Succession au Cameroun : Les Américains inquiets pour l’après-Biya
L’ambassadeur Robert P. Jackson s’interroge et consulte.
Mardi 09 octobre dernier, à l’occasion de la présence sur le sol camerounais de Pablo Rodriguez, responsable-Afrique centrale au département d’Etat américain, l’ambassadeur des Etats-Unis, Robert P. Jackson, a reçu aux environs de 19h30, du beau linge à sa résidence sise au quartier Bastos à Yaoundé. On pouvait reconnaître autour de la table, de brillants universitaires que sont Claude Abé, Mathias Eric Owona Nguini, Manassé Aboya Endong, des membres de la société civile comme Charles Ateba Eyene et Henriette Ekwe.
Sous le prétexte d’un dîner, Robert P. Jackson souhaitait en réalité, indiquent nos sources, sonder ses convives sur l’après-Biya. Tour à tour, ses invités se sont prononcés sur ce qui, pour eux, pourrait constituer les scénarios plausibles. Globalement, les intervenants n’ont pas caché leurs inquiétudes. Au terme de leurs différentes interventions, il est apparu que les Camerounais ont pour la plupart, du mal à imaginer un passage de témoin dans la paix et la sérénité, quand bien même les dispositions constitutionnelles en la matière seraient mises en branle.
Côté américain, même si cela n’a pas été dit en termes suffisamment explicites, l’on a bien senti comme une vive appréhension quant aux lendemains d’une éventuelle vacance ou de passage de témoin à la tête des institutions républicaines au Cameroun. De manière générale et sibylline, les compatriotes de Barack Obama qualifient désormais le contexte camerounais de «potentiellement explosif» et taxent le pays de Paul Biya de «pays à fort potentiel d’instabilité». Au cours de cet échange, personne n’a osé s’avancer sur le moment mais, l’on s’est plutôt intéressé à l’ampleur du séisme à venir. L’on s’est par ailleurs évertué à évaluer si au Cameroun, on assistera à un scénario calqué soit sur le «génocide rwandais», soit sur la «crise ivoirienne», soit sur la «guerre des Balkans» ou simplement sur un coup d’Etat.
Alarmisme. «Cela n’est pas à exclure, la paix tant vantée au Cameroun peut basculer dans l’horreur pendant les moments de flottement s’il y en a. La Loi fondamentale se retrouverait ainsi à l’épreuve des ambitions personnelles, des batailles de clans ou des calculs mesquins. Mais l’attitude des Américains est pour le moins curieuse et suscite de nombreuses interrogations», commente un observateur averti de la scène politique camerounaise. Approché par La Météo, il s’interroge : «Pourquoi les Américains pensent-ils que l’avenir du Cameroun est forcément sombre ? Ont-ils de réels indices de perception d’un embrasement ? Ont-ils fait des propositions pour éviter ce sinistre scénario, au nom des liens solides d’amitié qui lient le Cameroun aux Etats-Unis ?» Et de s’impatienter : «C’est peut-être eux-mêmes qui vont allumer ce brasier».
A l’observation, ce n’est pas la première fois qu’un diplomate américain piaffe d’impatience à propos du devenir du régime Biya. Bien avant Robert P. Jackson, les ambassadeurs Frances Cook, Niels Marquadt et la très indiscrète Janet Garvey, avaient envisagé en leur temps, une météo politique trouble au Cameroun. Seulement, tel un roseau qui se tord sans rompre, le président Paul Biya a toujours su faire face à toutes les crises qui ont émaillé son magistère. Evitant au Cameroun des bains de sang, l’anarchie et la balkanisation. Depuis son accession à la magistrature suprême le 06 novembre 1982, il a œuvré pour la culture de la paix et le respect des valeurs républicaines.
Et progressivement, le fils de Mvondo Assam dote
le Cameroun des mécanismes politiques et institutionnels solides, dignes
d’une démocratie. D’ailleurs «L’homme Lion» a déjà rendu public son
testament. Sur Radio Monte Carlo (Rmc) en 1989, il déclarait devant Yves
Mourousi : «Je voudrai qu’on garde de moi l’image de celui qui a
apporté la démocratie et la prospérité à son pays». C’est tout dire.