Transport urbain: Les accidents de motos-taxis font des ravages sociaux

Douala, 19 mars 2013
© Eyangoh Ekolle (Stagiaire) | Aurore Plus

La moto est le mode de transport le plus sollicité par les élèves, mais qui malheureusement semble aussi le plus périlleux.

Patrick est élève au cours élémentaire II dans une école primaire privée du quartier Bonamoussadi. Ce matin du lundi 18 mars, il a emprunté comme d'habitude une moto depuis son domicile à Bepanda pour se rendre dans son établissement. Malheureusement, le trajet ne se déroulera pas comme à l'accoutumée, puisque la moto qui transporte Patrick entrera en collision avec une voiture sur l'axe qui relie le quartier Makepe-Missoke à Bonamoussadi. Au moment où nous arrivions sur les lieux, l'élève de huit ans est encore couché sur le trottoir juste à coté de la moto, pendant que le conducteur s'était déjà relevé. Visiblement, ce dernier et son passager n'ont pas connu le pire. Ils s'en tirent avec chacun des blessures sur le visage et les mains. Mais le jeune élève est complètement sonné et bouleversé. Il n'arrête pas de pleurer malgré la foule qui est venue à son secours et qui lui apporte du réconfort.

L'accident lui-même s'est produit autour de 7h12mn, et jusqu'à 7h48mn, le jeune élève qui devait être à l'école depuis 7h30mn se trouve encore sur le lieu de l'accident. Les personnes présentes sur les lieux se renseignent sur son école et sur ses parents. Ce n'est plus un doute, ce sera une journée de classe ratée pour Patrick puisqu'au vu de son état, il devra nécessairement suivre des soins au moins pour cette journée. Le temps de panser ses plaies et de retrouver la motricité. C'est déjà presqu'une mode pour les parents de plusieurs quartiers de Douala de confier leurs enfants aux conducteurs de motos-taxis, pour déposer leurs rejetons à l'école et de les récupérer à la sortie des classes. Autrefois, cela se faisait avec les chauffeurs de taxi. Mais avec la recrudescence des embouteillages dans la capitale économique, ce sont les motos-taxis qui ont été préférées au détriment des taxis.

La justification donnée par les parents est simple : «les enfants doivent arriver dans leurs établissements au plus tard à 7h30mn. Seulement c'est le moment pendant lequel la circulation est très dense et les rues embouteillées. Les motos, en de telles circonstances, peuvent mieux se frayer du chemin que les taxis», déclarent Tchabda Claude, parent d'élève à Bepanda. On comprend que le recours aux motos-taxis, très prisé ces dernières années, n'est pas un acte de volonté, plutôt de nécessité. Même les parents ne sont pas en reste. Nombreux sont les parents qui volontairement optent prioritairement pour la moto-taxi plutôt que pour les taxis. Les raisons évoquées par ces derniers sont les mêmes. La demande aux heures de pointe étant plus grande que l'offre, les surcharges deviennent alors une obligation, en dépit d'une interdiction préfectorale en vigueur depuis 2009. Conséquence, il arrive qu'une seule moto transporte et pour une longue distance, deux, trois ou quatre passagers, Un exercice auquel aiment se livrer les élèves pour négocier à la baisse le tarif. Pourtant, il est de notoriété publique que c'est le moyen de transport le moins rassurant, voire dangereux. Pour s'en convaincre, il faut tout simplement visiter le pavillon des urgences des hôpitaux de la cité. Le gros des accidents est issu des motos-taxis. Certains moins graves et d'autres tragiques. On se souvient de ces trois élèves, jonchés en position de passagers derrière une moto qui trouvaient la mort à la suite d'un accident sur le pont du Wouri, il y a encore deux mois de cela. D'ailleurs, les organisations de lutte pour la sécurité routière indique que chaque jour une personne meurt à Douala de suite d'un accident de moto. La moto-taxi apparait alors comme un mal nécessaire qui embarrasse aussi bien les usagers que les pouvoirs publics. Leur état de service et donc leur utilité indéniable leur confère de la sollicitation. En même temps, les conducteurs de ces engins sont affublés par de nombreux griefs. Les plus récurrents portent sur leur ignorance ou négligence du code de la route, ainsi qu'un excès de vitesse qui emmène certains usagers de la route à les désigner avec ironie : «les rois de la route». Au moment où le Chef de l'Etat invite à reconsidérer l'activité de moto-taxi, il y a d'abord l'urgence de repenser le mode de transport en commun dans les grandes métropoles afin d'y déterminer la place des motos-taxis. Si la conscience collective n'est pas prise, alors on s'achemine vers une situation qui ira de mal en pire.


20/03/2013
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