Urbanisation: Après 28 ans «l'immeuble de la Mort» devient «immeuble de la Vie»

YAOUNDÉ, 05 avril 2012
© Roger Zanga (Liberation Plus) | Correspondance

Telle est la durée qu'aura nécessitée le chantier de construction d'un immeuble en plein centre-ville de Yaoundé. Un lieu qui a eu le mérite de voir transformer en horribles cauchemars la vie de nombreux camerounais, suite aux exactions qui s'y déroulaient.


Immeuble de la mort - Photo d'archive
Photo: © Archives


L'excitation suscitée par la vue de l'immeuble ministériel n° 1 en construction, situé en plein carrefour de la poste centrale de Yaoundé tel qu'il apparait aujourd'hui, traduit certainement une réelle volonté d'accéder à un avenir prometteur pour de nombreux observateurs, jeunes et âgés. Mais l'on oublie de s'interroger sur la longévité d'un chantier.


Le passage des trains de la ligne Dla-Ydé

Entamés au tout premier semestre de l'année 1984, soit douze mois seulement avant l'avènement du Rpdc, deux chantiers étaient simultanément en cours de réalisation à savoir, l'immeuble ministériel n° 1, dont les travaux sont en cours d'achèvement et l'immeuble ministériel n°2. Ce dernier aura eu plus de bonheur de voir le jour, bien qu'avec un retard considérable sur les délais impartis à cet effet.

L'autre connut des fortunes diverses. D'abord les travaux de construction s'étaient arrêtés brusquement, sous des motifs diversement interprétés. Il était alors question des problèmes en liaison avec son site. Le chemin de fer Douala-Yaoundé y passe en dessous. Des tremblements réguliers au passage des trains faisaient alors craindre disait-on un éventuel effondrement des fondations, suite à ces vibrations. 28 années plus tard, cet argument se voit battu en brèche, eu égard à la solidité dans l’ossature du bâtiment, haut de dis huit étages.


Le gîte des malfrats

De son nom de baptême «d'immeuble de la mort», l'approche de cet édifice provoquait de la migraine à tout passant, de jour comme de nuit. Cette dénomination lui avait été flanquée à la suite des crimes qui y étaient perpétrés, de façon récurrente. Le lieu était devenu dès lors un dangereux gîte où s'abritaient des gangs de malfrats. L'on se souviendra non sans effroi, des cas de filles qui y étaient souvent séquestrées par des hordes de parias de la société, dont l'unique souci était de mener leur existence marginale en ruinant sévèrement celle d'honnêtes citoyens.

Une jeune fille n'y avait eu la vie sauve que par son extrême docilité, laquelle lui avait recommandé de subir son sort sans rechigner, stoïquement, à la manière du loup d'Alfred de Vigny. Elle avait alors été choisie pour être l'épouse du chef du gang qui y sévissait, lequel avait fini par l'engrosser. C'est au jour de son accouchement qu'elle avait saisi l'occasion de confier son calvaire à une infirmière, laquelle avait donné l'alerte, pour voir les autorités organiser enfin un assaut décisif, au cours duquel nombre des malfrats présents sur les lieux avaient soit péri au cours des échanges de tirs à l'arme automatique, soit s'étaient faits appréhender.


Des milliards détournés

Cependant, des milliards issus des caisses de l'Etat avaient été perçus par le fils d'un ministre des finances (Edouard Akame Mfoumou), à l'effet d'en construire la clôture. L'attribution dudit marché était passée de gré à gré, pour des raisons dont seul le commanditaire en détient le secret. De toutes les façons, les gigantesques sommes d'argent débauchées au nom de cet immeuble n'avaient en rien modifié son allure de redoutable enfer.

La principale raison permanemment avancée en justification de cet état des choses se trouvait alors définie autour de la crise économique, dont l'une des conséquences était l’assèchement des porte-feuilles de l’Etat. Mais l’on peut tout de même observer que rien n’empêchait la recherche d’un partenariat tel que cela a été le cas avec l’empire du milieu, dont les ressortissants viennent de donner un visage resplendissant à un bâtiment qui commence seulement à étaler ses charmes, 28 ans plus tard.


Une erreur politique aux conséquences incommensurables

Pour comprendre les raisons de l'abandon de ces travaux, deux causes semblent s'enchevêtrer ; d'abord la politique du Président Paul Biya à sa prise de fonction, laquelle se voulait auréolée d'un nationalisme candide. En effet, à sa prise du pouvoir, il avait avancé cette phrase lourde de conséquence : «Le Cameroun n'est la chasse gardée de personne», créant un véritable émoi dans les milieux de la politique coloniale française. Cette prise de position allait alors avoir pour effet de radicaliser les réactions de François Mitterrand, de bien triste mémoire qui avait dû effectuer un voyage éclair en Allemagne à la rencontre d'Elmut Kôln, lequel allait renvoyer le Cameroun voir du côté du Fmi quelques mois seulement après ses promesses de renforcement d'un solide axe faites au Président de la République, le désavouant face à son frère de peau, le Français en poste à l'Elysée.

Cette erreur politique aux conséquences incommensurables devait alors avoir pour effet de condamner toutes les tentatives d'évolution du pays à l'échec, par les gourous de l'hégémonie française. Ensuite, c'était sans tenir compte de ce que l'entrepreneur qui construisait était de nationalité française. L'on avait alors beau jeu de se livrer à l'évocation d'une carence financière pourtant artificiellement orchestrée par ceux qui se donnaient tous les moyens de mettre en mal le développement infrastructurel de notre pays. La France une fois de plus se trouve être coupable des crimes qui se perpétrèrent dans ce sinistre lieu, elle dont des ressortissants avaient su emporter nos capitaux. Bien qu'avec la très active complicité de certains de nos frères, cela ne la dédouane aucunement de sa responsabilité.

Aussi est-on logiquement en droit de se poser la question de savoir à quoi ils pensent en ce moment, lorsqu'il voit une infrastructure dont ils avaient torpillé la réalisation, prendre corps.



07/04/2012
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