Une transparence politique douteuse

Cameroun : Une transparence politique douteuseEn ordre de bataille chacun pour les prochaines élections législatives et municipales fixées au 30 septembre, les principaux partis d'opposition camerounais, qui seront encore face Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), au pouvoir depuis 31 ans sans interruption, font part comme d'habitude de leurs doutes sur la transparence lors de ce double scrutin.

Depuis le multipartisme instauré dans un climat de tensions et de violences en 1990, c'est la première consultation populaire au Cameroun qui sera organisé, une vieille revendication de l'opposition qui a toujours accusé son adversaire du RDPC de fraudes, avec un fichier électoral biométrique confectionné par Elections Cameroon (Elecam), organisme dit indépendant chargé de l'organisation et de la gestion des élections dans ce pays d'Afrique centrale.

Depuis la réouverture des inscriptions début 2012 à la suite de l'élection présidentielle tenue en octobre 2011, cette structure mise en place en 2008 annonce environ 5,5 millions d'électeurs inscrits, appelés à élire 180 nouveaux députés de l'Assemblée nationale (chambre basse du Parlement désormais bicaméral avec la mise en place effective depuis plus d'un mois du Sénat) et 9.887 conseillers municipaux chargés de désigner à leur tour les maires des 360 communes camerounaises.

Face à la sérénité du RDPC, qui multiplie les stratégies pour accroître sa suprématie caractérisée par le contrôle de 153 sièges de l'Assemblée nationale sortante et d'une très grande majorité des conseillers municipaux élus lors des récentes élections législatives et municipales tenues en juillet et septembre 2007, ses concurrents dont surtout le Social Democratic Front (SDF, principale force d'opposition) dénoncent ce qu'ils qualifient de " confiscation du jeu électoral".

"Pourquoi il cache le calendrier électoral ? ", s'est interrogé à Xinhua concernant le président de la République, Paul Biya, par ailleurs président national du RDPC, Ibrahim Alhadji, président régional du SDF pour la région du Centre dont le parti fustige l'absence d'un calendrier clairement établi permettent selon lui d'asseoir un véritable processus démocratique dans le pays.

Après une simple annonce sans précision de dates dans son discours à la nation le 31 décembre 2012, le chef de l'Etat camerounais, qui avait déjà convoqué le corps électoral constitué des conseillers municipaux pour la tenue des premières élections sénatoriales le 14 avril, a publié mardi un décret présidentiel fixant la tenue des futures élections législatives et municipales au 30 septembre.

Découpage électoral

Il a enchaîné le lendemain par deux autres textes relatifs au découpage électoral qui répartit les 180 sièges de députés de l'Assemblée nationale à pourvoir entre les 10 régions administratives du Cameroun, en en attribuant 10 à l'Adamaoua, 28 au Centre, 11 à l'Est, 29 à l'Extrême-Nord, 19 au Littoral, 12 au Nord, 20 au Nord-Ouest, 25 à l'Ouest, 11 au Sud et 15 au Sud-Ouest.

"Le président du RDPC est dans sa logique, celle de ne pas ouvrir le jeu électoral en vue d'un processus démocratique fiable. Il est le seul à maîtriser le calendrier électoral ou le calendrier du découpage des circonscriptions électorales", a insisté Ibrahim Alhadji pour qui cependant "nous au SDF, nous nous sommes préparés d'avance, puisque nous avons lancé nos primaires que nous avons presque achevées à 90%".

Un autre décret présidentiel avait pourtant prorogé auparavant pour la troisième fois depuis 2012 le mandat des députés et la deuxième fois celui des conseillers municipaux. Après deux premières rallonges de six et trois mois, les premiers se sont vu accorder deux mois supplémentaires, tandis que les seconds ont bénéficié d'une prorogation de trois mois après un an déjà consommé.

Comme l'atteste le témoignage du représentant du SDF dans le Centre, ces mesures n'ont pas empêché les différents partis politiques désireux d'y prendre part à fourbir chacun ses armes pour la confrontation électorale en perspective.

Formation d'opposition liée par une alliance gouvernementale avec le RDPC dont il a à cet effet soutenu la candidature du président national lors des deux récents scrutins présidentiels de 2004 et 2011, l'Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP) de Maïgari Bello Bouba, ministre d'Etat en charge du Tourisme et des Loisirs, affirme pour sa part avoir sonné les cloches de la mobilisation de ses troupes depuis près de deux mois.

"Nous savions que ces élections allaient avoir lieu soit en septembre, soit en octobre. Nous avions pris toutes les dispositions pour ne pas être surpris. Toutes nos structures étaient informées depuis près de deux mois des modalités d'inscription, de préparation des candidats, de désignation des représentants dans les bureaux de vote", a déclaré à Xinhua son secrétaire général, Pierre Flambeau Ngayap.

"Comme l'opinion le constatera dans les prochaines heures, nos listes de structures d'investitures sont prêtes depuis longtemps. Maintenant que le corps électoral est convoqué, ces commissions d'investitures vont être rendues publiques dans les prochaines heures", a poursuivi ce responsable politique qui fait partie des 100 premiers membres élus et nommés du Sénat.

Dans la perspective du double scrutin, ELECAM a entrepris une grande campagne de sensibilisation pour les inscriptions sur les listes électorales qui au fil des années suscitent moins d'engouement auprès des Camerounais dans un signe de désaffection politique due au discrédit de l'opposition et à l'incapacité décriée à l'endroit du pouvoir en place à améliorer leurs conditions de vie.

Qualité de la biométrie

Cet organe électoral annonce la distribution depuis fin mai des cartes d'électeur jugées par l'opposition peu fiables pour la sécurisation du vote. "On n'est pas sûr avec ELECAM. 90% de ses responsables nationaux sont issus du RDPC. Donc, ils ont une sympathie pour le RDPC. Qu'est-ce qui devait se faire après avoir établi une carte d'électeur ? Vous venez, on vous établit votre carte et on vous la remet. Le jour du vote, si vous tentez de voter plus d'une fois, la carte signale", note Ibrahim Alhadji.

C'est à peu près le même point de vue exprimé par Pierre Flambeau Ngayap pour qui en effet "pour l'essentiel, on va aller à ces élections avec ce fichier-là, mais nous convenons qu'il y aura encore des améliorations à faire, notamment quant à la qualité de la biométrie au moment de l'inscription. Parce que cette biométrie est uniquement valable au moment de l'inscription. On ne sait plus comment la vérifier au moment du vote".

A en croire le sénateur, "ELECAM annonce un fichier comprenant environ 5 millions et demi d'électeurs inscrits. Ce qui se situe, d'après ses propres estimations, à environ 80% des attentes. Ce qui veut simplement dire que les 20% qu'ELECAM ne retrouve pas sont les 20% de doubles inscrits qu'on avait lors des scrutins précédents. Cela montre bien le niveau de fraudes qui étaient pratiquées lors des élections précédentes".

"Ce n'est pas que les Camerounais, iniste-t-il, se sont moins inscrits cette fois-ci que d'habitude. C'est le même volume d'inscrits que l'on a enregistré. Les 20% restants, ce sont les doublons que l'on n'avait pas pu éliminer, qui ont voté plusieurs fois".

Dans ses dispositions sur les conditions d'élection des députés de l'Assemblée nationale et des conseillers municipaux, le code électoral adopté par l'Assemblée nationale en 2011 a fixé à un million (environ 10 000 dollars US) et 50.000 francs CFA (100 dollars US) respectivement le cautionnement pour les candidatures à ces deux scrutins.

© Source : Xinhua


08/07/2013
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