Succession – Magistrature suprême: Ce que Paul Biya pense de ses frères Boulou
DOUALA - 24 JUILLET 2012
© Michel Michaut Moussala | Aurore Plus
Le chef de l’Etat a largement contribué à la promotion sociale de ses frères de la région du Sud, mais ceux-ci l’ont déçu par leur comportement de grands prédateurs des ressources du pays. Paul Biya n’aura pas pitié d’eux.
© Michel Michaut Moussala | Aurore Plus
Le chef de l’Etat a largement contribué à la promotion sociale de ses frères de la région du Sud, mais ceux-ci l’ont déçu par leur comportement de grands prédateurs des ressources du pays. Paul Biya n’aura pas pitié d’eux.
I.- Une demande pressante (colonene) Quand Paul Biya prend le pouvoir le 6 novembre 1982, c’est la liesse totale en pays bulu dans la région du Sud du pays dont il est originaire. Son ethnie, les Bulu (en réalité c’est un Yezum de par son géniteur qui était originaire du département de la Haute Sanaga, région du Centre et Etoudi de par sa mère) vont s’en donner à cœur joie en disant que leur temps était arrivé. Les autres ethnies de la région du Sud que sont les Fon, les Ewondo, les Ngoumba, les Fang, les Ntumu, les Mvae, les Mabea, les Batanga, les Bassa, les Bakoko vont suivre le mouvement selon leur proximité avec les Bulu. Une fois installé, Paul Biya va recevoir les Bulu qui lui demandent beaucoup de choses tout en marquant leur préférence pour la promotion sociale des fils et filles bulu à travers les nominations dans la haute administration publique, le commandement (gouverneur, préfet, sous-préfet), l’armée, les directeurs généraux des sociétés d’Etat, l’octroi des bourses étrangères aux étudiants, sans oublier le fait que certains voulaient devenir hommes d’affaires d’envergure pour rivaliser avec les Bamiléké et les originaires du Grand Nord. Paul Biya comprend le message cinq sur cinq et passe à l’action assez rapidement. II.- Favoritisme et constat amer Au niveau des forces de défense, Paul Biya a favorisé les siens. C’est ainsi qu’aujourd’hui les Bulu ont un nombre élevé d’officiers supérieurs du grade de chef de bataillon, de lieutenant colonels et de colonels qu’on retrouve surtout au niveau de la Garde-présidentielle. Ces jeunes colonels dont certains ont à peine 45 ans et qui veulent devenir généraux sans remplir les conditions requises, suivant ainsi la voie d’un de leur aîné, le général de division Benoît Asso Emane. Ce dernier qui est Bulu de Djoum, département du Dja et Lobo comme le chef de l’Etat était colonel dans les années 1980. Paul Biya se rend compte que le seul général de la région du Sud, Pierre Semengue du département de l’Océan n’est pas Bulu mais Ewondo, un Ngoué (en réalité le général Semengue est originaire du département de la Mefou et Afamba qui a pour chef-lieu Mfou). Mais comme il faut à tout prix un général Bulu, Paul Biya va élever le sémillant colonel Asso Emane né en 1939 au rang de général de brigade contre l’avis de sa hiérarchie parce qu’il ne remplissait pas les conditions nécessaires. Paul Biya essaye ses frères Bulu aux affaires, mais ça ne mord pas, la greffe ne prend pas. L’argent facile que les Bulu reçoivent sert plutôt à autre chose : construction de villas cossues, achat de voitures de luxe, conquêtes féminines, voyages réguliers à l’étranger et autres dépenses de prestige qui au lieu de les enrichir vont plutôt les appauvrir. Sa volonté de faire de ses frères bulu des hommes d’affaires d’envergure commence à s’émousser. Paul Biya est amer quand il constate que au moins 95% des immeubles de Yaoundé appartiennent aux bamiléké. A cette époque il n’y a que Théodore Bella, un Eton du département de la Lékié, région du Centre qui a un immeuble digne de ce nom à Yaoundé. C’est l’immeuble T. Bella, situé face à l’immeuble Camnews de la Sopecam et de la Société immobilière du Cameroun (Sic). D’immeubles appartenant à un Bulu, on n’en voit point. Dépassé, Paul Biya ne comprend pas comment les originaires du Nord qui avaient obtenu des facilités bancaires et autres du temps d’Ahmadou Ahidjo avaient réussi à devenir de véritables hommes d’affaires et que ses frères bulu n’aient pas fait comme eux. Ceci expliquant cela, on peut aisément comprendre pourquoi Paul Biya va créer plus tard la Société camerounaise de recouvrement (Scr) pour récupérer ce que les originaires du Grand Nord et les Bamiléké essentiellement avaient indûment pris dans les caisses de l’Etat via les banques d’Etat, la douane, etc. L’actuel directeur général du Port autonome de Douala (Pad) Emmanuel Etoundi Oyono, a été directeur général de cet organisme dont Françoise Foning, maire Rdpc de Douala Ve est débitrice. N’a-t-elle pas reconnu un jour au cours d’une émission à la Crtv télé il y a longtemps qu’elle devait beaucoup d’argent aux banques, aux impôts et à la banque avec la franchise qu’on lui connaît parfois. Devant cet échec, Paul Biya va changer de fusil d’épaule et passer à la nomination de ses frères bulu et des Béti au commandement. C’est ainsi qu’on verra au début de son long règne de 30 ans, les Bulu, les Ewondo et les Eton représenter parfois plus de la moitié des préfets du Cameroun. Chez les sous-préfets c’était la même chose. Ce qui ne manqua pas d’être dénoncé par les milieux bamiléké et du Grand Nord qui crièrent au tribalisme. Paul Biya ne s’arrêta pas là. Il donna à ses frères bulu la direction générale des grandes sociétés d’Etat. Cela continue à ce jour. Il n’y a qu’à regarder les noms de ceux qui dirigent ces sociétés. Mais curieusement, au niveau du gouvernement, les Bulu ne sont pas très bien représentés. La région du Sud compte six ministres dans l’actuel gouvernement dont trois Bulu : - Jacques Fame Ndongo, ministre de l’Enseignement supérieur, encore que si l’on voit au fond le docteur d’Etat es lettres à 34 ans, spécialiste de la sémiologie et journaliste principal hors échelle est biologiquement bassa comme nombre de Bulu ; - Jean-Pierre Biyiti bi Essam, ministre des Postes et télécommunications ; - Louis Paul Motaze, secrétaire général des services du Premier ministre. Les trois autres ministres du Sud sont Fong comme: - Martin Belinga Eboutou, directeur du Cabinet civil de la présidence de la République ; - Edgard Alain Mebe Ngo’o, ministre de la Défense ou Fang comme ; - Jules Doret Ndongo, ministre délégué auprès du ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation chargé des collectivités territoriales décentralisées. Si certains Bulu lisés font du bon travail à leur poste, le constat est que beaucoup ont passé ou passent leur temps à détourner les deniers publics et sont de grands adeptes de la corruption et se font remarquer par un très mauvais comportement à leurs lieux de service s’appuyant sur le fait qu’ils sont couverts par le chef de l’Etat qui est Bulu comme eux, ce qui n’est toujours pas vrai. En réalité, Paul Biya n’a jamais dit à ses frères bulu de faire le désordre, de ne pas obéir à la hiérarchie, de voler l’argent de l’Etat pour financier le Rdpc parti au pouvoir dont il est le président national. Paul Biya ayant constaté toutes les dérives de ses frères avait lancé un avertissement dont les Bulu n’ont pas tenu compte. III.- Un avertissement clair et net Quand les Bulu le rencontrent pour lui demander de les nommer à des postes clés, Paul Biya accepte et applique pour leur faire plaisir mais leur lance un appel clair et net au lendemain du putsch manqué du 6 avril 1984 : il ne fera pas de concession aux détourneurs des deniers publics même s’ils sont Bulu. Ces derniers ont cru que c’était une blague qu’il lançait alors que c’était la pure vérité comme c’est le cas aujourd’hui. Une personnalité qui a longtemps côtoyé le chef de l’Etat raconte que Paul Biya avait répondu à ses frères en leur disant en substance qu’il était d’accord pour leur donner les postes qu’ils veulent mais qu’ils travaillent bien, et qu’ils ne va pas tolérer ce qu’ils feront en mal ou empêcher la justice de faire son travail sous le prétexte que tel ou tel est Bulu. Les Bulu se rendent compte aujourd’hui que Paul Biya est un homme dangereux, fort, alors qu’il donne l’impression d’être faible. C’est aujourd’hui qu’ils découvrent la véritable personnalité de l’homme Biya. L’opération Epervier vient leur rappeler qu’ils se sont trompés lourdement sur son compte quand ils ont vu Pierre Désiré Engo, ancien ministre, ancien directeur général de la caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps), ancien membre du bureau politique du Rdpc aller en prison, tout comme Gilles-Roger Belinga, ancien directeur général de la Sic, tous deux étant des Bulu bon teint. Et tout montre, prouve que les jours à venir vont être très douloureux pour les Bulu dans le cadre de l’opération Epervier, de la Commission nationale anticorruption (Conac), du Contrôle supérieur de l’Etat. Car il n’est pas exclu que dans les mois, semaines et jours à venir que Jean-Louis Beh Mengue, directeur général de l’Agence de régulation des télécommunications, David Nkoto Emane, directeur général de Camtel, Mekulu Mvondo, directeur général de la Cnps et bien d’autres soient pris dans les serres de l’opération Epervier. IV- Les Fong: des hommes de confiance Ayant compris très tôt que les Bulu ne pouvaient pas faire l’affaire, Paul Biya s’était vu dans l’obligation d’associer les autres groupes ethniques du Sud à la gestion du pays. C’est pour cela qu’on l’a vu fonctionner à merveille, en parfaite harmonie avec René Owona, agroéconomiste, Ewondo du Sud et Léopold Ferdinand Oyono, Fon tantôt classé comme Bene. Les deux hommes, disparus, étaient deux confidents du chef de l’Etat. Même si le chef de l’Etat fait confiance aux Ewondo, Fang bien représentés dans l’appareil d’Etat et au niveau des sociétés publiques, les grands gagnants restent les Fon, surtout de l’arrondissement de Zoétélé, département du Dja et Lobo. Dans le gouvernement, les Fon sont deux comme nous l’avons signalé plus haut. Et dans d’autres structures il y a grosso-modo : - Jean-Jacques Ndoudoumou, directeur général de l’Agence de régulation des marchés publics, (Armp) - Zang Zang, inspecteur d’Etat, directeur général de Cameroon Publi-Expansion, l’évêque retraité Jerôme Owono Mimboé qui est Fon comme lui était à son installation à Douala il y a quelques années ; - Calvin Zang Oyono, directeur général adjoint de Cotco (Pipeline Tchad-Cameroun), ancien directeur des impôts ; - Emmanuel Ze Meka, directeur exécutif de l’organisation internationale des bois tropicaux (Oibt). On peut citer d’autres Fon qui ont occupé de hautes fonctions tels : - Polycarpe Abah Abah, ancien ministre des Finances aujourd’hui incarcéré dans le cadre de l’opération Epervier ; - Rémi Ze Meka, ancien ministre de la Défense ; le rival de Edgard Alain Mebe Ngo’o de la Défense ; - Le professeur Dominique Obounou Akong qui allait mourir en plein au cours d’une séance de libido avec une collaboratrice du temps où il était Directeur de l’hôpital central de Yaoundé et qui n’avait dû avoir la vie sauve qu’à une séance de massage cardiaque rapidement exécutée. En même temps qu’il est avec eux, Paul Biya se méfie de ses frères Bulu a qui il a tout donné mais qui l’ont déçu. Aujourd’hui, même s’ils restent omniprésents dans le commandement, leur poids a bien diminué à bien des égards mais leur poids reste important au niveau des postes de directeurs généraux de sociétés d’Etat et autres dans les départements du Dja et Lobo et de la Mvila qui sont deux de leurs principaux fiefs même si on les retrouve dans les départements de l’Océan et de la Vallée du Ntem. Michel Michaut Moussala |