Togo : Qui a tué Sylvanus Olympio ?
13
janvier 1963 – 13 Janvier 2013. Cela fait exactement 50 ans que le tout
premier président du Togo Sylvanus Olympio a été assassiné .Un
demi-siècle après, le mystère plane encore sur l’identité des auteurs et
des commanditaires de ce crime crapuleux. La question cruciale
demeure : « Qui a tué le président Sylvanus Olympio ? ».
Sylvanus Epiphanio Kwami Olympio est né en 1902 à Lomé dans une famille
originaire du Brésil. Bardé de diplômes, polyglotte parlant six
langues, Sylvanus Olympio est un militant engagé de l’émancipation
africaine. Il remporte démocratiquement un scrutin incontestable sous
supervision des nations unies en 1958 et est élu président de la
République en 1961. Il réorganise les finances de son pays par une
gestion très stricte, imposant le remboursement des dettes togolaises au
Trésor français. En outre, le président Olympio voulait battre pour son
pays une monnaie propre indexée sur le Deutschmark. L’un des premiers
soucis de Sylvanus Olympio était de s’affranchir de la tutelle
économique de la France, afin de discuter avec elle "d’égal à égal".
Son choix pour le progrès et l’indépendance du Togo lui sera fatal.
Sylvanus Olympio est mort assassiné. C’est un fait. Mais les témoignages
divergent sur les circonstances exactes de ce meurtre. Un demi-siècle
après sa mort une enquête n'a pas encore été formellement diligentée
pour identifier les coupables de cet assassinat. Toutefois, de nombreux
noms sont avancés :
Le sergent Gnassingbé Eyadema est cité pour avoir a
raconté à « deux journalistes, du journal le Figaro et du Time Life,
dans quelles circonstances il a lui-même assassiné Sylvanus Olympio ».
Le Paris Match de la semaine suivant l'assassinat de Sylvanus Olympio
publiait des déclarations de Gnassingbé Eyadema qui disait ceci : «Je
l'ai descendu parce qu'il ne voulait pas avancer...Il a commencé à
m’injurier, il criait trop fort alors j'ai tiré».
Mais depuis lors, Gnassingbé Eyadema avait totalement changé d'avis et
avait nié en bloc sa responsabilité dans l'assassinat de Sylvanus
Olympio.
L'adjudant Togaolais Emmanuel Bodjollé est aussi cité par certaines sources comme étant l'assassin de Sylvanius Olympio.
Des français sont également cités : le général Georges Maitrier (1917-1990), gendarme membre du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE) et l’adjudant Pauc également gendarme. Des informations font également état de la relation entre l’ambassadeur de France au Togo à l’époque, Henri Mazoyer, et le commando qui a assassiné le président Sylvanus.
Les Circonstances ayant conduit à la mort de Sylvanus Olympio
En 1961, le torchon brûle entre le président
Sylvanus Olympio et les militaires togolais détachés de l'armée
française depuis l'indépendance. Ce sont les anciens de la coloniale qui
se sont battus dans les rangs de la France sur plusieurs continents.
Après avoir servi en Algérie et en Indochine, des sous-officiers
togolais démobilisés par la France, rêvaient de se faire engager dans
la nouvelle armée togolaise. Le président Olympio ne veut pas de ces
soldats, ceci pour deux raisons essentielles. La première : de principe,
il les trouvait anti-indépendantistes. Ces soldats ayant combattu sans
état d’âme contre le peuple algérien luttant pour son indépendance. La
seconde raison est matérielle : Le pays rencontrant des difficultés
financières, Olympio n’entendait pas créer une armée budgétivore.
Olympio reste ferme. Il estime que ces soldats qui ont reçu de maigres
pécus de l'ancienne tutelle doivent les investir dans des activités
productrices. Les négociations menées par l'ambassadeur de France ne
vont rien changer à sa décision.
Ces anciens soldats de la coloniale vont donc décider par la suite de renverser Sylvanus Olympio.
Le récit de la mort de Sylvanus Olympio
Alors qu'il était entrain de travailler dans son
bureau très tard dans la nuit, Olympio aperçoit de la fenêtre de son
bureau une dizaine de putschistes entrain de molester les gardiens de sa
villa. Sylvanus Olympio qui a compris ce qui se passe, va se précipiter
dans la pièce où se trouvent son épouse Dina et ses nièces .Il leur
demande de se mettre à l'abri. Pendant ce temps, à l'extérieur les
soldats tirent sur la maison.
Profitant de la confusion et de la désorganisation des soldats, Olympio
va descendre par le jardin arrière et escalader le mur qui sépare sa
maison avec l'ambassade des Etats-Unis .Il tente ensuite d'ouvrir les
bureaux de l'ambassade des Etats-Unis mais ils sont fermés. Il aperçoit
dans la cour de l'ambassade une voiture garée, il s'y précipite et s'y
cache plié en deux sur la banquette arrière.
Pendant ce temps, les putschistes fouillent sa villa de fond en comble;
son épouse leur fait comprendre qu'il n'est pas là. De l'autre côté du
mur, l'ambassadeur des Etats-Unis Léon Poullada qui a été réveillé par
les coups de feu, décide de se rendre sur le lieu des affrontements.
En passant à proximité de la voiture en stationnement sur la cour, il
entend Olympio l'interpeller. Olympio lui raconte ce qui se passe.
L’ambassadeur lui répond : « M. le président ne bougez pas, je vais
chercher les clés, bientôt vous seriez à l'abri ». Olympio dissimulé
dans la voiture garée dans la cour de l'ambassade américaine attends
toujours le retour de l'ambassadeur mais curieusement il aperçoit des
soldats enjambés la barrière de l’ambassade pour venir l'extraire de la
voiture dans la quelle il se cachait.
Qui leur a informés sur sa cachette ? A cette question, les témoignages diffèrent.
La vérité est qu'une fois retourné à l'ambassade,
l'ambassadeur des Etats-Unis Léon Poullada a appelé son homologue
français et lui a tout raconté, il lui a même révélé la cachette de
Sylvanus Olympio. C'est son homologue français Henri Mazoyer qui
révélera la cachette de Sylvanus Olympio aux putschistes.
Olympio est sortie de sa cachette par les putschistes qui le bousculent
et le poussent d'avancer les mains en l'air. Olympio refuse d'avancer et
soudain un soldat s'approche et lui tire trois balles à bout portant
sur le thorax. Puis le soldat sort de sa poche un couteau et coupe les
veines du président Olympio, puis jette le corps du président sous un
manguier.
Au cours d’une conférence-débat animée par Godwin Tété-Adjalogo le 06 janvier 2013 au Centre Culturel Denyigban à Lomé sur l’initiative du Parti des Travailleurs du Togo, plusieurs intervenants ont réclamé encore une enquête internationale pour faire la lumière sur cet assassinat. Selon eux : « Il faut interroger la France, l’Allemagne, les Etats Unis d’Amérique, l’ONU, pour savoir qui a tué le président Sylvanus Olympio ».
La vérité historique doit être rétablie sur les circonstances ayant conduit à l’assassinat de Sylvanus Olympio.
Comme disait Patrice Lumumba, « Un jour, l’histoire aura son mot à
dire, mais ce ne sera pas l’histoire qu’on enseigne à l’ONU, à
Washington, Paris ou Bruxelles, mais l’histoire qu’on enseignera dans
les pays libérés du colonialisme et de ses marionnettes. L’Afrique
écrira sa propre histoire. Une histoire faite de gloire et de dignité ».