LE PROLONGEMENT du séjour de Paul Biya en Europe a cessé d’alimenter les supputations après que certains confrères ont repris son calendrier officieux. Du coup, ses collaborateurs qui étaient dans l’expectative savent bénéficier de quelque sursis circonstanciel, même si à l’analyse celui-ci sera de très courte durée, Biya étant sensé revenir au pays en milieu de semaine prochaine.
Et quand bien même bon nombre desdits collaborateurs tiennent désormais des rôles de faire-valoir, il leur est loisible de mettre à profit ce sursis pour mieux se préparer au pire, entendu comme leur éviction du gouvernement assortie de poursuites judiciaires pour certains. Et même si nous n’y sommes pas encore, la situation au sein du sérail est suffisamment révélatrice de la fébrilité des membres de celui-ci. Membres qui, tenant à garder saufs leurs privilèges indus, ne lésinent guère sur les moyens pour activer divers lobbies avec en toile de fonds, une intercession auprès du Prince en leur faveur.
Mais sera-ce suffisant pour taire les nombreuses récriminations à l’encontre de ces collaborateurs désormais honnis par l’opinion en raison des nombreuses frasques qui leur sont imputables ? Difficile de répondre à la question au su du caractère essentiellement ambivalent du Prince qui n’épouse généralement jamais les attentes légitimes de ses administrés et n’en fait littéralement qu’à sa tête même si parfois, il s’agit de le faire à tête chercheuse.
N’empêche que ses collaborateurs savent qu’ils sont désormais tous passibles d’éviction mais aussi et surtout de poursuites judiciaires pour divers motifs et singulièrement pour détournements de deniers publics. Ce d’autant plus que les critères commandant la qualification des détournements de deniers publics n’obéissent à aucune logique, mais plutôt au seul bon vouloir du Prince, est-on en droit de croire.
Sinon, comment comprendre que pour certains il s’agisse de fautes de gestion non assorties de poursuites et pour d’autres des fautes similaires épousent plutôt les critères de qualification pour être épinglés par l’Opération Epervier ? Si ce n’est là la preuve patente de la subjectivité de ladite opération, alors les sursis circonstanciels des uns s’expliquent amplement, quitte à susciter parfois des frustrations légitimes de ceux qui n’en peuvent bénéficier.
Toutefois, l’imminence d’un remaniement ministériel ne fait plus l’ombre d’un doute et en rajoute très certainement à ces sursis circonstanciels qui n’oeuvrent pas toujours pour l’avènement de la justice sociale, entendue comme socle de saine émulation elle-même articulée sur la quête permanente de l’excellence assise sur la rectitude morale des collaborateurs du Prince, dans le cas spécifique du gouvernement. Dès lors, on comprend aisément pourquoi lesdits sursis ne semblent que concerner ceux qui voudraient s’arc-bouter à leurs strapontins, quitte pour ce faire à enliser le pays dans la médiocrité en son assertion première.
Or, les enjeux qui interpellent plus que jamais le gouvernement ne sauraient lui concéder le moindre sursis mais plutôt des projections avant-gardistes pour impulser l’indispensable dynamique qu’ils requièrent. Et parlant de dynamique, on ne saurait l’envisager dans un environnement plutôt enclin à la fonctionnarisation des collaborateurs du chef de l’Etat, même si ce dernier semble privilégier quelque loyalisme au détriment de l’expertise avérée de ceux commis pour implémenter sa vision. En somme, le déphasage qui en découle ne peut qu’être préjudiciable à plus d’un titre car, on essaye maladroitement de concilier des options à l’essence dichotomiques, en faisant plutôt prévaloir de basses considérations.
Certes, les mobiles avancés peuvent paraître pertinents à l’instar de celui relatif au nécessaire équilibre sociopolitique. Mais devrait-on perpétuer le règne de la médiocrité en sacrifiant à l’occasion à l’autel de la contreperformance qui s’en suit, l’impératif de s’arrimer à la culture de l’excellence à tous points de vue ? La question, Paul Biya devra se la poser au moment d’élaborer la prochaine équipe gouvernementale qui ne devrait plus recourir à quelque sursis pour se déployer sur le terrain de la pleine réalisation des objectifs qu’elle s’est assignés : bâtir les conditions du plein épanouissement du plus grand nombre de la population camerounaise. Si cela était, alors point besoin de nouveaux sursis et le cap sera ainsi résolument mis sur l’émergence qui induit expertise, initiative et projection permanentes.