SYRIE: Bachar sur les traces de Kadhafi
Pris dans la tourmente de la révolution syrienne, Bachar El Assad a une attitude et un discours qui rappellent à bien des égards Mouammar Al Kadhafi. L’usage immodéré de la violence pour se maintenir au pouvoir, quitte à rayer des villes de la carte, dont fait montre aujourd’hui le président syrien, était aussi la tasse de thé du « Guide » libyen. Chars, avions, tout ce qui était à portée du dictateur libyen devait être mis au service de la préservation de son pouvoir. Il a fallu la résolution de l’ONU et l’intervention des grandes puissances pour arrêter les rivières de sang promises par Kadhafi et son clan. Malgré tout, il y eut des milliers de morts dans la crise libyenne.
El Assad suit le même chemin. Il fait même pire que Kadhafi, en matière d’atrocités et de crimes de guerre. Avec la bénédiction de ses indéfectibles soutiens, El Assad est parvenu à faire couler ses rivières de sang. Il y a les actes, mais aussi les mots, qui semblent consubstantiels aux dictatures les plus féroces. Ainsi, quand le président syrien répond aux offres d’exil par un mépris, il rappelle trait pour trait Kadhafi. « Je suis Syrien, j’ai été fait en Syrie et je dois vivre et mourir en Syrie », a-t-il récemment déclaré. Kadhafi avait aussi tenu les mêmes propos, quand au plus fort de la crise, on lui proposait un exil doré : « Ils me demandent de quitter (la Libye, ndlr), c’est rigolo. Je ne quitterai pas la terre des mes ancêtres, ni le peuple qui s’est sacrifié pour moi". Voilà jusqu’où peut aller l’ego surdimensionné d’un pseudo- nationaliste.
On connaît cette fibre patriotique des Arabes,
mais ici, elle confine à la bêtise et à l’aveuglement. Evidemment, ce
discours guerrier ne fait que raviver la crise. Les rebelles savent
désormais à quoi s’en tenir. Non seulement leur président n’est pas
capable de dépassement de soi pour opérer les réformes démocratiques
demandées par le peuple, mais en plus il est prêt à s’accrocher au
pouvoir jusqu’à son dernier souffle. Le Conseil national syrien qui
vient de se doter d’un nouveau président est donc prévenu. Il y a là des
risques que la guerre civile s’enlise davantage, avec chaque jour son
lot de morts. Bachar El Assad a franchi depuis longtemps la ligne rouge
de l’intolérable. Aucun dictateur, dans les révoltes du printemps arabe,
n’a encore développé autant de capacité à tuer. Pour la postérité, nul
doute que le président syrien figurera en bonne place des dirigeants
arabes de la pire espèce. Malheureusement, obnubilé par le pouvoir et
l’orgueil, il continue d’écrire chaque jour cette histoire en lettres de
sang. Echappera-t-il au sort de Kadhafi, cet autre Néron arabe ? En
tout cas, il semble avoir scellé le sort de son pays et du sien propre.
Pour les rebelles, il n’ y a plus d’autre alternative que la guerre.
D’ailleurs, il y a eu trop de morts, de blessés et de déplacés, pour
qu’ils reculent désormais. Le point de non-retour a été largement
dépassé en Syrie et plus personne ne croit en un dénouement pacifique de
la crise. Le scénario libyen se répète de manière encore plus tragique.
Sauf qu’il n’ y a personne pour arrêter le bourreau. Dommage pour
l’humanité.