Qui a rédigé ce document controversé qui a suscite de virulentes réactions ? Comment ?
Appel de la Lekié pour une guerre totale contre la secte islamiste et étrangère et ses complicités au Cameroun ». C’est l’intitulé de la motion de soutien publiée mardi dernier par l’élite du département de la Lekié. Du coup, au lieu de passer inaperçu comme la plupart des documents de cette espèce, que non, il a suscité une véritable levée de boucliers, non seulement dans la classe politique, mais surtout de la communauté du Grand Nord qui dit être le destinataire exclusf de ce message de « haine » et de « division ».
Une élite de la Vina dans l’Adamaoua a carrément récité quelques extraits de ce document qui, selon lui est une « provocation » de trop : Extraits : « Non aux complices de Boko Haram, principalement dans les régions septentrionales du Cameroun, et à leurs stratégies sournoises ou leurs tentatives d'incitation à la partition du territoire national, à la lumière des développements fort regrettables enregistrés dans d'autres pays ou régions du continent africain.»
Chantage politique et ambitions régionalistes
Non au «chantage politique assimilable à une tentative de prise en otage ou de déstabilisation des institutions de la République ou à une conspiration politique, inspirée par des fins diverses, notamment des ambitions politiques personnelles ou régionalistes.» Pour notre source, la messe est dite. Mais comment en est-on arrivé à écrire pareille chose et surtout, publier, dans un contexte marqué par des suspicions de tout genre, où le vivre-ensemble est plus que jamais menacé ? Y a-t-il vraiment eu consensus lors de la rédaction et de la publication de cet appel ?
Nos sources sont formelles. « Appel de la Lekié pour une guerre totale contre la secte islamiste et étrangère et ses complicités au Cameroun » a été pensé, rédigé et publié par les soins d’Henri Eyebé Ayissi, le ministre délégué à la présidence de la République chargé du Contrôle supérieur de l’Etat. « Le ministre Eyebé est le porte-parole de l’élite et de la population de notre département. C’est à ce titre que nous lui avons donné les prérogatives pour parler en notre nom, sauf qu’il est allé plus loin dans la déclaration. C’est insupportable », fulmine une élite de la Lekié qui a pris part aux travaux d’Obala du 31 août 2014.
En terme simple, et selon notre source, Henri Eyebé Ayissi a écrit cet appel quasiment seul, d’où l’absence des noms de signataires, comme cela est de coutume. « Pour l’une des rares fois, une motion de soutien ne comporte aucun nom. C’est par peur de se voir désavouer par d’autres signataires qu’il a choisi d’utiliser des vagues formules. Et pis encore, Eyebé a pris l’initiative de publier ce document non pas seulement dans Cameroon Tribune, comme c’est souvent le cas, mais il l’a fait publier dans d’autres journaux sous forme de publicité », analyse un journaliste.
“Surenchère politique”
Le constat est donc clair, l’élite de la Lekié ne partage pas les prises de position de Henri Eyebé Ayissi. Essimi Menyé n’a pas, par exemple, répondu présent à cet appel. Mais une autre source estime que les deux sont en froid ; et par conséquent pour rien au monde, Essimi Menyé pourrait cautionner les avis, surtout controversés de Henri Eyebé Ayissi, son rival politique. Pour Marie Robert Eloundou, porte-parole de l’Association pour le développement de Monatelé, « le ton et certaines positions adoptés au nom de la Lekié dans cette sortie posent problème.
Les auteurs se veulent péremptoires parlant de complices, je subodore qu’ils vont faire oeuvre citoyenne en dévoilant les noms de ces gens afin que le chef de l’Etat vienne rapidement à bout de cette secte islamiste. Il faut éviter l’amalgame, toute sorte de manipulations en se rendant plutôt solidaires de nos frères actuellement meurtris. »
Que pense Eyebé Ayissi de toutes ces critiques ? Selon ses proches, joints au téléphone, ces critiques participent de la manipulation, du déplacement du débat. « Ceux qui veulent déformer notre message savent à quel jeu ils se livrent. Je crois qu’ils font de la surenchère politique ». Notre source se défend : « Notre message est clair. Boko Haram est au Cameroun. Il y a des complices dans notre pays ; notamment dans le Grand Nord. Jamais nous avons dit qu’il s’agit des nordistes, comme prétendent nos détracteurs qui veulent créer des stéréotypes ».