisation de ces élections internes au SDF. Moi ce que je sais c’est qu’une fois, il y a eu des gens comme M. Bernard MUNA ou M. TAKOUDJOU qui ont été exclu parce qu’ils ont voulu challenger M. FRU NDI. Je pense pour ma part que le SDF doit toiletter l’article 8.2 de ses statuts, je pense qu’il a besoin d’un renouvellement de ses cadres et, il faut qu’ils accordent la part belle à la jeunesse. Cette jeunesse qui aujourd’hui est arrimée à la modernité, à la nouvelle technologie. Voilà un parti qui se dit leader de l’opposition qui n’a pas par exemple un web site digne de ce nom. Bref pour moi aucun parti dans son état actuel au Cameroun ne m’attire. Faudra prendre des idées de part et d’autre pour constituer un véritable parti de consensus national où les camerounais épris de paix, de justice et de développement s y retrouveront  ( A suivre)

Lire le début de cet entretien sur ce lien

Nous reviendrons ultérieurement avec la troisième partie de cet entretien consacrée à l’analyse de Monsieur  Corantin Talla de la scène politique camerounaise et de certains acteurs politiques

Corantin Talla:Camer.be

© Correspondance : Interview réalisée pour Camer.be par Maurice TCHASSO



07/04/2010
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