Le rapport épingle la gestion la directrice générale sur la période 2006-2011.
Est-ce le début de la descente aux enfers pour la directrice générale de la Société de presse et d’édition du Cameroun (Sopecam), Marie Claire Nnana ? En tout cas, votre journal est informé de ce que le ministre d’Etat en charge de la Justice, Laurent Esso, a été saisi depuis le 9 octobre 2014 d’une correspondance du secretaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, lui transmettant pour compétence le rapport d’une mission du Contrôle supérieur de l’Etat (Consupe) qui a séjourné à la Sopecam entre octobre 2012 et janvier 2013.
La présidence de la République avait reçu, elle-même, le document du ministre délégué à la présidence de la République, Henri Eyebé Ayissi, le 29 septembre 2014. Paul Biya n’aura donc mis que quelques jours seulement pour transmettre le rapport de la mission de contrôle en question au ministère de la Justice. Ce qui vaut, en principe, autorisation à engager le processus judiciaire sur la base dudit rapport. C’est l’exploitation qu’en fera la Justice qui déterminera l’assiette des personnes à poursuivre. Mais, d’ores et déjà, les principaux gestionnaires de la Sopecam doivent avoir du souci à se faire.
Selon les sources de L’oeil du Sahel, le rapport de la mission conduite par Abdou Pepouere estime à plus de 8 milliards Fcfa les pertes subies par la société publique sur la période auditée, c’est-à-dire de 2006 à 2011. Soit six années d’exercice. Il est ainsi principalement mis à la charge de la directrice générale de la Sopecam et, dans une certaine mesure, du président du Conseil d’administration, des recrutements abusifs, des reclassements injustifiés, la perception d’avantages indus, des livraisons fictives, des surfacturations, la distraction des fonds et du patrimoine de l’entreprise.
UNE GESTION CONTESTÉE
De sources proches de la mission du Contrôle supérieur de l’Etat qui a séjourné à la Sopecam, cette structure sous la direction de l’actuelle directrice générale ressemble fort à une épicerie familiale, perfusée par les fonds publics. Pendant la période auditée (2006-2011), l’équipe a eu à relever des incongruités flagrantes. Par exemple, affirme un missionnaire, il est apparu que la famille de Marie-Claire Nnana avait une totale mainmise sur les circuits financiers de l’entreprise. Tous les points névralgiques étaient sous le contrôle de la famille.
Le service des Affaires générales en charge des achats était ainsi entre les mains de sa propre nièce, une certaine Fouda Ntsama Isabelle. Dans le même service, se retrouvaient d’autres neveux et nièces au poste de chefs de bureaux et de magasinier… Tout comme à la présidence de la commission de passation des marchés, celle qui dirige la boite depuis 2002, avait pris soin d’y placer des connaissances à l’instar du Pr François-Xavier Etoa, ou encore son beau-frère, feu Ndongo Pierre, époux de sa soeur. La fille de celui-ci trônait au département de la Régie et publicité à Sopecam Marketing and Communication appuyée par un autre membre de la famille, une certaine Bekono Nadia.
La boîte a donc été mise en coupe réglée, toujours à en croire un membre de la mission du Consupe. Des allégations que la justice se fera fort de vérifier. Ca c’était avant. La situation s’est empirée en 2014. Mme Fouda Ntsama Isabelle a quitté le service des Affaires générales, sorte de bureau fourre-tout, pour être propulsée à la tête de la division des Affaires générales et des Ressources humaines. C’est un autre neveu de la directrice générale, Zoa Abena, qui l’a remplacé à ce poste névralgique. Au service du personnel, Zibi Marie-Thérèse épouse Ngamou, une autre nièce de la directrice générale, dicte sa loi. Son époux, Alain Georges Ngamou, qui lui aussi bénéficiait des avantages de son union avec la nièce de la directrice générale, a quitté la Sopecam alors que la mission du Consupe passait au crible la situation des employés.
Rosalie Ndongo, autre nièce de la directrice générale, chef du département de l’Exploitation, est toujours bien calée dans son fauteuil, nonobstant son BTS en hôtellerie et tourisme. La mission du contrôle supérieur de l’Etat, dans son rapport, ne lui fait d’ailleurs pas de cadeau. Que va-t-il se passer à présent ? Il va sans dire que le ministre d’Etat en charge de la Justice va transmettre le rapport du Consupe au procureur du Tribunal criminel spécial (Tcs), Emile Nsoga, afin que celui-ci dégage les éléments pouvant donner lieu à des poursuites.
Une fois cette étape terminée, comme dans le cas du rapport du Consupe sur les Centres des chèques postaux (Ccp) dont votre journal a signalé récemment la demande de levée de l’immunité du sénateur Laurent Nkodo introduite par la justice et validée à la présidence de la République, le procureur du Tcs va offrir des «pistes» au ministre d’Etat en charge de la Justice et attendre les «hautes instructions» de la hiérarchie avant de déclencher le processus. Quelles pourraient être les personnes visées par la procédure judiciaire enclenchée ? Il est prématuré de le dire. Mais, comme noté dans le rapport de la Chambre des comptes de la Cour suprême qui avait déjà épinglé Marie-Claire Nnana en 2013 (lire encadré), la directrice générale, le président du conseil d’administration, certains ministres de tutelles et le président de la commission des marchés, pour cette période, pourraient intéresser la justice. Du beau monde en somme, dont des membres du gouvernement et de hauts cadres des services du Premier ministre encore en fonction.
Quand la chambre des comptes épinglait la gestion de la Dg
Marie-Claire Nnana peut s’estimer chanceuse. La mission du Consupe, pour des raisons encore inconnues, n’a passé que six années de sa gestion (2006- 2011) au peigne fin. Elle qui pourtant gère cette mastodonte depuis 2002. Toutefois, grâce au rapport 2012 de la chambre des comptes de la Cour suprême qui a examiné les comptes de la Société de presse et d’éditions du Cameroun (Sopecam) pour les exercices 2004 et 2005, l’on sait que la gestion de Marie-Claire Nnana est sujette à
débats.
Au cours de cette période, la Chambre a noté sur le plan organisationnel, une absence d’assemblée générale et de commissariat aux comptes, un défaut de certification des comptes, un défaut de qualité sur les rapports produits par la commission financière de la Sopecam. D’autres griefs ont été soulevés par les magistrats de la Chambre des comptes qui ont dénoncé de nombreuses pratiques illégales au sein de l’entreprise.
Par exemple, une résolution allouait au ministre de la Communication, qui n’était pas membre du Conseil d’administration de la Sopecam, une indemnité mensuelle de carburant d’une valeur de 500.000 Fcfa. Cette allocation «sans fondement juridique» avait permis au bénéficiaire de percevoir, au cours de l’exercice 2004-2005, la somme de 12.500.000 Fcfa. Des avantages indus ont également été alloués à de nombreuses personnalités pour un montant total de 17.925.000 Fcfa dont 16.125.000 Fcfa au seul PCA.
De même, la Chambre a contesté l’achat d’un logiciel de gestion commerciale (Gescom) pour un coût total de 4.108.415 francs au bénéfice du fournisseur Cauric. Ce logiciel a bénéficié d’un triple paiement décelé par les magistrats. «Il est techniquement connu que le logiciel dont il est question, désigné “logiciel de gestion commerciale” (Gescom) est unique et permet de gérer à la fois les approvisionnements et les ventes. Payer en plus, d’une part pour les approvisionnements et, d’autre part pour les ventes à raison de 4.108.415 francs pour chacune des options revient à payer deux fois en trop, occasionnant à l’entreprise une dépense totale indue de 8 316 830 Fcfa.»