Univers carcéral: Ces détenus célèbres morts comme Bibi Ngota

© PAUL TONYE NJEL | Dikalo

plusieurs cas précédents suscitent des interrogations...

Au-delà des discours infirmant la responsabilité des administrations pénitentiaires dans le suivi des pensionnaires malades, plusieurs cas précédents suscitent des interrogations...


Dieudonné Angoula



Détenu dans la prison de Kondengui en 1999, dans le cadre du «Mounchipougate», l'ex-directeur des télécommunications au Ministère des Postes et télécommunication avait été inculpé puis condamné à 20 ans de prison, pour complicité de détournement des marchés d'acquisition des télécopieurs et photocopieurs. Cet homme robuste est décédé le 17 décembre 2009 à l'âge de 65 ans, cinq jours après avoir été interné à l'hôpital central de Yaoundé. Selon les déclarations des proches du défunt, sa mort serait issue d'une vindicte politique greffée d'une négligence médicale des responsables de la prison. Pour étayer leurs accusations, les amis et anciens collègues pointent un doigt accusateur sur les autorités pénitentiaires qui selon eux, auraient mis les nerfs de Dieudonné Angoula à rude épreuve jusqu’a ce que mort s'en suive. Ayant affiché ouvertement une incompatibilité avec ce dernier, Dieudonné Angoula en dépit de son état de santé claudiquant, avait été transféré du quartier spécial dans lequel il se trouvait avec des détenus dit «de luxe» pour le Kosovo (secteur du pénitencier assimilé à un véritable enfer en raison des conditions de vie qui prévalent) durant deux mois. Une situation qui l'avait davantage fragilisé dans la mesure où selon des membres de sa famille, «il ne bénéficiait pas de soins médicaux en dépit de ses nombreuses maladies».

Toutefois, après avoir introduit plusieurs demandes afin d'être soigné dans un hôpital adéquat, celles-ci avaient été l'objet d'un refus de la part du régisseur qui laissait poindre l'idée d'une tentative d'évasion du concerné. Une aberration pour les proches de la victime dans la mesure où ce dernier n'avait plus que cinq ans à passer en prison et était à un âge avancé. Aux dires des membres de la famille, ce n'est que lorsque son état de santé s'est gravement détérioré que ces derniers ont tardivement consenti à le faire interner dans un hôpital. Une procédure qui n'aura finalement servi à rien.


Souleymanou Alhadji Oumarou



Incarcéré le 24 février 2006, cet ancien chef de service de la maintenance et délégué régional adjoint de la Sic pour la province du Centre était poursuivi pour détournement d'une somme de 1.400 000 F (Un million quatre cent mille francs) par sortie de fonds non justifiée. Arrêté alors qu'il était convalescent d'une maladie qui l'avait éloigné pendant sept mois de son bureau, cet homme n'a pas pu obtenir du parquet une autorisation de sortie pour un suivi médical. «Ayant traîné sa maladie comme un boulet, multipliant vainement les procédures de voie de recours, c'est au moment où il s'est retrouvé dans le coma que les autorités de la prison ont consenti à l'interner à l'hôpital. Malheureusement, il est mort le lendemain.» Nous explique un de ses proches, le visage encore en proie à l'émotion.

A 52 ans, Souleymanou Alhadji Oumarou souffrait d'hypertension et d'autres maux parallèles qui nécessitaient un suivi médical particulier. Pour convaincre ses geôliers, Souleymanou avait monté un dossier médical accompagné d'une demande d'autorisation de consultation de son médecin au Chu, sans succès. Face à l'échec, il avait écrit au Comité national des droits de l'homme et des libertés, qui avait à son tour saisi le parquet, sans résultat positif.
D'après ses proches, malgré la volonté d'un de ses amis, un haut responsable du comité central du Rdpc et ancien ministre, à lui apporter une aide dans ce dossier, il s'est heurté une fois de plus au refus du parquet. Bataillant quotidiennement contre une santé précaire, Souleymanou avait perdu 40 kg en moins de huit mois. «Même s'il avait détourné 2 millions, ne méritait-il pas le droit à la santé, surtout qu'il n'avait pas encore été jugé et qu'il avait des preuves pour confirmer son état de santé» s'indigne à présent un des amis qui espère néanmoins que ce crime pernicieux ne demeurera guère impuni.


Andrée Booto à Ngon



Décédé le 13 février 2009 dans un hôpital de Yaoundé, l'ancien ministre des finances et député du Mbam et Inoubou, est finalement mort rongé par la maladie. Condamné à quarante ans de prison ferme à l'issue d'un procès pour détournement au Crédit foncier du Cameroun dont il était président du conseil d'administration, André Booto à Ngon, 71 ans, n'aura finalement passé que sept mois en détention. Au moment des faits, ce dernier avait indiqué à un quotidien national la précarité de son état de santé qui nécessitait un suivi singulier. Malheureusement cela n'avait pas servi à amoindrir le parquet ni les responsables de la prison de Kondengui. Selon des membres de la famille du défunt interrogé au moment du décès, les responsables du pénitencier avait entrepris d'autoriser son internement à l'hôpital au moment de l'aggravation de sa condition physique. Tout ceci, non sans préalablement avoir dépensé de l'argent à plusieurs niveaux de la chaîne. Cette situation avait soulevé beaucoup de vagues de la part des médias et des membres de la famille de la victime dans la mesure où au Cameroun, aucune loi ne prévoit une suspension de peine pour raison médicale à l'instar de la loi Kouchner votée en 2002 en France.


Venceslas Nomo Njomo



Interpellé en février 2006 avec Emmanuel Gérard Ondo Ndong, dans le cadre des arrestations de pillards de la fortune publique, cet ancien haut responsable au Fonds spécial d'équipement et d'intervention intercommunale du Cameroun (Feicom) était préalablement accusé d'avoir détourné 13 milliards FCFA. Déclaré non coupable par le tribunal de grande instance de Yaoundé, il fut plutôt reconnu coupable de détournement de 8 milliards FCFA par la cour d'appel et écopa de 10 ans d'emprisonnement ferme. Comme les précédents sur cette liste, il est décédé à l'hôpital central de Yaoundé de suite d'une infection pulmonaire qui «aurait pu être évitée» aux dires de son avocat Me Bernard Kéou. En effet, ce dernier souffrant de diabète avait demandé une évacuation sanitaire qui lui avait été refusée, «jusqu'à l'aggravement de son cas au crépuscule de sa vie».

Face aux pressions médiatiques de l'époque, les responsables de la prison centrale avait plutôt affirmé que ce dernier avait bénéficié des meilleurs soins possibles. Des affirmations que continuent de rejeter les proches de la victime car selon eux, «si ça n'avait été qu'une simple infection pulmonaire, dans la mesure où il était sensé rencontrer régulièrement un médecin comme veut faire croire les autorités pénitentiaires, il ne serait jamais mort».


Les autres



Bien qu'il soit impossible de recenser tous les cas de décès de suite de négligence médicale enregistrés dans les prisons camerounaises, beaucoup de détenus se sont retrouvés pris dans cet étau où ils ont malheureusement rendu l'âme. Parmi les exemples cités figurent celui de Kom Innocent, militant du Sdf présumé coupable dans l'assassinat de Grégoire Nzall Diboulé au cours d'une réunion du renouvellement de la direction du parti. Ce dernier est mort deux ans après son incarcération en 2008, sans avoir été jugé après une longue période de santé décadente. A cette mort, se greffe celle de Ngu John décédés 2 ans auparavant dans les mêmes conditions et celles de Philip Tete et du jeune Jean Pierre Mballe survenue pour le second à la prison de New-Bell.



30/04/2010
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