Toulouse. Mohamed Merah terroriste ?
Jeudi
soir, la confrontation armée entre Mohamed Merah, tireur présumé d'une
série de fusillades dans le midi de la France, et des unités d'élite de
la police s'est poursuivie à Toulouse. Les responsables officiels
affirment qu'il est responsable de la mort de sept personnes lors de
trois attentats commis depuis le 11 mars – trois parachutistes dans deux
attentats à Toulouse et, à quelques kilomètres de là, à Montauban ainsi
que quatre civils lors de l'attaque d'une école juive Ozar Hatorah
lundi à Toulouse.
Une unité du Raid (Recherche Assistance Intervention Dissuasion)
a attaqué Merah dans son appartement hier, peu après 3 heures du matin.
Il a riposté à l'arme à feu en blessant apparemment deux policiers.
Après une journée de confrontation, la police a attaqué à nouveau
l'appartement vers minuit en faisant sauter une porte et en créant une
brèche dans le mur.
Les autorités croient que Merah, âgé de 23
ans, est proche d'al Qaïda. Elles insistent pour dire qu'il a commis les
tueries tout seul. Sur la base de rapports totalement contradictoires
circulant dans les médias, on ne sait toutefois pas si ces rapports sont
vrais.
Physiquement, Merah n'a guère de ressemblance avec les
descriptions faites par les témoins oculaires de l'auteur de la
fusillade à Montauban. Les témoins ont dit que le tireur était « corpulent ».
Ils ont aussi dit qu'ils avaient vu un tatouage et une cicatrice sur sa
joue gauche lorsque la visière de son casque s'était brièvement
relevée. Les images de Merah publiées par les médias représentent
toutefois un jeune homme svelte n'ayant ni barbe ni tatouage.
Les
articles sur les liens existant entre Merah et al Qaïda ne sont pas
plus convaincants. Ils reposent sur des comptes rendus conflictuels et
une prétendue confession faite la nuit lors d'un appel à la journaliste
de France24 Ebba Kalondo depuis une cabine téléphonique publique. Les
responsables français affirment être à « 98 pour cent »
sûrs que l'auteur du coup de fil était Merah. La version de Kalondo a
été largement rapportée par les médias et les chaînes de télévision
françaises comme étant un fait.
Le ministre français de l'Intérieur, Claude Guéant, a dit que Merah était suivi depuis plusieurs années par la Direction centrale du renseignement intérieur
(DCRI) depuis son séjour en Afghanistan en 2007. Le directeur de la
prison afghane de Kandahar, Ghulam Faruq, a dit que Merah avait été
emprisonné le 19 décembre 2007 par les forces afghanes pour avoir posé
des bombes à Kandahar. Les responsables pakistanais ont dit à Reuters
que Merah n'avait jamais été arrêté à Kandahar et affirmé « n'avoir aucune information à son sujet. » Les responsables afghans ont dit à la BBC que l'homme emprisonné à Kandahar était probablement quelqu'un portant le même nom.
Le
responsable français chargé du contre-terrorisme, François Molins, a
dit que Merah avait été arrêté une nouvelle fois l'année dernière en
Afghanistan puis rapatrié en France par les Etats-Unis. Des responsables
américains anonymes ont contredit ce récit, disant à la BBC que les
forces françaises avaient ramené Merah en France par avion.
Toutefois,
selon un ami de Merah interviewé par Le Figaro, il a surtout travaillé
comme carrossier à Toulouse. Il y a trois ans il avait passé quelques
mois en prison pour des « petits vols » après
quoi il fut suivi par la police. Il avait tenté en vain de s'engager
dans l'armée française. L'avocat de Merah, Christian Etelin, a dit que
Merah n'avait jamais été impliqué dans la « délinquance violente. »
Finalement,
les comptes rendus sur les enquêtes des affaires de Merah remettent en
question les affirmations qu'il a agi seul. Les autorités rapportent
qu'elles recherchent une Renault Mégane lui appartenant et contenant des
revolvers, des fusils mitrailleurs Uzi automatiques et des fusils de
chasse. Elles ont aussi dit qu'il possédait une Renault Clio contenant
des armes ainsi que « trois maisons sûres »
dans la région de Toulouse. Il n'est pas précisé comment Merah a pu se
payer tout cela vu que les enquêteurs ont dit au Figaro que ses moyens
étaient « au niveau du revenu de solidarité active (RSA) ».
A
en croire ces comptes rendus toutefois, un homme surveillé de près par
les services de renseignement et la police française a eu le loisir de
commettre une folie meurtrière pendant dix jours à Toulouse et tout près
à Montauban. Il aurait même été en contact avec des milieux policiers
avant l'attaque de l'école Ozar Hatorah.
La police aurait
identifié Merah mardi après qu'un concessionnaire de Yamaha qui avait
travaillé sur un T-Max scooter se serait subitement rappelé que Merah
était venu au magasin pour lui demander de repeindre le scooter et de
désactiver sa puce antivol. Le vendeur, Christian Dellacherie, a dit au
Figaro qu'il avait coopéré avec la police depuis la fusillade de
Montauban le 15 mars.
De manière étonnante et bien que les médias
aient largement rapporté que le tireur de Toulouse se servait d'un
scooter Yamaha T-Max, le concessionnaire affirme n'avoir rien dit à la
police pendant près d'une semaine. Le concessionnaire affirme qu'après
la fusillade de l'école lundi, lorsque les rapports des médias ont
souligné que la couleur du scooter avait changé, il en avait informé les
autorités.
L'attention
de la police sur Merah, à l'exclusion de tout autre suspect – des
rapports avaient antérieurement suggéré que d'anciens parachutistes
néo-nazis avaient perpétré des attaques – a permis à l'Union pour un mouvement populaire (UMP) du président Nicolas Sarkozy et au Front national
(FN) néo-fasciste de se montrer plus offensifs. Auparavant, ils étaient
inquiets que cette attaque, si elle avait été perçue comme l'œuvre d'un
meurtrier néo-fasciste, aurait pu provoquer une vague de dégoût
populaire contre le racisme anti-immigration dont ils avaient fait
l'élément central de leur campagne électorale. L'agitation
anti-immigration et anti musulmane a également été reprise par d'autres
partis lors de la campagne, y compris le Parti socialiste. (Voir : France: Un homme ouvre le feu sur une école juive de Toulouse et tue quatre personnes )
Certains
commentateurs avaient précédemment soulevé d'éventuelles comparaisons
entre les attaques actuelles et le meurtre de masse commis l'année
passée en Norvège par le néo-fasciste Anders Behring Breivik.
A
présent, alors que les médias rejettent la faute sur Merah, les partis
dirigeants ont décidé d'attiser à nouveau le racisme anti-musulman en
promouvant des attaques contre les droits démocratiques sous la rubrique
de mesures de sécurité anti-terroristes. La tragédie est donc exploitée
pour défendre la place de la politique néo-fasciste et anti-immigration
en France et en Europe. Elle est en train de devenir un élément majeur
dans la course présidentielle actuelle, dont le premier tour aura lieu
le mois prochain.
Le FN a publié un communiqué critiquant les tentatives de « misérablement instrumentaliser la tragédie de Toulouse contre le Front National. » La candidate du FN, Marine Le Pen, a déclaré, «
Des groupes politico-religieux se développent face à un certain
laxisme. Il faut maintenant mener cette guerre contre des groupes
politico-religieux fondamentalistes qui tuent nos enfants chrétiens, nos
jeunes hommes chrétiens, nos jeunes hommes musulmans et les enfants
juifs, il y a deux jours. »
La responsable de l'UMP, Valérie Rosso-Debord, a publié un communiqué dénonçant Le Pen et le candidat présidentiel du Parti socialiste
(PS), François Hollande, qui est actuellement le principal adversaire
pour l'élection présidentielle de Sarkozy. Rosso-Debord a mis en doute
les compétences en matière de sécurité de Hollande et a attaqué Le Pen
pour « oublier un peu rapidement l'action réitérée et permanente du gouvernement dans sa lutte contre le terrorisme. »
Le
PS qui a activement soutenu les campagnes sécuritaires et
anti-immigration de Sarkozy ces dernières années, a réagi de façon peu
convaincante en niant avoir critiqué Sarkozy. François Rebsamen a publié
un communiqué soulignant que Hollande s'était « comporté avec dignité » durant les événements à Toulouse.
Quant
au président Sarkozy, il a fait la Une des journaux en intervenant
activement dans les événements. Il s'est rendu à Toulouse pour rendre
visite aux forces du Raid, puis est allé à Montauban pour prononcer
l'éloge funèbre des parachutistes tués lors des attentats de la semaine
passée.
Le Pen, Hollande et la candidate du Parti des Verts, Eva
Joly, ont tous pris le même avion pour être présents à l'allocution de
Sarkozy.
Alex Lantier