Le chef de l’Etat est en train de préparer sa sortie et va désigner son successeur sur la base de critères plus ou moins objectifs.
Etre membre du bureau politique du Rdpc
Ahmadou Ahidjo, le premier président du Cameroun-indépendant qui prépare sa succession depuis quelque temps jette son dévolu sur Paul Biya au lieu de Victor Ayissi Mvodo ou Samuel Eboua le préféré de Germaine Ahidjo pour certaines raisons. Biya est calme, pondéré, effacé. C’est surtout ce dernier critère qui va peser sur le choix d’Ahidjo : Paul Biya n’est pas homme à lui faire de l’ombre, à lui Ahidjo, même après son départ de la présidence de la République.
Mais il y a un hic : Paul Biya n’est pas membre du bureau politique de l’Union nationale camerounaise (Unc), le parti unique que le « père de la nation », Ahmadou Ahidjo a mis en place. L’erreur ou l’oubli sera très vite réparé. Ahidjo convoque très rapidement une réunion du bureau politique de l’Unc dont son successeur constitutionnel Paul Biya devient membre.
S’agissant de sa succession, Paul Biya s’inspire de la démarche de son prédécesseur Ahmadou Ahidjo. Au terme des travaux du 3ème Congrès ordinaire du Rdpc au pouvoir qui se sont tenus du 15 au 16 septembre 2011, il y a eu renouvellement du bureau politique et du Comité central de ce parti. Et c’est parmi les membres du bureau politique que pourrait venir, sortir le successeur de Paul Biya.
Dans la liste des 20 membres élus, la région de l’Extrême Nord se taille la part du lion avec 3 membres, 8 régions ont chacun deux membres sauf l’Adamaoua qui n’en a qu’un seul en la personne du milliardaire, l’homme d’affaires Mohamadou Abbo Ousmanou. Erreur vite réparée avec l’apparition de Théophile Baoro sur la liste des trois membres désignés dans laquelle la région du Centre a deux membres, René Emmanuel Sadi et Rose Zang Nguele. En définitive, le Centre se place en tête pour le nombre de membres du bureau politique avec quatre personnes devançant ainsi l’Extrême Nord.
Est-ce donc parmi les membres du bureau politique du Rdpc que viendra le successeur de Paul Biya ? C’est possible car dans la plupart des pays du monde, (Chine, Russie, Inde, Angola, etc), ce sont les membres du bureau politique qui aspirent à la succession du président ou du Premier ministre en place.
On peut prendre le cas de la République populaire d’Angola dont le vice-president Manuel Vicente va succéder au président Jose Eduardo Dos Santos au pouvoir depuis 1979 à la mort du Dr. Agostinho Neto. Le nouveau vice-président de l’Angola est entré au bureau politique en 2009. Paul Biya n’a pas fait entrer par hasard des personnalités comme René Emmanuel Sadi au bureau politique.
C’est l’un de ses dauphins. Le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation a été oublié dans la liste des 20 membres élus et Paul Biya s’est rattrapé en le mettant dans la liste des membres désignés. Cela veut dire que Paul Biya a son idée derrière la tête s’agissant de René Emmanuel Sadi. Toutefois, nous sommes en politique, un domaine très mouvant, où les choses bougent très vite.
Et Paul Biya peut changer sa liste en y introduisant d’autres noms, des personnes susceptibles de le remplacer à la veille de son départ du pouvoir en convoquant une réunion extraordinaire du Rdpc. Philemon Yang, Premier ministre, Laurent Esso, ministre de la Justice pourraient entrer.
Etre un homme discret
Paul Biya a une hantise : ne pas être poursuivi par la justice pendant sa retraite dans son village natal Mvomeka’a pour détournements des deniers publics, abus de pouvoir, violation des droits de l’homme, etc. Pour cela, le successeur de Paul Biya devrait être un homme faible de caractère, facilement manipulable. Paul Biya ne veut pas passer sa retraite à l’étranger dans un pays européen comme par exemple la Suisse ou la France oú il aura maille à partir avec la justice internationale pour tous les motifs que nous venons de citer plus haut.
Le seul lieu, endroit sûr pour lui, c’est donc son village natal même s’il a le droit et la possibilité de s’installer partout où il veut sur l’ensemble du territoire national. Le chef de l’Etat connaît très bien ceux qui l’entourent. Laisser quelqu’un comme Marafa Hamidou Yaya, l’ancien Secrétaire général de la présidence de la République, ancien ministre d’Etat en charge de l’Administration territoriale et de la Décentralisation est un grand danger. Marafa est une forte personnalité, ce n’est pas un béni oui-oui qui, arrivé au sommet de l’Etat, n’est pas facile à manipuler.
Le Peulh qu’il est, est habitué à donner des ordres, des instructions et non à recevoir, surtout d’un « has been » que serait alors Paul Biya. Rien n’indique qu’un homme comme Marafa laisserait ou ficherait la paix à Paul Biya surtout qu’on ne doit pas oublier qu’il vient du Nord, Ahidjo qui est allé mourir à l’étranger, au Sénégal parce qu’il avait eu des problèmes avec son successeur Paul Biya. Sous la pression du Grand Nord, ne serait-il pas, tenté d’en finir avec Biya ?
C’est pour cela que Paul Biya sera très prudent, très réservé dans le choix de son remplaçant à la tête du pays. Le chef de l’Etat pourrait dormir tranquillement à Mvomeka’a et partout dans le pays s’il place un successeur à sa dévotion, mais seulement connaît-il à fond la nature humaine ? Qu’a-t-il fait lui-même à Ahmadou Ahidjo qui le prenait pour un fils docile, capable d’avaler toutes sortes de couleuvres sans broncher ?
Les autres critères
Ne jamais afficher son ambition présidentielle
Voilà ce qui a conduit à la trappe, qui a tué bon nombre de dauphins tels Titus Edzoa, Marafa Hamidou Yaya et bien d’autres. Paul Biya considère les ambitions présidentielles de ses proches et lointains collaborateurs comme un parricide, une très haute trahison. Ceux qui ont compris cela comme Edouard Akame Mfoumou, l’ancien argentier du Cameroun ont fait dos rond en attendant que l’orage passe tout en restant très actif dans les activités du parti. Paul Biya surveille de très près ceux de ses enfants qui ont une ambition dévorante, ceux qui veulent s’emparer de son fauteuil du palais d’Etoudi. Et il utilise plusieurs subterfuges, telle l’opération Epervier pour les écarter de sa succession.
Etre hypocrite comme lui-même
Le chef de l’Etat aime les fourbes et les hypocrites comme lui. Ahmadou Ahidjo l’avait très bien peint ainsi quand les deux hommes avaient commencé à avoir des démêlés. Mais il était trop tard. En effet, pendant tout le temps qu’il avait passé aux côtés d’Ahidjo, Paul Biya jouait au naïf, au doux, au simple d’esprit, au serviteur loyal.
Ahidjo n’avait jamais pensé que son fils Biya se retournerait un jour contre lui. C’est que Paul Biya faisait semblant de dormir mais du sommeil du chien comme on dit chez nous les Bantou en tenant par mesure de prudence un œil ouvert. Ceux qui gravitent autour de Biya et qui l’ont compris jouent parfaitement le jeu. Ils font semblant de ne pas s’intéresser au pouvoir du père mais pourtant ils y pensent intensément, jour et nuit. Certains souhaitent même sa disparition soudaine comme l’a montré la fausse nouvelle sur sa mort il y a quelques années.
Etre sexagénaire ou septuagénaire
Paul Biya tiendra compte de l’âge de son successeur au moment de quitter le pouvoir. Et tout semble indiquer en jetant un coup d’œil sur la liste du bureau politique du Rdpc que l’heureux successeur pourrait sortir difficilement de personnes âgées de moins de 60 ans. Il pourrait exceptionnellement choisir quelqu’un de moins de 50 ans comme lui quand il avait pris le pouvoir en 1982 à l’âge de 49 ans. Les jeunes ont des idées bizarres qui peuvent leur monter à la tête à tout moment selon Paul Biya. Il vaut donc mieux pour lui de choisir pour successeur quelqu’un de mûr qui aurait tendance à oublier Paul Biya dans sa retraite.
Un chrétien plutôt qu’un musulman
Le facteur religieux n’est pas à négliger quand le temps arrivera pour Biya de choisir son successeur et tout semble indiquer que même si son successeur vient du Grand Nord, il ne serait pas musulman, ceci pour éviter de réveiller certaines vieilles rancunes relatives au putsch manqué du 6 avril 1984 au cours duquel la plupart des victimes de la garde républicaine (Gr) étaient des musulmans du Grand Nord et de la région de l’Est.
Ne pas être Peulh
Tout comme pour la religion, il sera difficile pour Paul Biya de choisir un Peulh comme successeur. Le chef de l’Etat est prêt à prendre un Toupouri comme Luc Ayang qui est originaire du Grand Nord, plus précisément de la région de l’Extrême Nord pour lui succéder plutôt qu’un Peulh connaissant leur tempérament revanchard et leur goût immodéré pour le pouvoir total, absolu.
En effet, un peulh succédant à Paul Biya ne peut pas accepter que ce dernier continue à lui donner des ordres alors qu’il est déjà parti du pouvoir. Le pouvoir ne se partage pas chez le peulh tout comme chez Paul Biya même comme il délègue certaines de ses prérogatives comme le pouvoir de signature à certains de ses collaborateurs tels le Premier ministre, chef du gouvernement Philémon Yang et le Secrétaire général de la présidence de a République, Ferdinand Ngoh Ngoh.
Etre francophone
Tout semble indiquer clairement que Paul Biya va mettre un francophone à sa place. Mais sait-on jamais, il peut arriver que comme un Béti ne peut pas lui succéder et qu’il ne veut pas avoir pour successeur un originaire du Grand Nord, il pourrait mettre d’accord les régions du Sud, du Centre et de l’Est et le Grand Nord en choisissant quelqu’un venant des régions anglophones du Nord Ouest et du Sud Ouest. Ce ne serait pas une mauvaise décision face à l’antagonisme Grand Nord/Grand Centre-Sud. Cela réjouirait les pays anglophones comme les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Nigeria voisin.
Avoir fait des études supérieures
On ne voit pas comment Paul Biya va choisir un analphabète pour lui succéder, même si n’avoir pas fait des études supérieures n’est pas synonyme d’incompétence. Quelqu’un qui a fait des études secondaires peut très bien diriger un pays mieux que celui qui a fait des études supérieures. On le voit très bien dans les affaires. Dans le domaine politique même, ils sont très peu nombreux dans le Rdpc qui peuvent rivaliser d’avec François Foning, qu’on appelle familièrement la mère, elle qui est maire de la commune d’arrondissement de Douala V et l’une des deux femmes à être présidente de section Rdpc avec Mme Onobiono dans la section de Bokito, département du Mbam et Inoubou et députée. François Foning qui a passé tout juste quelques années à l’école primaire est un animal politique excellent dans son domaine.
Ne pas être un détourneur des deniers publics
Ce critère sera très difficile à appliquer puisque la plupart des hommes et des femmes politiques sont mouillés par différentes affaires de corruption, détournements et autres. Il sera donc très difficile pour Paul Biya de trouver l’oiseau rare, le Monsieur propre. Ministres du Rdpc, directeurs généraux de sociétés d’Etat membres du Rdpc, hauts fonctionnaires membres du Rdpc, presque tous traînent des casseroles. Au total, il y a d’autres critères tels que : grande ou petite ethnie qui pourraient entrer en compte mais le plus grand critère sur lequel Paul Biya va s’appuyer serait celui d’un successeur faible, manipulable, peu enclin à déclencher des poursuites judiciaires contre l’actuel locataire du palais d’Etoudi quand il se retirera des affaires.
Membres élus du bureau politique
Membres élus : 20
1-Cavayé Yéguié Djibril (Extrême Nord)
2-Emmanuel Bonde (Est)
3-Luc Ayang (Extrême Nord)
4-Gilbert Tsimi Evouna (Centre)
5-Fon Anang Francis (Nord Ouest)
6-Jean Bernard Ndongo Essomba (Centre)
7-John Ebong Ngolle (Sud Ouest)
8-Regina Mundi (Nord Ouest)
9-Delphine Medjo (Sud)
10-Peter Mafany Musonge (Sud Ouest)
11-Sali Daïrou (Extrême Nord)
12-Marafa Hamidou Yaya (Nord)
13-Geneviève Tjoues (Littoral)
14-Jean Kuete (Ouest
15-Mohamadou Abbo Ousmanou (Adamaoua)
16-Thomas Tobbo Eyoum (Littoral)
17-Ibrahim Mbombo Njoya (Ouest)
18-Jacques Fame Ndongo (Sud)
19-Janvier Mongui Sossomba (Est)
20-Lamido Aboubakary Abdoulaye (Nord)
Membres désignés : 3
2-Théophile Baoro (Adamaoua)
3-Rose Zang Nguele (Centre)