Togo : Jean-Pierre Fabre ,« Je ne reconnais pas l’élection de Faure »

Togo : Jean-Pierre Fabre ,« Je ne reconnais pas l’élection de Faure »

 

Togo :  Jean-Pierre Fabre ,« Je ne reconnais pas l’élection de Faure »Informé par un proche de Fabre que ce dernier allait réunir son staff pour former son gouvernement dans la matinée du 7 mars 2010, nous voilà à 8 heures au siège de l’UFC. A 10h 45 arrive le challenger de Faure Gnassingbé, qui a bien voulu répondre à nos questions. Il rejette les résultats de la CENI et ne décolère pas contre le patron de cette institution, Taffa Tabiou. Olesegun Obasanjo, le président des observateurs de la CEDEAO, ne trouve pas non plus grâce à ses yeux. Idem pour le système RPT. Les violences postélectorales ? « Si on me vole ma victoire, que me reste-t-il ? » Entretien avec un candidat transi mais « non résigné ».

Monsieur Jean-Pierre Fabre, la CENI vous a attribué 34% des suffrages à la présidentielle du 4 mars 2010. Vous avez donc perdu les élections. Quel sera à présent le comportement de l’UFC ?

Vous avez vu la foule qui m’a accueilli ici au siège de l’UFC à mon arrivée. De toute façon, je conteste absolument les chiffres publiés. Et je conteste également la procédure utilisée par la CENI pour rendre publics les résultats. Des résultats non vérifiés et non validés par la CENI elle-même. Je déplore aussi que la communauté internationale ait assisté à ce spectacle sans réagir. Les commissions électorales locales indépendantes (CELI) sont venues livrer directement leurs résultats sur les médias sans vérification et sans validation par la CENI. Je n’ai aucune confiance en cette CENI. Par exemple, il a fallu que je saisisse la Cour constitutionnelle pour que celle-ci fasse injonction à la CENI de recevoir mon délégué auprès d’elle. Ce qui est contraire à la loi. Je n’ai donc pas confiance aux sournoiseries du président de la CENI.

Le mode de calcul des résultats provisoires à la CENI a utilisé les SMS, le VSAT, le FAX et les feuilles de dépouillement. Avec toutes ces précautions, vous n’avez pas confiance ?

La seule chose qui m’intéresse est que la CENI n’a pas voulu utilisé les VSAT. Elle a préféré mettre en place un système parallèle de transmission. Tout cela jette un discrédit sur cette structure.

On a parlé de défaillances de ces VSAT...

La CENI devait s’arranger pour que ces appareils fonctionnent normalement. Le système que la CENI a adopté en plénière est le VSAT. Mais, curieusement, tous les présidents de CENI qui se sont succédé s’arrangent toujours pour que ces appareils ne marchent pas. Nous sommes de bonne foi, nous voulons des élections, mais tant que celles-ci se dérouleront dans des conditions lamentables, nous nous y opposerons. On va encore dire : « Ce sont les Africains, ils ne savent que contester ». Pourtant nous avons tout mis en œuvre pour que l’élection soit la plus transparente possible. Et ce ne sont pas les propositions qui ont manqué. Nous avons rencontré le facilitateur, Blaise Compaoré, à plusieurs reprises, et le constat a été que le régime rejetait systématiquement nos propositions, telle l’authentification des bulletins. Quel est l’inconvénient à ce que le président d’un bureau de vote avec un autre membre représentant, tiré au sort, signent un bulletin pour bien montrer que ce bulletin provient bien du lot mis à sa disposition et non de l’extérieur ? Toutes nos propositions ont été balayées du revers de la main et par le pouvoir et par la CENI, une CENI où nous étions minoritaire. C’est qu’on veut tuer l’aspiration du Togo à accéder à la démocratie, c’est de continuer à mettre en place des CENI au sein desquelles le pouvoir est largement majoritaire. Je dis « STOP », toutes ces pratiques, ce sont des choses qu’on ne verra plus au Togo.

Vous allez faire déferler vos partisans dans la rue alors ?

Evidemment, je ne vous livrerai pas ce que nous allons faire comme actions dans le futur. La mobilisation populaire sera notre arme. La Constitution me donne le droit de manifester.

Otez-nous d’un doute : il semble que ce matin 7 mars vous avez l’intention de former votre gouvernement ?

Attendez et vous verrez s’il aura oui ou non un gouvernement de l’UFC et de l’opposition.

Doit-on s’attendre à un remake des événements d’avril 2005 ?

Moi, je n’ai pas d’armes. Hier (Ndlr : 6 mars), j’ai vu des gendarmes et des policiers venir avec de gros bâtons et des masques ; cela me faisait rire. Parce que, nous, nous n’avons que nos mains nues et vides. Ils ont tiré une grenade entre mes jambes. J’ai failli m’étouffer et j’ai dû m’éloigner pour respirer. Ce qui me tient à cœur, c’est de mener le combat contre un système qui trompe les médias, la communauté internationale, et qui nuit à la recherche du bien-être des Togolais.

Le 7 mars dernier à l’hôtel Sarakawa lors de la réunion des candidats avec le patron des observateurs de la CEDEAO et de l’Union européenne, il semble que vous avez donné votre parole à Olesegun Obasanjo que vous allez maintenir vos troupes à carreau. Confirmez-vous ou infirmez-vous cela ?

Pas du tout. Monsieur Obasanjo, que je connais très bien depuis 2005 et dont j’ai eu à apprécier la manière dont il voit l’instauration de la démocratie dans notre pays, a eu de ma part un langage de clarté, de vérité et de fermeté. Le discours qu’il me tenait est un éloge à la résignation et il se trouve que je ne suis pas une personne qui se résigne facilement. Je le lui ai dit et il a fini par lâcher « Peace and change » et j’ai cru entendre une chanson de John Lenon (NDLR : de Beatles) qui disait « We are saying make peace and change ». Non, chez nous cela ne marche pas. En 2005 le même Obasanjo a affirmé que toute action implique une réaction. J’en avais été choqué et lors de cette réunion du 7 mars dernier je le lui rappelé. Je ne vais pas faire la violence mais si on me vole ma victoire que me reste-t-il ? Obasanjo m’a alors conseillé d’être patient, que je serai un jour président du Togo. Je lui ai dit qu’il ne s’agit pas d’un problème de présidence. Ce n’est pas moi président de la République qui importe. Notre combat vise à faire cesser la prise en otage du peuple togolais par un système. Aucun Togolais n’est dupe.

Et la France dans tout cela ?

Je n’attends rien de particulier de la France mais que tous les pays qui œuvrent à l’avènement de la démocratie dans le monde fassent que les élections dans nos pays ne soient pas des mascarades, et là-dessus comme je l’ai déjà dit, j’ai été déçu de l’attitude de toute la communauté internationale. Les pressions de sa part pour que les conditions d’une bonne élection soient réunies au Togo, j’ai attendu cela de sa part et je n’ai rien vu venir.

© lobservateur.bf : Z. Dieudonné Zoungrana



15/03/2010
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