Suspension du Cameroun: Entre diplomatie au sommet, guerre de clans et sorties épistolaires
DOUALA - 19 JUIL. 2013
© Christian TCHAPMI | Le Messager
L’enjeu est de taille et il faut absolument négocier. La Fécafoot et ses factions, la Fifa, le Tas et l’Etat du Cameroun se livrent à un match des plus relevés. Retour sur les différents acteurs impliqués dans la course vers la levée de la suspension du Cameroun et les modes opératoires mis à contribution pour éviter que le sport-roi ne coule.
L’enjeu
est de taille et il faut absolument négocier. La Fécafoot et ses
factions, la Fifa, le Tas et l’Etat du Cameroun se livrent à un match
des plus relevés. Retour sur les différents acteurs impliqués dans la
course vers la levée de la suspension du Cameroun et les modes
opératoires mis à contribution pour éviter que le sport-roi ne coule.
Le célèbre prélat français Cardinal de Richelieu dit de l'autorité qu’elle contraint à l'obéissance, mais que la raison y persuade. Si seulement cette boutade pouvait servir de boussole à tous ceux qui sont engagés aujourd’hui dans la rude bataille pour la levée de la suspension qui pèse sur le Cameroun. En attendant la mise sur pied du Comité de normalisation prescrit par la Fifa comme condition sinequa non, il y a comme un cafouillage dans les différentes démarches entreprises pour la résolution de cette situation pour le moins embarrassante. Le sujet, le temps d’une quinzaine de jours est devenu éminemment diplomatique, mieux un dossier classé « extrêmement sensible » au point où les hauts responsables ont fini par chausser les crampons. La preuve, Paul Biya, s’étant lui-même mué en homme orchestre pour mettre un terme à cette interminable tirade, a dépêché depuis lundi dernier, une délégation à Zurich aux fins de rencontrer Sepp Blatter et tenter de trouver une éventuelle sortie de crise.
En effet, la délégation camerounaise qui a rencontré le patron de la Fifa hier jeudi 18 juillet était composée de René Emmanuel Sadi, ministre de l'Administration territoriale et de la décentralisation, de Adoum Garoua, ministre des Sports et de l'éducation physique et de Léonard Henri Bindzi, l'ambassadeur du Cameroun en Suisse. A en croire le communiqué final qui a sanctionné cette rencontre au sommet, les échanges ont porté sur le développement du football au Cameroun mais en priorité, sur l'actuelle suspension de la Fécafoot par la Fifa pour cause « d'ingérence gouvernementale ». Les représentants camerounais se sont donc engagés à « prendre les mesures nécessaires afin de se conformer aux exigences de la Fifa et de faire lever cette suspension ». Dans le but de limiter les dégâts et les conséquences désastreuses que cette suspension à effet immédiat pourrait entraîner, la Confédération africaine de football (Caf) a même accordé un sursis au Cameroun.
Correspondance musclée
Initialement prévue ce week-end au stade Roumde Adja de Garoua, la rencontre entre Coton sport et le club ivoirien du Séwé Sport San Pedro, comptant pour la première journée de la phase de poule de la Ligue des champions africain vient d’être reportée d’une semaine par la Caf. Sans doute, le temps de mettre sur pied le Comité de normalisation. D’ailleurs « la Fifa et la Caf sont en train d'identifier et de nommer les membres de la commission de normalisation, qui sera chargée de la révision des statuts de la Fécafoot et de l'organisation de l'élection de nouveaux membres du bureau d'ici le 31 mars 2014 », renseigne le communiqué de la Fifa. Si la machine diplomatique annonce des lendemains qui chantent, on peut tout de même s’interroger sur la densité des sorties épistolaires qui animent dans la foulée, les (nouveaux) rapports entre la Fifa, le Tribunal arbitral du sport (Tas) et les factions dissidentes de la Fécafoot.
Sept jours après la décision de suspension du Cameroun par la Fifa, en lieu et place du premier vice-président de la Fécafoot, John Begheni Ndeh, pour qui il a signé par ordre, Antoine Depadoue Essomba Eyenga adresse une correspondance musclée à Sepp Blatter au sujet des décisions du Comité d’urgence de l’instance faitière du football mondial, notamment au sujet de la suspension du Cameroun. Pour le vice-président de la Fécafoot, cette décision résulte à son avis, soit d’une mauvaise interprétation des faits de la cause, soit d’une tromperie de la part de ceux qui l’auraient saisi à cet effet et qui ont à dessein, tronqué lesdits faits. L’homme rappelle fort opportunément au président de la Fifa, que craignant le désordre et les rixes, l’ancien ministre des Transports a sollicité et obtenu la présence des forces de maintien de l’ordre au moment de son entrée à la Fécafoot, non pas pour son installation, mais pour la « sécurisation des personnes et des biens de la Fécafoot » et précise que cela ne saurait objectivement être interprété ni comme une occupation, ni comme une immixtion.
Comité exécutif
Réponse du berger à la bergère, dans un courrier signé de Jérôme Valcke, secrétaire général de la Fifa, et adressé à Essomba Eyenga, l’instance mondiale déclare que «M. Tombi à Roko reste le secrétaire général de la Fécafoot reconnu par la Fifa et les seules autorités représentant la Fécafoot seront celles du Comité de normalisation». Une courte victoire que Tombi savoure dans la sobriété. Lui qui n’a plus rejoint son bureau depuis le 28 juin dernier, quand il l’a quitté pour se rendre à une convocation au Secrétariat d’Etat à la défense (Sed). La faute à Begheni Ndeh qui l’a suspendu. Et Jérôme Valcke d’ajouter que les décisions du Comité d’urgence (de la Fifa) ont été prises en application des statuts de la Fifa et elles s’imposent à tous les intervenants. Elles doivent être confirmées par le Comité exécutif lors de sa prochaine réunion (octobre 2013). «Entre temps, elles s’appliquent et ne peuvent être modifiées que par une nouvelle décision du comité d’urgence qui a déjà stipulé les conditions pour une levée de la suspension» provisoire du Cameroun.
Ramant dans la mare des sorties épistolaires, la Fifa, dans une correspondance adressée au Tas le 17 juillet dernier, annonce l’imminence de la mise sur pied du Comité de normalisation. «Nous nous referons à la procédure susmentionnée et au délai du 18 juillet 2013 qui nous est imparti pour soumettre notre position sur la requête d'effet suspensif formée par la Fédération camerounaise de football. A cet égard, nous vous informons que la situation à l’origine de la présente procédure pourrait évoluer rapidement dans les prochains jours», écrivent Marco Villiger, le directeur des services juridiques, et Olivier Jaberg, le chef du département corporate légal de la Fifa. Cette correspondance, apprend-on, est une réponse de la « maison mère du football » au Tas, qui, après une requête de la Fécafoot, avait demandé des explications à la Fifa notamment en ce qui concerne l’ingérence invoquée par Valcke dans la lettre qui motivait la suspension. Le Tas avait alors donné jusqu'à hier jeudi 18 juillet jour à la Fifa pour répondre. Dans ce tohu-bohu institutionnel, y a-t-il des raisons d’espérer ? Just wait.
Christian TCHAPMI
© Christian TCHAPMI | Le Messager
L’enjeu est de taille et il faut absolument négocier. La Fécafoot et ses factions, la Fifa, le Tas et l’Etat du Cameroun se livrent à un match des plus relevés. Retour sur les différents acteurs impliqués dans la course vers la levée de la suspension du Cameroun et les modes opératoires mis à contribution pour éviter que le sport-roi ne coule.
Le célèbre prélat français Cardinal de Richelieu dit de l'autorité qu’elle contraint à l'obéissance, mais que la raison y persuade. Si seulement cette boutade pouvait servir de boussole à tous ceux qui sont engagés aujourd’hui dans la rude bataille pour la levée de la suspension qui pèse sur le Cameroun. En attendant la mise sur pied du Comité de normalisation prescrit par la Fifa comme condition sinequa non, il y a comme un cafouillage dans les différentes démarches entreprises pour la résolution de cette situation pour le moins embarrassante. Le sujet, le temps d’une quinzaine de jours est devenu éminemment diplomatique, mieux un dossier classé « extrêmement sensible » au point où les hauts responsables ont fini par chausser les crampons. La preuve, Paul Biya, s’étant lui-même mué en homme orchestre pour mettre un terme à cette interminable tirade, a dépêché depuis lundi dernier, une délégation à Zurich aux fins de rencontrer Sepp Blatter et tenter de trouver une éventuelle sortie de crise.
En effet, la délégation camerounaise qui a rencontré le patron de la Fifa hier jeudi 18 juillet était composée de René Emmanuel Sadi, ministre de l'Administration territoriale et de la décentralisation, de Adoum Garoua, ministre des Sports et de l'éducation physique et de Léonard Henri Bindzi, l'ambassadeur du Cameroun en Suisse. A en croire le communiqué final qui a sanctionné cette rencontre au sommet, les échanges ont porté sur le développement du football au Cameroun mais en priorité, sur l'actuelle suspension de la Fécafoot par la Fifa pour cause « d'ingérence gouvernementale ». Les représentants camerounais se sont donc engagés à « prendre les mesures nécessaires afin de se conformer aux exigences de la Fifa et de faire lever cette suspension ». Dans le but de limiter les dégâts et les conséquences désastreuses que cette suspension à effet immédiat pourrait entraîner, la Confédération africaine de football (Caf) a même accordé un sursis au Cameroun.
Correspondance musclée
Initialement prévue ce week-end au stade Roumde Adja de Garoua, la rencontre entre Coton sport et le club ivoirien du Séwé Sport San Pedro, comptant pour la première journée de la phase de poule de la Ligue des champions africain vient d’être reportée d’une semaine par la Caf. Sans doute, le temps de mettre sur pied le Comité de normalisation. D’ailleurs « la Fifa et la Caf sont en train d'identifier et de nommer les membres de la commission de normalisation, qui sera chargée de la révision des statuts de la Fécafoot et de l'organisation de l'élection de nouveaux membres du bureau d'ici le 31 mars 2014 », renseigne le communiqué de la Fifa. Si la machine diplomatique annonce des lendemains qui chantent, on peut tout de même s’interroger sur la densité des sorties épistolaires qui animent dans la foulée, les (nouveaux) rapports entre la Fifa, le Tribunal arbitral du sport (Tas) et les factions dissidentes de la Fécafoot.
Sept jours après la décision de suspension du Cameroun par la Fifa, en lieu et place du premier vice-président de la Fécafoot, John Begheni Ndeh, pour qui il a signé par ordre, Antoine Depadoue Essomba Eyenga adresse une correspondance musclée à Sepp Blatter au sujet des décisions du Comité d’urgence de l’instance faitière du football mondial, notamment au sujet de la suspension du Cameroun. Pour le vice-président de la Fécafoot, cette décision résulte à son avis, soit d’une mauvaise interprétation des faits de la cause, soit d’une tromperie de la part de ceux qui l’auraient saisi à cet effet et qui ont à dessein, tronqué lesdits faits. L’homme rappelle fort opportunément au président de la Fifa, que craignant le désordre et les rixes, l’ancien ministre des Transports a sollicité et obtenu la présence des forces de maintien de l’ordre au moment de son entrée à la Fécafoot, non pas pour son installation, mais pour la « sécurisation des personnes et des biens de la Fécafoot » et précise que cela ne saurait objectivement être interprété ni comme une occupation, ni comme une immixtion.
Comité exécutif
Réponse du berger à la bergère, dans un courrier signé de Jérôme Valcke, secrétaire général de la Fifa, et adressé à Essomba Eyenga, l’instance mondiale déclare que «M. Tombi à Roko reste le secrétaire général de la Fécafoot reconnu par la Fifa et les seules autorités représentant la Fécafoot seront celles du Comité de normalisation». Une courte victoire que Tombi savoure dans la sobriété. Lui qui n’a plus rejoint son bureau depuis le 28 juin dernier, quand il l’a quitté pour se rendre à une convocation au Secrétariat d’Etat à la défense (Sed). La faute à Begheni Ndeh qui l’a suspendu. Et Jérôme Valcke d’ajouter que les décisions du Comité d’urgence (de la Fifa) ont été prises en application des statuts de la Fifa et elles s’imposent à tous les intervenants. Elles doivent être confirmées par le Comité exécutif lors de sa prochaine réunion (octobre 2013). «Entre temps, elles s’appliquent et ne peuvent être modifiées que par une nouvelle décision du comité d’urgence qui a déjà stipulé les conditions pour une levée de la suspension» provisoire du Cameroun.
Ramant dans la mare des sorties épistolaires, la Fifa, dans une correspondance adressée au Tas le 17 juillet dernier, annonce l’imminence de la mise sur pied du Comité de normalisation. «Nous nous referons à la procédure susmentionnée et au délai du 18 juillet 2013 qui nous est imparti pour soumettre notre position sur la requête d'effet suspensif formée par la Fédération camerounaise de football. A cet égard, nous vous informons que la situation à l’origine de la présente procédure pourrait évoluer rapidement dans les prochains jours», écrivent Marco Villiger, le directeur des services juridiques, et Olivier Jaberg, le chef du département corporate légal de la Fifa. Cette correspondance, apprend-on, est une réponse de la « maison mère du football » au Tas, qui, après une requête de la Fécafoot, avait demandé des explications à la Fifa notamment en ce qui concerne l’ingérence invoquée par Valcke dans la lettre qui motivait la suspension. Le Tas avait alors donné jusqu'à hier jeudi 18 juillet jour à la Fifa pour répondre. Dans ce tohu-bohu institutionnel, y a-t-il des raisons d’espérer ? Just wait.
Christian TCHAPMI