Après le dernier coup de Boko Haram à Kolofata, dans l’Extrême-Nord, les Camerounais se sont réveillés à la dure réalité. La guerre contre la secte islamiste sera difficile à gagner. A moins que…
Une quinzaine de morts, 17 otages enlevés, le bilan de l’incursion de la secte Boko Haram sur le territoire camerounais dimanche dernier sonne comme une réponse du berger à la bergère depuis la déclaration officielle de Paul Biya lors du sommet sur la question à Paris, en présence de François Hollande et des homologues africains de la sous-région concernée par les menaces de la secte islamiste.
Résultat des courses, une déroute des troupes camerounaises et des rançons que l’état doit se préparer à verser aux ravisseurs. Quelques officiers supérieurs de l’armée camerounaise en paient aussi le prix. Le colonel Gédéon Yossa, commandant de la légion de gendarmerie du Nord, est remercié. Relevé de ses fonctions pour n’avoir pas été à la hauteur de l’assaut donné par la secte.
en même temps que lui, le lieutenant-colonel Justin Ngonga, commandant du 34ème bataillon d'infanterie motorisé de la même zone. Prié d’aller voir ailleurs, auprès du chef d'état-major de l’armée de terre. Au cours de ce sommet à Paris, le président Paul Biya s’est laissé aller à une déclaration de guerre officielle. Contre un ennemi encore mal identifié et imparfaitement localisé.
Il avait certainement surestimé la force de frappe de son armée
renforcée par la puissance de feu du Bir, sous-estimant au passage la
capacité de nuisance de la secte islamique. Boko Haram peut tenir tête à
l’armée la plus puissante d’Afrique de l’Ouest, la nigériane. La figure
de carrousel ne manque pas de paradoxes.
L’armée nigériane qui fournit l’essentiel des troupes d’intervention de
l’ecomog, pour des missions de maintien de la paix dans des pays
d’Afrique de l’Ouest, n’en mène pas large avec un ennemi intérieur.
Déclarations de guerre
Les dernières attaques de Boko Haram, qui n’hésite plus à s’en prendre à des personnalités de la république, ne laissent planer aucun doute sur la nouvelle orientation prise par le conflit. Quand on s’attaque à l’épouse d’Amadou Ali, longtemps inamovible secrétaire d’état à la Défense, un moment ministre de la Défense et secrétaire Général de la Président, aujourd’hui vice-Premier ministre, la guerre a bel et bien été déclarée.
Un militaire rencontré à Douala est plutôt mal remis de ses émotions depuis sa première rencontre avec des combattants du Boko Haram. « Les gars sont farouches et ont le visage de la terreur sans lacune. Quand ils vous surprennent sur leur chemin, avec leurs turbans, leur allure seulement vous inspire la mort. Si vous ne prenez pas vos jambes à votre cou, vous y passez, de la manière la plus violente qui soit. si vous prenez la fuite, vous serez mort de toute façon, mais on vous le fera à la manière douce parce que vous auriez été respectueux… mais dans un cas comme dans l’autre, vous êtes mort.» C’est un militaire qui parle. De quoi comprendre que des officiers supérieurs camerounais aient choisi de se mettre à l’abri dès les premières alertes. L’excuse d’un déséquilibre de la puissance de feu face à l’envahisseur est un peu facile. Seul pourrait être mis en cause, le caractère asymétrique du conflit avec, ’un côté, la secte islamiste qui peut se permettre des attaques surprise sur le territoire camerounais et se replier par suite au Nigeria.
Or les forces armées camerounaises ne peuvent se permettre de mener des actions ou des manœuvres sur le territoire nigérian. Quelques jours avant cette énième attaque de Boko Haram, les forces militaires camerounaises avaient pu repousser une première incursion de la secte dont la violence, apprend-on, aura été inouïe. La configuration du conflit aujourd’hui ne fait plus aucun doute. Le Cameroun doit faire face à un conflit armé dans le Nord de son territoire.
Qui est vraiment Boko Haram ?
On ne se penche pas sérieusement sur la question et, à force d’amalgame, le groupe terroriste qui n’a aucune cohérence idéologique ni une hiérarchie officielle connue, représente aujourd’hui à une véritable arlésienne. Depuis l’enlèvement de 200 jeunes lycéennes dans un etat du Nord du Nigeria en juin dernier, la police nigériane a arrêté quelque 480 hommes présentés comme des membres de la secte.
Ils ont été interpellés alors qu’ils voyageaient à travers le pays,
dans un cortège long de trente voitures, sans destination précise. Un
détail qui a éveillé le soupçon des flics nigérians. mais un tel coup de
filet, pour spectaculaire qu’il ait été, n’a toujours pas permis de
retrouver la trace des jeunes lycéennes enlevées.
et les hommes arrêtés n’arborent curieusement aucun signe distinctif.
ils sont quelconques et indifférenciés du reste de la population, ils
pourraient donc se mêler à elle sans éveiller le plus petit soupçon.
Amalgames et pistes brouillées
il est plutôt malaisé de déclarer la guerre à un ennemi qu’on n’a pas cerné. Les services secrets américains, relayés par le New York times, Boko Haram est à l’origine un mouvement pacifiste créé au milieu des années 90 et qui n’a commencé à recourir aux actes de violence qu’à la mort de leur leader, tué en détention au Nigeria. En représailles, la secte s’est attaquée à des hommes politiques et d’affaires du Nord du Nigeria, tous des musulmans.
Ce qui en rajoute à la compréhension de l’idéologie de la secte dont le nom proclame ouvertement le rejet des valeurs occidentales, et la conversion de force à l’islam. Les dernières attaques au Nord du Cameroun apportent bien la preuve que même les musulmans ne sont pas épargnés par la secte dite islamique.
D’autres informations révèlent des liaisons dangereuses entre Boko Haram et Al Qaeda. Mais il est aussi notoire que la secte a vu ses troupes se renforcer avec l’arrivée des mouvements terroristes qui ont toujours écumé le sud-Nigeria, notamment le mouvement pour l’émancipation du Delta du Niger. Dès cet instant, tout devient sujet à caution. et la revendication des attentats et autres enlèvements par des acteurs dont personne ne connaît le visage est discutable et rime davantage à embrouiller une situation déjà incernable. Récemment, un homme arborant des atours de musulman, est surpris en train de mettre le feu à une église. On découvrira plus tard qu’il s’agissait en fait d’un chrétien… convaincu.
Le jeu trouble de La France
Dès les premier actes terroristes signés Boko Haram, les Américains ont clairement pris position. Pour l’administration Obama, les Etats-Unis n’allaient pas se risquer à être indexés comme la puissance étrangère soutenant à un président nigérian issu du sud. Les Etats-Unis comptent aujourd’hui encore sur le Nigeria pour son approvisionnement en pétrole et en gaz.
En attendant la mise en exploitation des réserves de gaz de schistes et de pétrole de pétrole de roche mère qui feront des Etats-Unis une nation autosuffisante en matière de pétrole. Dans la lancée, des experts internationaux annoncent que les Etats-Unis pourraient devenir un gros exportateur de produits pétroliers dans quelques années.
Si les Etats-Unis ne se mêlent guère des questions de sécurité dans le Golfe de Guinée, ce n’est pas exactement le cas de la France, le géant économique, à la charnière de l’Afrique centrale et de l’Afrique de l’Ouest francophone, la zone géographique de délimitation de son pré-carré.
Après le sommet qui a réuni des chefs d’état africains autour de François Hollande, sanctionné par des déclarations de guerre, on attendait de la France une implication stratégique contre l’ennemi insidieux dont on ne peut pas venir à bout à force de frappes chirurgicales. Boko Haram n’a pas de base connue, la secte sait se protéger avec ses boucliers humains.
Plus difficile encore sera le dispositif de surveillance de la frontière entre le Nigeria et le Cameroun. Avec plus de 2 000 kilomètres, des maisons, des villages et des plantations qui la chevauchent, la tâche pourrait être ardue. Que dirait-on d’une escadrille de drones pour assurer la surveillance des zones de passage, ou d’un système de contrôle aérien par satellite ?
La France, qui a donné sa caution à cette croisade contre le terrorisme, devrait logiquement et utilement se mettre à frais et à contribution. Par en fournissant des drones pour les observations de surveillance de la frontière entre le Nigeria et le Cameroun. selon des sources secrètes, le Cameroun a déjà réceptionné une flottille de drones à l’aéroport international de Douala. Reste à présent à les déployer sur le terrain des opérations.