L’ex-célèbre prisonnier de longue durée aurait renoué les fils du dialogue avec le pouvoir, et pourrait revenir aux affaires.
De petites phrases, distillées lors de sa conférence de presse du 1er
mars dernier en sa résidence de Simbock (Yaoundé), auraient dû mettre la
puce à l’oreille des participants. Interrogé sur son appartenance au
Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc, au pouvoir),
Titus Edzoa, six jours après sa sortie de 17 ans de prison, avait lâché :
«J’ai démissionné du gouvernement, mais ça ne veut pas dire que j’ai
démissionné du Rdpc, c’est clair.
À moins que vous ne me démissionnez vous-mêmes !» Sur son avenir, l’ex-secrétaire général de la présidence de la République, ci-devant ministre de la Santé publique, a déclaré : «Pour le moment je prends du recul, et ce recul veut dire me taire. J’ai appris ce que c’est que le silence, et le silence n’est pas un comportement négatif. Je vous prie de me laisser souffler. On a tout le temps. Évidemment, il n’est pas exclu que dans les mois, les années qui viennent – je l’ai déjà dis –, que je fasse de la politique. Vous savez que je suis un homme d’action. Quand je l’aurai décidé, vous le saurez.»
Cette prise de parole, pour insolite qu’elle fut, apparaît aujourd’hui comme annonciatrice d’un retour sur la scène. «Je n’attends rien, aucun poste, et ça ne me gêne pas. Il y a mille façons d’être utile dans la République. Si le poste arrive, je peux le refuser ou l’accepter, mais j’aurais le devoir de vous expliquer», avait subtilement glissé l’ancien médecin personnel du président de Paul Biya, avant de poursuivre : «Ne mêlez pas le président de la République aux autres.
Ça ne vous concerne pas. Ce n’est pas devant vous que je vais dire que je pardonne. Qui suis-je ?» Plus tôt, Titus Edzoa avait indiqué : «D’aucuns disent que j’ai dit merci aux acteurs de l’extérieur sans le dire au président de la République. Ce dernier n’a pas besoin de gratitude. La politique n’aime pas les génuflexions. Il faut être digne, respecter le président de la République, car s’il n’avait pas autorisé mon arrestation, je n’aurais jamais été embastillé. De l’autre côté, s’il n’avait jamais signé le décret, je n’aurais jamais été libéré.»
En 1997, M. Edzoa créait la surprise en démissionnant du gouvernement, puis en annonçant sa candidature à l’élection présidentielle. Il est aujourd’hui clair qu’il n’était jamais parti du Rdpc, mais qu’il comptait compétir en candidat libre. Depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, l’homme s’est assagi à l’épreuve d’une longue et difficile détention au secrétariat d’Etat à la Défense (Sed) en charge de la gendarmerie. Et les relations avec le pouvoir devraient connaître une évolution spectaculaire dans les prochaines semaines.
Selon des sources introduites en effet, un rapprochement certain, bien que discret, se serait opéré ces dernières semaines entre Titus Edzoa et Paul Biya. Le chef de l’Etat, murmure-t-on, aurait personnellement donné des instructions pour une prise en charge multiforme de son ancien collaborateur. De même, la route menant à Simbock devrait connaître des travaux de réfection dans les prochains jours. Autant de petites marques d’attention qui laissent croire que quelque chose se préparerait, que le président de la République semble déjà prêt à passer l’éponge et que l’ex-prisonnier, comme il le dit lui-même, a pardonné. La paix des braves, en somme.
La politique, a-t-on coutume de dire, c’est aussi l’art du compromis. Qui ne se souvient par exemple, de la virulence avec laquelle Issa Tchiroma Bakary, alors membre de l’opposition radicale, attaquait Paul Biya pendant les «années de braise» (90-92) ? Signe de grandeur d’âme, le chef de l’État a tourné la page, et la même année, Issa Tchiroma Bakary entrait au gouvernement comme ministre des transports avant d’en sortir en 1997. Et depuis le 30 juin 2009, Paul Biya l’a nommé au prestigieux poste de ministre de la Communication (Mincom). Président du Front de salut national du Cameroun (Fsnc), le Mincom a même fini par devenir l’un des défenseurs les plus zélés du régime de Yaoundé, parfois au grand dam des dignitaires du Rdpc. C'est dire si, pour Titus Edzoa, le meilleur est à venir. Wait and see.