Tension de trésorerie: Camair-Co au bord de la faillite
YAOUNDE - 22 MARS 2012
© Victor NDOKI (Les Nouvelles du Pays) | Correspondance
La Camair-Co est en train de piquer du nez. Un an seulement après son «envol», la compagnie aérienne vole tout droit vers une cessation de paiement. Et ce n'est pas l'optimisme béat de son directeur général qui va lui éviter un atterrissage forcé.
© Victor NDOKI (Les Nouvelles du Pays) | Correspondance
La Camair-Co est en train de piquer du nez. Un an seulement après son «envol», la compagnie aérienne vole tout droit vers une cessation de paiement. Et ce n'est pas l'optimisme béat de son directeur général qui va lui éviter un atterrissage forcé.
La menace qui pèse aujourd'hui sur la
Camair-Co était prévisible. La compagnie qui fête son premier
anniversaire dans la douleur portait les germes de sa destruction dès sa
création. Née sous les cendres de la défunte Camair, la Camair-Co avait
toutes les tares de son prédécesseur: entreprise à capitaux publics
vache-à-lait; positionnement hasardeux dans un secteur en pleine crise,
bref Camair-Co s'est assise sur la chaise du mort.
Ce n'est pas l'avis de son directeur générale Néerlandais Alex Van Elk qui, au cours d'une conférence de presse tenue le 21 mars 2012 à Douala, a fait montre d'un optimisme à toute épreuve. A la presse, le directeur général de Camair-Co a expliqué que malgré les difficultés, tout est au mieux dans le meilleur des mondes possibles pour la compagnie aérienne nationale. Pour lui, ces difficultés sont dues essentiellement à l'image de la Camair qui a précédé Camair-Co partout. Comment comprendre que cette situation ait pris les dirigeants de la compagnie à revers ? Eux qui ont hérité de la Camair, jusqu'à son nom, sont étonnés de voir un loueur d'avion leur exiger un deposit de 2 ans pour le leasing. Quoi qu'il en soit, leur manque d'anticipation sur cette question, comme sur tant d'autres, a gravement grevé leur trésorerie, au point de les mettre en dépassement de leur plan d'investissement. A telle enseigne qu'après seulement un an de fonctionnement, ils ont déjà bénéficié du concours financier de l'Etat de l'ordre de 30 milliards FCFA, somme que la Camair Co devait normalement atteindre uniquement à la cinquième année, précisément 29.846.043.500 francs Cfa, soit la consommation du budget d'investissement de cinq ans en un ! Bien évidemment, parti sur une entorse de gestion de cette nature, il est difficile que les choses se présentent autrement.
Pourtant, une fois n'est pas coutume, de l'avis même du directeur général de Camair-Co, l'Etat se montre exemplaire dans la consommation des services de la compagnie, en payant cash et à l'avance, les prestations. Ce qui n'était pas le cas pour la défunte Camair. D'ailleurs, l'insolvabilité et l'abus d'autorité de l'Etat ont fait partie de ses cause-mort. Pour autant, Camair-Co se débrouille plutôt mal. Parmi ses tares congénitales, se trouve un business plan mal ficelé, dans la mesure où il laisse place à mille surprises. Il est quand même étonnant d'entendre un gestionnaire évoquer l'immobilisation du Dja comme facteur de contreperformance de l'entreprise comme si cela n'était pas prévisible. Tout comme il est intolérable d'évoquer aujourd'hui «la mauvaise image de la Camair» pour justifier les contreperformances de Camair-Co. Le directeur général de Camair-Co est très probablement un bon manager. Mais on a du mal à le suivre quand il vante par exemple l'effectif et la qualité d'effectif de son personnel, flattant au passage l'ego des Camerounais en leur indiquant que tout l'équipage est constitué de nationaux. Il oublie subtilement de dire que cet effectif est pléthorique comme l'était celui de la Camair: 405 permanents et 47 temporaires pour une compagnie qui exploite deux avions, c'est insensé ! Soit un ratio de 226 employés pour un avion ! Aucune compagnie fiable et viable ne peut afficher un ratio aussi vertigineux. Et tout le monde le sait. On ment les Camerounais ! Camair-Co ne sera jamais rentable. Jamais. A moins que...
Une machine à pomper le fric
Camair-Co est déjà devenue une machine à pomper le fric du contribuable camerounais. Après avoir avalé 18 milliards d'avance en 2011 (l'Etat devrait financer l'investissement de la compagnie à concurrence de 6 milliards par an pour atteindre 30 milliards en cinq ans), la Camair-Co a sollicité de nouveau l'Etat propriétaire par l'entremise de sa tutelle financière, le ministre des Finances. En effet, courant janvier 2012, Camair-Co sollicite le Minfi pour un appui financier de 9,6 milliards pour la couverture de ses besoins prioritaires que sont: le paiement des assurances des avions, la location des avions, l'achat du carburant pour les vols Douala-Paris, les charges de navigation locales et internationales, les charges locales et internationales de manutention dans les aéroports, les contrats de maintenance avec le groupe technique Lufthansa et les salaires des pilotes. Le ministre des Finances, qui, soit dit en passant, est un banquier, trouve la demande de financement injustifiée et demande des compléments d'informations comme le compte d'emploi des 30 milliards mis à la disposition de Camair-Co pour les exercices 2010 et 2011, le rapport d'activités de l'exercice 2011, 1e budget des exercices 2011 et 2012, le plan d'action 2012 et les états financiers 2010 et 2014.
A l'issue de la concertation et après analyse des documents fournis, le Minfi ne consent que d'un concours de 2 milliards. Trop peu pour cette entreprise qui reste largement en deçà de ses propres prévisions. De 37 milliards annoncés dans le business plan, l'entreprise n’a fait que 15 milliards de chiffres d'affaires en 2011, soit 41% seulement de ses prévisions, portant le déficit sur cette année de 6 à 18 milliards.
Malgré tout cela, les dirigeants de Camair-Co jurent la main sur le cœur que le ciel de la compagnie reste radieux. S'appuyant sur leur stratégie marketing. Lequel n'est franchement pas révolutionnaire. Faire des prix avantageux est-il vraiment une stratégie gagnante sur le long terme pour une compagnie en compétition avec les majors ? Ou alors, titiller la fibre patriotique est-il efficace pour attirer les clients dans un secteur où c'est avant tout la qualité du service et la sécurité des vols qui déterminent l'acte d'achat? Il faut en douter. Si Camair-Co ne révolutionne pas sa gestion et son positionnement, il est à craindre qu'elle suive son aïeule Camair. Au fond du gouffre.
Ce n'est pas l'avis de son directeur générale Néerlandais Alex Van Elk qui, au cours d'une conférence de presse tenue le 21 mars 2012 à Douala, a fait montre d'un optimisme à toute épreuve. A la presse, le directeur général de Camair-Co a expliqué que malgré les difficultés, tout est au mieux dans le meilleur des mondes possibles pour la compagnie aérienne nationale. Pour lui, ces difficultés sont dues essentiellement à l'image de la Camair qui a précédé Camair-Co partout. Comment comprendre que cette situation ait pris les dirigeants de la compagnie à revers ? Eux qui ont hérité de la Camair, jusqu'à son nom, sont étonnés de voir un loueur d'avion leur exiger un deposit de 2 ans pour le leasing. Quoi qu'il en soit, leur manque d'anticipation sur cette question, comme sur tant d'autres, a gravement grevé leur trésorerie, au point de les mettre en dépassement de leur plan d'investissement. A telle enseigne qu'après seulement un an de fonctionnement, ils ont déjà bénéficié du concours financier de l'Etat de l'ordre de 30 milliards FCFA, somme que la Camair Co devait normalement atteindre uniquement à la cinquième année, précisément 29.846.043.500 francs Cfa, soit la consommation du budget d'investissement de cinq ans en un ! Bien évidemment, parti sur une entorse de gestion de cette nature, il est difficile que les choses se présentent autrement.
Pourtant, une fois n'est pas coutume, de l'avis même du directeur général de Camair-Co, l'Etat se montre exemplaire dans la consommation des services de la compagnie, en payant cash et à l'avance, les prestations. Ce qui n'était pas le cas pour la défunte Camair. D'ailleurs, l'insolvabilité et l'abus d'autorité de l'Etat ont fait partie de ses cause-mort. Pour autant, Camair-Co se débrouille plutôt mal. Parmi ses tares congénitales, se trouve un business plan mal ficelé, dans la mesure où il laisse place à mille surprises. Il est quand même étonnant d'entendre un gestionnaire évoquer l'immobilisation du Dja comme facteur de contreperformance de l'entreprise comme si cela n'était pas prévisible. Tout comme il est intolérable d'évoquer aujourd'hui «la mauvaise image de la Camair» pour justifier les contreperformances de Camair-Co. Le directeur général de Camair-Co est très probablement un bon manager. Mais on a du mal à le suivre quand il vante par exemple l'effectif et la qualité d'effectif de son personnel, flattant au passage l'ego des Camerounais en leur indiquant que tout l'équipage est constitué de nationaux. Il oublie subtilement de dire que cet effectif est pléthorique comme l'était celui de la Camair: 405 permanents et 47 temporaires pour une compagnie qui exploite deux avions, c'est insensé ! Soit un ratio de 226 employés pour un avion ! Aucune compagnie fiable et viable ne peut afficher un ratio aussi vertigineux. Et tout le monde le sait. On ment les Camerounais ! Camair-Co ne sera jamais rentable. Jamais. A moins que...
Une machine à pomper le fric
Camair-Co est déjà devenue une machine à pomper le fric du contribuable camerounais. Après avoir avalé 18 milliards d'avance en 2011 (l'Etat devrait financer l'investissement de la compagnie à concurrence de 6 milliards par an pour atteindre 30 milliards en cinq ans), la Camair-Co a sollicité de nouveau l'Etat propriétaire par l'entremise de sa tutelle financière, le ministre des Finances. En effet, courant janvier 2012, Camair-Co sollicite le Minfi pour un appui financier de 9,6 milliards pour la couverture de ses besoins prioritaires que sont: le paiement des assurances des avions, la location des avions, l'achat du carburant pour les vols Douala-Paris, les charges de navigation locales et internationales, les charges locales et internationales de manutention dans les aéroports, les contrats de maintenance avec le groupe technique Lufthansa et les salaires des pilotes. Le ministre des Finances, qui, soit dit en passant, est un banquier, trouve la demande de financement injustifiée et demande des compléments d'informations comme le compte d'emploi des 30 milliards mis à la disposition de Camair-Co pour les exercices 2010 et 2011, le rapport d'activités de l'exercice 2011, 1e budget des exercices 2011 et 2012, le plan d'action 2012 et les états financiers 2010 et 2014.
A l'issue de la concertation et après analyse des documents fournis, le Minfi ne consent que d'un concours de 2 milliards. Trop peu pour cette entreprise qui reste largement en deçà de ses propres prévisions. De 37 milliards annoncés dans le business plan, l'entreprise n’a fait que 15 milliards de chiffres d'affaires en 2011, soit 41% seulement de ses prévisions, portant le déficit sur cette année de 6 à 18 milliards.
Malgré tout cela, les dirigeants de Camair-Co jurent la main sur le cœur que le ciel de la compagnie reste radieux. S'appuyant sur leur stratégie marketing. Lequel n'est franchement pas révolutionnaire. Faire des prix avantageux est-il vraiment une stratégie gagnante sur le long terme pour une compagnie en compétition avec les majors ? Ou alors, titiller la fibre patriotique est-il efficace pour attirer les clients dans un secteur où c'est avant tout la qualité du service et la sécurité des vols qui déterminent l'acte d'achat? Il faut en douter. Si Camair-Co ne révolutionne pas sa gestion et son positionnement, il est à craindre qu'elle suive son aïeule Camair. Au fond du gouffre.