Traduction du passage du rapport 2012 d’Amnesty International concernant Michel Thierry ATANGANA
Yaoundé, 28 Janvier 2013
© Lucien EMBOM | Cameroon-Info.Net
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Dans la capitale politique Yaoundé, la
plupart des anciens Ministres et hauts fonctionnaires du gouvernement
étaient détenus à la prison centrale de Kondengui, tandis que d'autres
sont détenus au Secrétariat d'État à la défense (SED).
Lors de sa visite au SED - qui est aussi le siège de la gendarmerie nationale - Amnesty International a noté avec consternation la sévérité du régime en ce qui concerne la détention de deux prisonniers. L'un d'eux est Titus Edzoa, ancien professeur agrégé de chirurgie et médecin personnel du chef de l’Etat Paul Biya.
Il a également été Ministre du gouvernement et Secrétaire Général de la présidence de la République. L'autre est Thierry Michel Atangana, un ancien Président du Comité de Pilotage et de Suivi des Projets routiers Yaoundé – Kribi et Ayos – Bonis. Les Ministres du gouvernement ont permis à Amnesty International de rencontrer et d’interviewer les deux prisonniers en privé. Les représentants d’Amnesty ont également rencontré leurs avocats. Amnesty International a choisi de visiter ces deux prisonniers parce qu’ils subissent un traitement plus sévère comparativement à d'autres prisonniers détenus au SED ou à Kondengui et à New Bell. Bien qu’ils soient en train de terminer de purger la peine de 15 ans de prison infligée par le tribunal en 1997.
Quant à Titus Edzoa, il a confié à Amnesty qu’il se sentait à l’étroit dans le gouvernement et a démissionné de son poste de Ministre de la Santé le 20 avril 1997 dans le but de se présenter à l’élection présidentielle d'octobre 1997.
Deux jours plus tard, son passeport a été confisqué et il a été peu de temps après placé en résidence surveillée par des membres des forces de sécurité. Edzoa avait annoncé que Thierry Michel Atangana était son Directeur de campagne. Atangana a nié à plusieurs reprises qu'il n'a jamais été recruté ou accepté d'être le Directeur de campagne d’Edzoa. Le 12 mai 1997, Atangana a été arrêté et placé en détention. Le 3 Juillet 1997, les forces de sécurité arrivent chez M. Edzoa dans des véhicules blindés et l’arrêtent sans mandat. Edzoa et Atangana sont transférés dans un premier temps à la prison de Kondengui, où ils sont détenus pendant 19 jours.
Le 22 Juillet, une unité spéciale de la gendarmerie les informe qu'ils devaient être transférés au SED pour des enquêtes préliminaires. Ils sont transférés au SED dans la nuit et placés dans une petite cellule. Le 27 Juillet 2012, Edzoa est transféré dans une cellule plus grande, mais mal ventilé, cellule qu’il occupe jusqu’à ce jour. Pendant deux années et demie, ils n’étaient autorisés à sortir de leur cellule qu'une heure par jour. Edzoa a déclaré à Amnesty International que, depuis qu’il est dans cette cellule très humide et mal éclairé il y a 15 ans, c’est lui qui a investi de son argent pour acheter un ventilateur, installer l’éclairage une table et une chaise.
Quand Amnesty International lui a rendu visite, elle s’est inquiétée de ce qu’il a vécu dans l'isolement total dans une cellule avec trois lourdes portes de métalliques. Il a expliqué à Amnesty International que, lorsqu’il est dans la cellule, les deux portes extérieures sont toujours verrouillées. Au fil des ans, Edzoa a eu à souffrir de plusieurs crises de santé qui selon lui, ont été aggravées par ses conditions de détention et son âge avancé. En 2010, il était âgé de 65 ans.
M. Atangana, un ressortissant français d'origine camerounaise âgé de 49 ans, a déclaré à Amnesty International qu'il avait été arrêté par environ 100 gendarmes lourdement armés. Après 19 jours à la police judiciaire, il a été transféré à la prison de Kondengui. Il a demandé des visites consulaires en tant que ressortissant français mais elles lui ont été refusées. Quelques jours après sa visite à M. Atangana, Amnesty International a exprimé son inquiétude aux autorités camerounaises quant aux mauvaises conditions de détention de M. Atangana, y compris le refus qu’il reçoive des visites consulaires. Le Ministre de la Justice a déclaré à Amnesty International qu'il n'avait pas eu connaissance de ce que les visites consulaires avaient été refusées à Michel Atangana. Amnesty International a par la suite appris qu'un diplomate français avait été autorisé à lui rendre désormais visite. Comme Edzoa, Atangana vit dans un isolement presque total n’ayant pratiquement aucun contact avec d'autres prisonniers détenus au SED.
Quelques jours avant les élections présidentielles du 11 octobre 1997, Atangana et Edzoa ont été présentés à la Cour suprême à Yaoundé qui devait se prononcer sur la validité de la candidature d’Edzoa. Le tribunal a jugé que sa candidature n'était pas valide au motif qu'il n'avait pas de certificat de naissance. Dans la soirée du même jour, ils ont été transférés devant le Tribunal de Grande Instance de Yaoundé pour être jugé pour des accusations de corruption. Les avocats de la défense ont protesté devant le tribunal et ont demandé un renvoi afin de leur donner le temps de préparer la défense d’Edzoa. Le tribunal et le parquet ont rejeté les objections des avocats de la défense. Les avocats de la défense se sont retirés du Tribunal en signe de protestation, mais le procès s'est poursuivi toute la nuit jusqu'au petit matin du 3 Octobre 1997. Le Tribunal de Grande Instance a reconnu Edzoa et Atangana coupables de corruption et le Ministère public avait requis la peine de mort, mais ils ont été condamnés à 15 ans d'emprisonnement. Ils ont fait appel de leur condamnation et de la peine, mais celles-ci ont été confirmées par la Cour d'appel en 1999.
Alors que les deux hommes étaient en train de finir de purger leurs peines de prison de 15 ans, le Parquet a engagé une autre procédure contre les deux accusés en 2009 pour de nouvelles accusations de corruption. Les deux prisonniers et leurs avocats estiment que ces nouvelles accusations sont politiquement motivées et destinées à les garder indéfiniment en prison, en partie parce que Edzoa refuse de renoncer à son intention de continuer de faire de la politique comme un adversaire du Président Paul Biya. Le 18 Juillet 2012, alors que le verdict était attendu par les accusés et leurs avocats, le Président du tribunal a annoncé que leur procès devra recommencer le 30 Juillet 2012. Le Président a annoncé que l'un des trois Juges de la collégialité qui dirigeait le procès avait rejoint son nouveau poste d’affectation et qu’une nouvelle collégialité serait constituée pour conduire le procès.
Le 30 Juillet, il a été annoncé qu'un deuxième Juge de la collégialité avait été dessaisi de l’affaire. Deux nouveaux Juges ont été nommés et ont repris les délibérations. Edzoa et Atangana ont été à nouveau condamnés le 4 Octobre 2012 à 20 ans d'emprisonnement. Ayant déjà purgé 15 ans de prison après leur première condamnation en 1997, ils devraient rester en prison pendant cinq années de plus.
Les responsables d'Amnesty International en visite Cameroun en décembre 2012 ont rencontré Edzoa et Atangana au SED. Tout en remerciant Amnesty International d’avoir pensé à eux, les deux prisonniers ont chacun réitéré leur inquiétude quant au fait qu’ils ont été une fois de plus victimes d’un procès inéquitable et politiquement motivés. Ils ont exprimé l'espoir que la justice camerounaise soit véritablement indépendante et impartiale et finisse par les acquitter et ordonner leur libération.
Cependant, ils émettaient des doutes sur le fait qu’il y ait un juge assez courageux, impartial et de rectitude professionnelle pour ordonner leur libération ou que le gouvernement accepte de mettre en œuvre une décision judiciaire qu’un tel juge aura rendue. Même après avoir purgé les cinq années qui leurs restent, les deux prisonniers pourraient encore rester en prison pour cinq autres années supplémentaires au motif qu'ils n'auraient pas payé les amendes et les frais juridiques exigés par le tribunal de Grande Instance telle que le stipule l'article 564 du Code de procédure pénale.
La détention prolongée d’Edzoa et Atangana semble être motivée par leur opposition réelle ou supposée au gouvernement et à ce titre, les deux hommes sont perçus comme des prisonniers d'opinion. Amnesty International estime que ces cas illustrent la façon dont le processus judiciaire peut être détourné pour réduire au silence les individus soupçonnés de s’opposer réellement ou non au gouvernement.
Les représentants de gouvernements étrangers, qui au départ avaient soutenu la poursuite des responsables gouvernementaux et d'autres soupçonnés de corruption ont expliqué à Amnesty International qu’ils pensent maintenant que les procès pour corruption et détournement de deniers publics ont été largement utilisés pour régler des comptes politiques, et non pour lutter effectivement contre la corruption. Amnesty International appelle le gouvernement camerounais à un réexamen urgent par une instance judiciaire indépendante et impartiale dans la légalité et l'équité avec laquelle Edzoa et Atangana ont été poursuivis et jugés, y compris le temps mis pour les juger ainsi que la pertinence de la révocation des Juges lors du déroulement du second procès. Chacun des deux prisonniers devraient être représentés lors de ce réexamen par un avocat de son choix et bénéficier d'une liberté provisoire dans l'attente des délibérations et de la décision de l'instance judiciaire. Si l'instance judiciaire conclut qu'ils n'ont pas commis les infractions dont ils ont été accusés, elle devra demander que les charges qui pèsent sur eux soient annulées et qu’on leur accorde une indemnisation pour emprisonnement abusif.
Lors de sa visite au SED - qui est aussi le siège de la gendarmerie nationale - Amnesty International a noté avec consternation la sévérité du régime en ce qui concerne la détention de deux prisonniers. L'un d'eux est Titus Edzoa, ancien professeur agrégé de chirurgie et médecin personnel du chef de l’Etat Paul Biya.
Il a également été Ministre du gouvernement et Secrétaire Général de la présidence de la République. L'autre est Thierry Michel Atangana, un ancien Président du Comité de Pilotage et de Suivi des Projets routiers Yaoundé – Kribi et Ayos – Bonis. Les Ministres du gouvernement ont permis à Amnesty International de rencontrer et d’interviewer les deux prisonniers en privé. Les représentants d’Amnesty ont également rencontré leurs avocats. Amnesty International a choisi de visiter ces deux prisonniers parce qu’ils subissent un traitement plus sévère comparativement à d'autres prisonniers détenus au SED ou à Kondengui et à New Bell. Bien qu’ils soient en train de terminer de purger la peine de 15 ans de prison infligée par le tribunal en 1997.
Quant à Titus Edzoa, il a confié à Amnesty qu’il se sentait à l’étroit dans le gouvernement et a démissionné de son poste de Ministre de la Santé le 20 avril 1997 dans le but de se présenter à l’élection présidentielle d'octobre 1997.
Deux jours plus tard, son passeport a été confisqué et il a été peu de temps après placé en résidence surveillée par des membres des forces de sécurité. Edzoa avait annoncé que Thierry Michel Atangana était son Directeur de campagne. Atangana a nié à plusieurs reprises qu'il n'a jamais été recruté ou accepté d'être le Directeur de campagne d’Edzoa. Le 12 mai 1997, Atangana a été arrêté et placé en détention. Le 3 Juillet 1997, les forces de sécurité arrivent chez M. Edzoa dans des véhicules blindés et l’arrêtent sans mandat. Edzoa et Atangana sont transférés dans un premier temps à la prison de Kondengui, où ils sont détenus pendant 19 jours.
Le 22 Juillet, une unité spéciale de la gendarmerie les informe qu'ils devaient être transférés au SED pour des enquêtes préliminaires. Ils sont transférés au SED dans la nuit et placés dans une petite cellule. Le 27 Juillet 2012, Edzoa est transféré dans une cellule plus grande, mais mal ventilé, cellule qu’il occupe jusqu’à ce jour. Pendant deux années et demie, ils n’étaient autorisés à sortir de leur cellule qu'une heure par jour. Edzoa a déclaré à Amnesty International que, depuis qu’il est dans cette cellule très humide et mal éclairé il y a 15 ans, c’est lui qui a investi de son argent pour acheter un ventilateur, installer l’éclairage une table et une chaise.
Quand Amnesty International lui a rendu visite, elle s’est inquiétée de ce qu’il a vécu dans l'isolement total dans une cellule avec trois lourdes portes de métalliques. Il a expliqué à Amnesty International que, lorsqu’il est dans la cellule, les deux portes extérieures sont toujours verrouillées. Au fil des ans, Edzoa a eu à souffrir de plusieurs crises de santé qui selon lui, ont été aggravées par ses conditions de détention et son âge avancé. En 2010, il était âgé de 65 ans.
M. Atangana, un ressortissant français d'origine camerounaise âgé de 49 ans, a déclaré à Amnesty International qu'il avait été arrêté par environ 100 gendarmes lourdement armés. Après 19 jours à la police judiciaire, il a été transféré à la prison de Kondengui. Il a demandé des visites consulaires en tant que ressortissant français mais elles lui ont été refusées. Quelques jours après sa visite à M. Atangana, Amnesty International a exprimé son inquiétude aux autorités camerounaises quant aux mauvaises conditions de détention de M. Atangana, y compris le refus qu’il reçoive des visites consulaires. Le Ministre de la Justice a déclaré à Amnesty International qu'il n'avait pas eu connaissance de ce que les visites consulaires avaient été refusées à Michel Atangana. Amnesty International a par la suite appris qu'un diplomate français avait été autorisé à lui rendre désormais visite. Comme Edzoa, Atangana vit dans un isolement presque total n’ayant pratiquement aucun contact avec d'autres prisonniers détenus au SED.
Quelques jours avant les élections présidentielles du 11 octobre 1997, Atangana et Edzoa ont été présentés à la Cour suprême à Yaoundé qui devait se prononcer sur la validité de la candidature d’Edzoa. Le tribunal a jugé que sa candidature n'était pas valide au motif qu'il n'avait pas de certificat de naissance. Dans la soirée du même jour, ils ont été transférés devant le Tribunal de Grande Instance de Yaoundé pour être jugé pour des accusations de corruption. Les avocats de la défense ont protesté devant le tribunal et ont demandé un renvoi afin de leur donner le temps de préparer la défense d’Edzoa. Le tribunal et le parquet ont rejeté les objections des avocats de la défense. Les avocats de la défense se sont retirés du Tribunal en signe de protestation, mais le procès s'est poursuivi toute la nuit jusqu'au petit matin du 3 Octobre 1997. Le Tribunal de Grande Instance a reconnu Edzoa et Atangana coupables de corruption et le Ministère public avait requis la peine de mort, mais ils ont été condamnés à 15 ans d'emprisonnement. Ils ont fait appel de leur condamnation et de la peine, mais celles-ci ont été confirmées par la Cour d'appel en 1999.
Alors que les deux hommes étaient en train de finir de purger leurs peines de prison de 15 ans, le Parquet a engagé une autre procédure contre les deux accusés en 2009 pour de nouvelles accusations de corruption. Les deux prisonniers et leurs avocats estiment que ces nouvelles accusations sont politiquement motivées et destinées à les garder indéfiniment en prison, en partie parce que Edzoa refuse de renoncer à son intention de continuer de faire de la politique comme un adversaire du Président Paul Biya. Le 18 Juillet 2012, alors que le verdict était attendu par les accusés et leurs avocats, le Président du tribunal a annoncé que leur procès devra recommencer le 30 Juillet 2012. Le Président a annoncé que l'un des trois Juges de la collégialité qui dirigeait le procès avait rejoint son nouveau poste d’affectation et qu’une nouvelle collégialité serait constituée pour conduire le procès.
Le 30 Juillet, il a été annoncé qu'un deuxième Juge de la collégialité avait été dessaisi de l’affaire. Deux nouveaux Juges ont été nommés et ont repris les délibérations. Edzoa et Atangana ont été à nouveau condamnés le 4 Octobre 2012 à 20 ans d'emprisonnement. Ayant déjà purgé 15 ans de prison après leur première condamnation en 1997, ils devraient rester en prison pendant cinq années de plus.
Les responsables d'Amnesty International en visite Cameroun en décembre 2012 ont rencontré Edzoa et Atangana au SED. Tout en remerciant Amnesty International d’avoir pensé à eux, les deux prisonniers ont chacun réitéré leur inquiétude quant au fait qu’ils ont été une fois de plus victimes d’un procès inéquitable et politiquement motivés. Ils ont exprimé l'espoir que la justice camerounaise soit véritablement indépendante et impartiale et finisse par les acquitter et ordonner leur libération.
Cependant, ils émettaient des doutes sur le fait qu’il y ait un juge assez courageux, impartial et de rectitude professionnelle pour ordonner leur libération ou que le gouvernement accepte de mettre en œuvre une décision judiciaire qu’un tel juge aura rendue. Même après avoir purgé les cinq années qui leurs restent, les deux prisonniers pourraient encore rester en prison pour cinq autres années supplémentaires au motif qu'ils n'auraient pas payé les amendes et les frais juridiques exigés par le tribunal de Grande Instance telle que le stipule l'article 564 du Code de procédure pénale.
La détention prolongée d’Edzoa et Atangana semble être motivée par leur opposition réelle ou supposée au gouvernement et à ce titre, les deux hommes sont perçus comme des prisonniers d'opinion. Amnesty International estime que ces cas illustrent la façon dont le processus judiciaire peut être détourné pour réduire au silence les individus soupçonnés de s’opposer réellement ou non au gouvernement.
Les représentants de gouvernements étrangers, qui au départ avaient soutenu la poursuite des responsables gouvernementaux et d'autres soupçonnés de corruption ont expliqué à Amnesty International qu’ils pensent maintenant que les procès pour corruption et détournement de deniers publics ont été largement utilisés pour régler des comptes politiques, et non pour lutter effectivement contre la corruption. Amnesty International appelle le gouvernement camerounais à un réexamen urgent par une instance judiciaire indépendante et impartiale dans la légalité et l'équité avec laquelle Edzoa et Atangana ont été poursuivis et jugés, y compris le temps mis pour les juger ainsi que la pertinence de la révocation des Juges lors du déroulement du second procès. Chacun des deux prisonniers devraient être représentés lors de ce réexamen par un avocat de son choix et bénéficier d'une liberté provisoire dans l'attente des délibérations et de la décision de l'instance judiciaire. Si l'instance judiciaire conclut qu'ils n'ont pas commis les infractions dont ils ont été accusés, elle devra demander que les charges qui pèsent sur eux soient annulées et qu’on leur accorde une indemnisation pour emprisonnement abusif.