Titus Edzoa, le pouvoir et la sœur de Paul Biya
Chirurgien chevronné Titus Edzoa ne s’imaginait pas un jour dans un gouvernement au Cameroun. Après un brillant parcours universitaire en Italie et en France, Titus Edzoa retourne dans son pays où il travaille dans plusieurs formations sanitaires de l’Etat.
Sa vie a changé le jours qu’il a réussi une intervention chirurgicale sur la sœur de Paul Biya. Il fut remarqué par le premier ministre d’alors (Paul Biya). Il sera invité l’année suivante à rejoindre le gouvernement et à occuper le poste de ministre chargé de mission, puis conseiller spécial à la Présidence de la République. En 1992 et 1993, il devient ministre de l’Enseignement supérieur puis Secrétaire Général de la Présidence de la République en 1994. En septembre 1996, il redevient Ministre de la Santé avant de démissionner le 20 avril 1997 du gouvernement pour poser sa candidature à l’élection présidentielle camerounaise de 1997. Ce fut le début de ses problèmes avec le régime de Biya. CamerounWeb vous propose la lettre de Titus Edzoa qui annonçait sa candidature à la présidentielle.
Mes Chers Compatriotes, Le 20 avril 1997. Un dimanche pas comme tous les autres! Seul devant ma conscience, je décidai de prendre en une seule fois, deux actes politiques importants: ma démission du Gouvernement et ma candidature aux Élections présidentielles. J’établissais ainsi un nouveau rapport avec vous. Aujourd’hui, au-delà d’une volonté longtemps entretenue de discrétion, il me paraît légitime de lever un pan de voile sur l’homme que je suis, à travers mes idées, mes convictions et mon parcours professionnel. Le niveau balbutiant de notre démocratie l’exige et je me soumets volontiers à cet exercice pour être, je crois, mieux compris. Scrutant l’horizon du passé, me voilà, enfant de Newbell, quartier populaire de Douala par excellence, fils d’un papa « boy cuisinier », partageant avec mes amis et camarades, toutes tribus confondues, les joies et les angoisses des ruelles fébriles, les repas conviviaux de telle ou telle maman, sans protocole aucun, sinon celui d’appartenir au groupe, les matches de football, pieds nus, avec une « tiss- ball », dont l’enthousiasme n’avait d’égal que le carnaval « des championnats du monde ».
Ces réalités sont encore présentes dans mon esprit. J’ai appris très tôt à partager, sans distinction de religion ni de tribu, le peu dont nous disposions. Au fond de mon âme, je me sens encore lié à ce terroir par le cordon ombilical des amitiés d’enfance. Jeune homme, soutenu par la seule volonté divine, j’étais destiné à une carrière professionnelle particulière : la chirurgie. Celle-là même qui doit allier Science, Art et Humanisme. Je l’ai apprise de mon mieux en Italie pendant 12 ans. L’exigence de la perfection et de la compétence dans ce domaine professionnel m’a invité plus tard à Paris pour un test final, sanctionné par le titre de Professeur agrégé de Chirurgie. Cette alliance franco-italienne a été, pour moi, une richesse inestimable sur les plans professionnel, culturel et humain.
J’ai exercé mon métier au Cameroun avec générosité, dans les hôpitaux d’arrondissement, de département, de province et d’Université. J’y ai appris à partager l’angoisse et le désespoir des uns et des autres. J’ai connu le bonheur de redonner de la joie, de la santé, de l’espoir de vivre. Sportif par instinct au départ, l’Art martial m’a appris à allier l’humilité à la détermination, le respect des autres au dépassement de soi, le sens profond de la spiritualité à la tolérance, le succès à l’échec, le travail à l’effort. J’ai essayé d’insuffler ces valeurs aussi bien aux jeunes qu’aux adultes, toutes classes confondues. Je sais aujourd’hui qu’ils portent en eux ce germe de vie martial, l’énergie prête à éclore dans la maîtrise du corps et de l’esprit.
Enfin homme d’État, j’ai appris à découvrir l’importance de la chose publique. J’ai connu la joie de servir dans l’ombre et l’exaltation de servir en public. J’ai connu les déboires, ô combien amers, du milieu : calomnie, humiliation, intimidation, délation, haine, jalousie, etc. C’est aussi cela, hélas le monde politique ! Tour à tour, sans interruption, j’ai été pendant 12 ans: Ministre chargé de Mission à la Présidence de la République, Conseiller Spécial à la présidence de la république, ministre de L’enseignement Supérieur, Secrétaire Général à la Présidence de la République et enfin Ministre de la Santé. Comme c’est beau et noble de se battre pour son pays, pour le bien individuel et collectif ! Voilà le parcours de votre candidat. Je suis animé aujourd’hui par un amour intense, profond et inconditionnel pour mon pays. J’ai besoin de votre complicité pour qu’ensemble nous le sortions de l’impasse, du désespoir. Comme promis, mon projet de société trace la synthèse du chemin à parcourir. Vos suggestions sont les bienvenues et je souhaite établir dorénavant, avec vous, un dialogue permanent, en toute liberté et en toute franchise.
Le temps est venu pour s’engager définitivement. N’ayez plus peur! n’acceptez plus l’intimidation, le mensonge ! C’est vous qui devez décider du destin de notre pays. Que chacun de nous assume ses responsabilités. Je voudrais émaner de vous, pour gouverner non pas au-dessus de vous, mais avec vous! Le but final et l’essence de mon programme c’est: « Un jeune, un Emploi » ! sans relance économique, il n’y a point d’emploi; sans emploi, il n’y a point de bien-être; et tout ceci nécessite un environnement politique de sécurité, de justice et d’ouverture. Je me donne sept ans pour remettre le Cameroun sur pied et je me battrai pour cela sans relâche. Mes chers compatriotes, je vous invite à vous joindre à moi, afin qu’ensemble nous gagnions le pari, dont l’enjeu est un avenir meilleur pour notre pays. Au moment même où je vous écris, je viens d’être informé par la Police judiciaire, de mon assignation en garde à vue administrative. Cependant je demeure serein et confiant en l’avenir, pour le triomphe de la liberté et de la démocratie.
Yaoundé, mai 1997.