Des sources bien introduites, le Premier ministre a intimé l’ordre au ministre des Postes et Télécommunications (Minpostel) de transférer le dossier de recrutement du cabinet devant accompagner le gouvernement dans ce chantier au ministère en charge des Marchés publics (Minmap), mais il ne l’a pas fait.
Ces sources généralement bien informées, indiquent que la mésentente entre Biyiti Bi Essam et Philémon Yang remonte au mois de septembre 2012. Encadrée depuis trois ans par la firme américano-camerounaise Maas Telecom/Avilyos, en sa qualité de conseil du gouvernement, la procédure de sélection du 3e opérateur de téléphonie mobile était alors dans sa phase finale, lorsque le Premier Ministre se souvient du gré à gré effectué avec Maas Telecom/Avilyos par Jean Pierre Biyiti Bi Essam. Avec la création d’un ministère en charge des Marchés publics et compétent pour des sommes au-dessus de 50 millions de FCfa, Philémon Yang instruit son collaborateur de lancer de nouveau un appel à candidatures international pour valider ce choix pour lequel le groupement Maas Telecom/Avilyos devrait être le premier qualifié, en raison de sa maîtrise technique de ce dossier, mais pour lequel il était question d’harmoniser les procédures et d’exorciser les soupçons.
Le qualifié devait effectivement être annoncé à la
fin de l’année 2012. Le Premier ministre, autorité régulatrice des
marchés, craignait que le futur qualifié soit contesté par les autres
concurrents sous prétexte que le groupement peut avoir été influencé
dans son travail par le Minpostel qui l'avait choisi sans concurrence
ouverte à l'époque.
D’où cette correspondance du 22 juin 2012 adressé par le directeur de
cabinet des services du PM au Minpostel. « A l’issue de la réunion
interministérielle relative à l’objet sous rubrique, qu’il a présidée le
jeudi 21 juin 2012 en présence du Secrétaire général du ministère des
Postes et Télécommunications, le Premier ministre, Chef du gouvernement,
vous a prescrit de transférer, sans délai, au ministre délégué à la
Présidence chargé des Marchés publics, pour compétence, le dossier
relatif au processus de sélection cité en objet », écrit Paul Mingo
Ghogomu.
Maas Telecom
L’objet en question est le recrutement d’un consultant devant
accompagner le gouvernement dans le cadre du processus d’octroi d’une
concession d’établissement et d’exploitation d’un réseau de
communications électroniques. La réaction du Minpostel à ces
instructions de la hiérarchie est étonnante. Au lieu de « transférer le
dossier pour compétence » au ministre des Marchés publics, Jean Pierre
Biyiti Bi Essam saisit plutôt l’intéressé pour lui communiquer le nom de
l’adjudicataire du marché. «J’ai l’honneur de vous informer que le
cabinet Maas Telecom Corp, bénéficiaire du marché
n°0000005/m/Mpt/Sg/Dag/2011 du 26 juillet 2011, objet de l’accord de gré
à gré n°B68/D/Sg/Pm du 28 décembre 2010, est confirmé pour poursuivre
son mandat jusqu’au terme prévu, à savoir, l’octroi effectif de la
concession d’établissement et d’exploitation d’un réseau de
communications électroniques mobiles », apprend Biyiti Bi Essam à Abba
Sadou, par courrier en date du 20 juillet 2012. Le 10 août 2012, les
services du Premier ministre reviennent à la charge. Cette fois-ci,
c’est le Secrétaire Général en personne qui saisit le Minpostel.
« Au cours d’une concertation à laquelle vous avez pris part le 6 août 2012, le Premier ministre a instruit que soient clarifiés certains aspects de votre lettre visée en objet (la lettre du 20 juillet 2012: Ndlr). Y faisant suite, j’ai l’honneur de vous confirmer que le Chef du gouvernement vous demande de bien vouloir préciser l’origine des instructions contenues dans votre lettre sus évoquée », réagit Louis Paul Motaze. Au Premier ministère, c’est le branle-bas. Surtout qu’au moment où le choix a été opéré, le PM n’était pas dans le pays. Une fois encore cette instruction ne semble pas avoir été suivie Pourquoi et pour quel intérêt ? Aucune explication officielle jusqu’ici. Pas même à l’endroit du Premier ministre. Selon des informations officieuses, difficiles à confirmer ou à infirmer, il y aurait eu de pots-de-vin via Maas Telecom pour le choix du 3e opérateur, via Albert Kamanou (Avilyos) qui est le représentant local Maas Télecom. « C'est l'homme d'affaires du ministre », indiquent nos sources. Le cabinet conseille aussi le gouvernement dans le projet de la fibre optique.
On apprend aussi, pour soutenir la relation amicale qui existe entre les
deux hommes, qu’Albert Kamanou était même le parrain d’un des fils du
ministre Biyiti qui s'est marié durant l’été 2012 à Ebolowa. « Il a
imposé à dessein Maas Telecom au Premier ministre parce que le deal
était déjà scellé entre Mass Telecom et Viettel via Albert Kamanou qui
est l'ami de Baba Dampoulo », indique une source sous anonymat. En
réalité, l’homme qui est derrière Viettel Cameroun Sarl, c’est ce magnat
du thé, qui a des tentacules presque dans tout le continent africain.
Au Minpostel, il n’y a aucune réaction officielle face à toutes ces
accusations.
Les responsables sollicités préfèrent parler sous cape. Pour eux, la procédure en vigueur a été respectée. «Le marché passé avec Mass Telecom a respecté les canons réglementaires puisque c'est le Pm qui a autorisé le marché de gré à gré. Aucun membre du gouvernement ne peut se permettre de signer un marché de gré à gré. Car, initialement, il était question de recruter un cabinet international, mais par la suite la hiérarchie a décidé de faire suivre ce marché par Mass Telecom, compte du calendrier. Et c'est ce à quoi sert la procédure de passation de marché de gré à gré », apprend un haut cadre. Pour lui, on en veut pour rien au Minpostel, pourtant il n’a pas signé seul. Il va jusqu’à parler de « lynchage ». Ce dernier devine directement que c’est Bharti Airtel qui en veut à son ministre.
«Bharti s'agite mais il ne suffit pas de s'appeler Bharti pour gagner un marché du mobile. Bharti n'a-t-il pas perdu un similaire il y a deux ou trois mois au Mali? Où Bharty a-t-il posé son réseau en Afrique?», tonne-t-il. Seulement, rien à se mettre sous la dent quant à l’imbrication du Minpostel dans le fonctionnement du cabinet Maas Telecom. Cet aspect-là est évité.