Un douanier à la retraite dévoile un pillage de 54 milliards de Fcfa :: CAMEROON


Cameroun : Un douanier à la retraite dévoile un pillage de 54 milliards de Fcfa::CameroonEntre artifices les uns les plus savants que les autres, les agents de la douane ne s’offusquent guère de perpétuer des détournements de deniers publics, en concédant à l’occasion des privilèges indus à certaines multinationales.

I- Artifices

EN EFFET, de nombreuses récriminations des usagers de cette administration publique en fait à s’y méprendre, le prototype par excellence des goulots d’étranglement décriés fort à propos par Paul Biya, lors de son traditionnel message à la nation du 31 décembre 2013. Un message d’autant plus actuel qu’il rejoint le sujet qui alimente depuis quelque temps les conversations dans certains salons feutrés de la capitale politique le vaste réseau de détournements de deniers publics ayant cours à la douane camerounaise et impliquant au premier chef, dame Minette Libom Li Likeng, la Directrice générale de cette administration publique. Toutes choses formellement établies par le nommé Nsagha Isatah Gebi, Inspecteur principal des douanes à la retraite, employé jusqu’au 03 Janvier 2013 à la Brigade nationale des enquêtes, qui a décidé de délier sa langue et de mettre les dirigeants de cette administration face à leurs responsabilités.

Et pour ce faire, ce dernier n’aura guère pris des gants pour formuler une plainte, le 04 décembre 2013, contre des responsables de la douane, en l’occurrence Mme Libom Minette, Directeur général des Douanes, Alim Boukar, chef de brigade nationale d’enquête des douanes et Serges Krou, directeur général de la Société Tropick Industries, basée à Douala. Et, disséquant à l’occasion le mode opératoire de ces mis en cause, Nsagha Isatah Gebi met littéralement à nu ce qui pourrait être assimilé à un vaste réseau de «pillage de l’Economie nationale » par multinationales interposées.

Et quand bien même la plainte se focalise sur la multinationale anglo-saxon-Unilever Cameroun, il ne fait point de doute que le mal est davantage profond. Ce d’autant plus qu’au sortir d’une mission d’enquête effectuée dans cette entreprise, suite à l’ordre de mission N°029/Minfi/Dgd/Bne, signée du Dgl des Douanes, Minette Libom Li Likeng, ce dernier fut commis avec d’autres agents des Douanes, notamment sieurs Mouemba Moutourou, Inspecteur vérificateur, Mme Fondjio Micheline, cadre auxiliaire et Abenkou Simon, agent auxiliaire, à l’effet d’y procéder à l’analyse de la comptabilité et des documents commerciaux et douaniers pour la période s’étalant de 2006 à 2008.

Au terme de ladite mission, cette équipe sous la conduite de sieur Mouemba Moutourou rendit sa copie, non sans y mentionner des incongruités aux relents  de distraction indue de recettes, quand bien même dame Libom Li Likeng s’obligea à commettre une nouvelle équipe dont le travail s’étala au-delà de la période initiale et échue en 2009. Fort de toutes ces incongruités, le 14 juin 2011, sieur Nsagha Isatah Gebi, va présenter à son supérieur hiérarchique les résultats de ses différentes missions de contrôle, non sans s’obliger à opérer un rapprochement avec les Etats comptables  de fin d’exercice, préparés et certifiés par l’expert comptable Cemac, Price Water House Coopers Sarl, à l’attention de la Maison mère d’Unilever Cameroun.

Seulement l’ampleur du différentiel entre lesdits états et la réalité se chiffre à la somme de Fcfa 65.184.555.951 en (coût, assurance et fret). Cette importante somme d’argent est repartie comme suit :

  • 13.918.564.899 Fcfa pour 2006,
  • 22.075.863.729 Fcfa pour 2007,
  • 15.068.745.176 Fcfa pour 2008
  • et 14.121.382.147 pour 2009.

II- Collusion

Mais il se trouve qu’à la fin de leur contrôle, Unilever Cameroun, a plutôt présenté aux Inspecteurs vérificateurs des états qui n’avaient rien à  voir avec leur découverte. Selon Unilever Cameroun, en 2006 les opérations se chiffraient à 3.786.652.203 F Cfa, en 2007 elles se situent à 3.978.532.087 F Cfa, en 2008 c’étaient 4.303.596.945 F Cfa et en 2009 cela se chiffrait à 4.061.812.356 F Cfa, le tout pour un total de 16.130.593.586 F Cfa. A en croire, Nsagha Isatah Gebi, «cette solution proposée par Unilever à la fin de leur travail était défaillante par rapport au grand livre comptable de l’entreprise».

D’où un gap de 53.591.973.548 F Cfa, suffisant pour mettre en branle une procédure de redressement à hauteur du gap constaté. Mais au lieu de s’y astreindre à défaut de négocier quelque moratoire voire un abattement, sieur Serge Krou, président directeur général de Tropik Industries Cameroun, représentant exclusif de Unilever, va plutôt s’essayer à un lobbying malveillant en enrôlant dans son escarcelle certains des agents vérificateurs de la douane. Aussi va-ton par la suite constater des divergences entre Nsagha Isatah Gebi Mouemba Moutourou et Mbarga Bekono. Les deux derniers épousant bizarrement la thèse d’Unilever qui aura prétendu qu’on y utilisait des méthodes comptables en marge des dispositions y relatives édictées par l’Acte unique de l’Ohada, même si on opérait en fin d’exercice des ajustements.

En fait, un s’est agi de savants artifices pour essayer de noyauter de forts relents de fraude douanière assortie de détournements de deniers publics, pour ceux des agents enrôlés par Unilever. A preuve, quand bien même on crut devoir recourir à «l’expertise externe», on comprit plus tard qu’on entendait simplement battre en brèche la détermination de sieur Nsagha Isatah Gebi à démanteler ledit réseau sous le fallacieux prétexte qu’il «ne comprendait pas le mécanisme de passage du système Scoa au système comptable Ohada…», alors que la société Unilever Cameroun surfe sur ces deux derniers.

Pour confondre ses «collègues mouillés » le même sieur s’insurgea contre la proposition de sieur Mbarga de faire appliquer à Unilever un taux d’ajustement de 7,5% très en deçà des sommes requises au sortir de la mission initiale de contrôle à laquelle participa activement sieur Nsagha. Aussi ce dernier ne s’est-il guère offusqué de déclarer que leur mission a été tronquée dans la perspective de permettre à cette société de payer moins qu’elle ne devait le faire. Ce qui a donc ouvert la voie à la vaste campagne de dénonciation qui a actuellement court au sein des instances en charge de la lutte contre la corruption au Cameroun.

Ce brûlant dossier a mobilisé beaucoup d’énergies. Même le Comité d’appui à l’instruction des recours préalables auprès du ministre des Finances en  matière de contentieux fiscal et douanier est entré dans la danse. Pour quelle fin ? Toujours est-il qu’en date du 09 mai 2012, Mme le directeur général des douanes a reçu une correspondance de cette structure lui demandait de sursoir à toute action coercitive à l’encontre de cette entreprise. Ceci, «pour lui permettre de se prononcer en toute connaissance de cause».

Se sentant en minorité, Nsagha Isatah Gebi va sortir l’affaire du simple cadre de la douane pour la porter à la connaissance du ministre des Finances. Le 31 octobre 2012, il écrit à Alamine Ousmne Mey  pour contester les résultats. Et après avoir relaté les faits à son ministre de tutelle, il soulignera que «malgré (ses) différentes correspondances pour protester auprès du directeur général des douanes, le procès verbal a été validé par la hiérarchie des douanes camerounaises, avec une amende de 250 millions de F Cfa».

Une «forfaiture qui frise un détournement de deniers publics», alors que dans le même temps, «la société Unilever Cameroun doit s’expliquer sur un transfert de 49.053.692.365 F Cfa». Comble d’absurdité, Unilever Cameroun s’est mué en Tropick Industries, question  très certainement de se prémunir de poursuites à son encontre si elles devaient avoir lieu. Toutes choses qui induisent une collusion de  fait de l’administration douanière qui compromet à l’essence, la réalisation des objectifs qui lui sont assignés. Surtout que loin d’être un cas inédit, celui d’Unilever vient se greffer à ceux déjà décriés par nos soins pour les sociétés telles Guinness Cameroun ou encore Bristish American Tabacco, pour ne citer que celles-là.

© Aurore Plus : Alain Njoh


19/02/2014
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