Un patient atteint du VIH et d'une leucémie guéri
Le monde et l'AFP, Reuters 17-12-2010
Trois ans après avoir reçu une greffe de cellules souches, un patient
américain a guéri du sida, une première, ont révélé des scientifiques
allemands. Leurs recherches ont été publiées, mercredi 15 décembre, dans
la revue professionnelle Blood.
Les chercheurs de l'université de médecine de Berlin ont cependant
prévenu que ces résultats ne pouvaient pour autant pas être généralisés à
la totalité des quelque 33 millions de personnes infectées par le virus
du sida dans le monde.
Le patient guéri, âgé d'une quarantaine d'années et porteur du virus depuis dix ans, a été traité en 2007 pour une leucémie grâce à une greffe de cellules souches prélevées dans la moelle d'un donneur aux caractéristiques génétiques rares l'empêchant de contracter le sida. Ce type de caractéristiques génétiques ne se rencontrent que chez 1 % de la population blanche. Avant de trouver le bon, son médecin allemand, Gero Hutter, a rejeté des dizaines de potentiels donneurs.
"Les résultats montrent que ce traitement du sida a fonctionné sur ce patient", assure la Société américaine d'hématologie, qui publie Blood. Dès la fin 2008, une première étude avait montré que le sida n'était pas réapparu chez ce patient, malgré l'arrêt de son traitement par antirétroviraux. Trois ans plus tard, les médecins n'ont pas retrouvé trace du virus dans son corps.
LES SPÉCIALISTES CIRCONSPECTS
Mais, dans la mesure où 30 % des patients en moyenne ne survivent pas à une greffe de la moelle, les spécialistes du sida se montrent néanmoins circonspects. La greffe de moelle réclame la destruction préalable des cellule immunitaires défaillantes du patient avant la greffe provenant d'un donneur présentant des caractéristiques sanguines et immunitaires pratiquement identiques à celles du malade. De longs mois de convalescence sont nécessaires, le temps que la greffe prenne et que le système immunitaire du patient se reconstitue.
"Il faut beaucoup plus de recherches pour essayer de reproduire ce résultat sans mettre des vies en danger", estime Karen Tashima, directrice du programme d'essais cliniques VIH au Miriam Hospital, dans l'Etat américain de Rhode Island. "Les antirétroviraux sont efficaces pour contrôler le virus. Il ne serait pas déontologique de soumettre des malades à un traitement aussi extrême", a-t-elle ajouté.
La directrice de l'étude, Kristina Allers, reconnaît d'ailleurs que la procédure ne peut être répétée sur la plupart des patients. "Néanmoins, un traitement contre le sida est possible et cela donne de nouveaux espoirs aux scientifiques", estime-t-elle, jugeant que "le prochain défi sera de transposer notre découverte dans des formes de traitement moins dangereuses".
"Je suis très enthousiaste", a expliqué David Baltimore, Prix Nobel de médecine en 1975. Ce scientifique a créé une entreprise de biotechnologie développant ses propres traitements antisida par cellules souches, à l'image de la technique utilisée dans l'étude allemande. "Le fait qu'un patient ait pu être guéri avec cette technique est, je pense, un argument solide pour poursuivre dans cette voie", a-t-il affirmé.