Succession – L’après Biya agite le landernau: René Sadi recalé par le Grand Nord

DOUALA - 22 Juin 2012
© Michel Michaut Moussala | Aurore Plus

Le septentrion ne veut pas du ministre de l'Administration territoriale et de la Décentralisation pour des raisons évidentes et d'autres cachées.

1- Un caillou jeté dans la rivière ne devient pas un poisson

Il a beau naître le 21 décembre 1948 à Maroua, capitale de la région de l'Extrême Nord où son père, François Sadi, exerçait la profession d'infirmier, il a beau passer une bonne partie de son enfance à Meiganga, Chef-lieu du département du Mbéré, région de l'Adamaoua, il a beau faire ses études secondaires au collège Mazenod de Ngaoundéré, capitale régionale de l'Adamaoua, il a beau parler à merveille le fulfulde, langue vernaculaire du Grand Nord, comme l'est le duala pour le Littoral et l'ewondo pour le Centre, René Sadi est resté un sudiste, un étranger pour les originaires du septentrion. En dépit de toute cette immersion totale dans le Grand Nord, René Sadi n'est pas un fils du coin; Il a fallu que la politique s'en mêle pour qu'on découvre aujourd'hui que le repli identitaire reste encore vivace au Cameroun en dépit du discours officiel sur l'unité nationale. Jeune Afrique a rendu donc un très mauvais service au ministre de l'Administration territoriale et de la Décentralisation en le désignant comme le dauphin présumé du président Paul Biya dans son édition n° 2683 du 10 au 16 juin 2012. Ceci a provoqué une volée de flèches en direction de René Sadi et ces flèches venaient de toutes parts, de toutes les régions du pays y compris de son centre natal. Car il faut le dire, les Bétis du Centre ne voient pas d'un bon bel œil que l'ancien secrétaire général du Rdpc remplace Paul Biya un jour.


2- Le non respect de l'axe-Nord-Sud

Pour le Nord, si René Sadi remplace Paul Biya à la magistrature suprême cela veut dire que l'actuel chef de l'Etat aura signé la mort de l'axe Nord-Sud mis en place par les colons français avant leur départ après l'indépendance de notre pays. Il faut être clair: dans la tête de l'élite politique, intellectuelle, administrative, d'affaires et mêmes les populations du Grand Nord c'est quelqu'un de cette partie du pays qui devait et non devrait remplacer Paul Biya à son départ du pouvoir. Pour eux, Ahmadou Ahidjo, un homme du septentrion a donné le pouvoir à Paul Biya, un homme du Sud, il est donc tout à fait normal que celui-ci l'ayant exercé le retourne à ceux qui le lui ont donné. Pour le Grand Nord, Paul Biya est un homme qui ne respecte pas les pactes, les accords, c'est un value. Pour les originaires du Grand Nord, le Cameroun est divisé en trois grandes régions géopolitiques: le Sud, le Grand Nord et les Anglophones ou en quatre: le Sud, le Grand Nord, l'Ouest bamiléké et les Anglophones. Dans le vocabulaire, le répertoire des mots, bien maigre des originaires du Nord, les termes Centre et Littoral n'existent pas. Le Sud c'est les régions du Centre, du Sud, du Littoral et de l'Ouest. Ainsi Centre et Sud c'est bonnet blanc, blanc bonnet. Ainsi Paul Biya et René Sadi c'est bonnet blanc, blanc bonnet, c'est la même chose même si les deux hommes sont issus de deux cultures totalement différentes. Paul Biya est béti/Fang alors que René Sadi est un Vuté dont la culture et la langue n'ont rien à voir avec celles du chef de l'Etat. Le chef de l'Etat et le ministre de l'Administration territoriale sont sudistes, un point un trait tout comme un peulh de Ngaoundéré ou de Garoua et un Toupouri ou un Matakam de l'Extrême-Nord sont des Nordistes. Pour le Grand Nord c'est un tour de passe-passe que veut faire Paul Biya en mettant René Sadi à sa place après son départ.


René Sadi fabriqué par un Malien et par Ahmadou Ahidjo

Pour bien comprendre le rejet du Grand Nord à l'égard de René Sadi, il faut lire notre confrère l'œil du Sahel dans son édition n° +85 du lundi 18 juin 2012. Ce journal est la voix des originaires du Grand Nord, c'est une sorte de tribune qui leur permet de dire ce qu'ils pensent de tout, parfois sans retenue. On y apprend beaucoup de choses comme par exemple que jusqu'ici René Sadi était accepté comme un moindre mal à la succession de Paul Biya, mais ça ne passe plus aujourd'hui. Pourquoi? Parce que par son attitude vis-à-vis du Grand Nord, il montre qu'il soutient ou qu'il suggère même au chef de l'Etat de lui faire place nette en jetant en prison les cadres du Grand Nord à travers l'opération épervier. Si René Sadi est ce qu’il est aujourd'hui, c'est grâce à Sissoko Cheik Sékou, un médecin indigène malien qui était le chef du père de René Sadi à Meiganga: Et c'est ce Malien qui aurait présenté René Sadi au président Ahmadou Ahidjo qui en a fait quelqu'un à coup de nomination à des postes intéressants. Un peu comme l'histoire ou l'itinéraire politique de Marafa Hamidou Yaya qui parti de rien est devenu quelqu'un par la volonté de Paul Biya et de Paul Biya qui est devenu quelqu’un parce que Ahidjo l'a voulu.

Le Grand Nord a donc vomi René Sadi qu'il considérait il y a peu comme un des siens. C'est un traitre qui ne peut faire partie de la famille, comme un fils ou un membre par adoption. René Sadi a été donc recalé à l'examen de passage par le Grand Nord et même s'il peut passer en force qu'il ne le réussirait car ce grand bloc compte sur son poids démographique pour faire barrage au ministre de l'Administration territoriale et de la Décentralisation au cas où il y aurait élection pour la succession de Paul Biya. A la présidentielle du 9 octobre 2011, Paul Biya 3.761.928 suffrages valablement exprimés au plan national (58 départements) dont 1.610.997 pour le Grand Nord soit une contribution de 42,70%. L'Extrême-Nord avait donné à elle seule 990.947 voix à Paul Biya, le Nord, 354.682 et l'Adamaoua 265.368. C’est sur ce poids démographique que le Grand Nord compte pour empêcher René Sadi de parvenir à ses fins. Et cela est d'autant plus facile si d'autres régions colonie l'Ouest, le Littoral, les Anglophones s'y mêlent. Le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation a donc intérêt à soigner ses relations avec le Grand Nord s'il veut réussir son examen de passage comme président de «transition» comme l'entend cette partie du pays et non comme président définitif.


27/06/2012
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres