Sodecoton: Incompréhensions et inquiétudes autour de la condamnation d’Iya Mohamed par le Consupe
Yaoundé, 17 Juin 2013
© RAOUL GUIVANDA | L'Oeil du Sahel
Derrière la condamnation du Directeur Général par le Contrôle supérieur de l'Etat, beaucoup voient une manœuvre au-delà de la recherche de la bonne gouvernance.
Un verdict injuste. Tel est le sentiment partagé par de nombreux nordistes au lendemain de la sanction du Conseil de discipline budgétaire et financière (Cdbf) du Contrôle supérieur de l'Etat, infligée le 27 mars dernier à Iya Mohamed et qui se résume à une déchéance de sept ans et une mise en débet de 9 milliards de FCFA (voir le document y relatif en fac-similé).
De fait, pour de nombreux nordistes, cette décision cache une volonté manifeste d'accrocher à l'épaule du Directeur Général de la Sodecoton, un fardeau qui l'empêcherait de postuler de nouveau à la présidence de la Fécafoot où sa victoire, selon ses adversaires, ne ferait l'ombre d'aucun doute si des circonstances extérieures au football ne venaient pas à changer la donne. A-t-on mis à contribution le Contrôle supérieur de l'Etat qui avait déjà diligenté une mission infructueuse à la Fécafoot pour atteindre cet objectif? Certains n'hésitent pas à franchir le pas. «Il y a quand même de troublantes coïncidences dans les événements en cours et on ne peut s'empêcher d'en faire le rapprochement. Laissons le fond de l'affaire du Consupe car, Iya Mohamed fera certainement appel de la décision devant la Chambre administrative de la Cour suprême. Dans son édition du 09 avril 2012, le journal La Nouvelle parlait déjà d'un trou de dix milliards de FCFA à la Sodecoton, un peu comme pour préparer les esprits aux conclusions de ce rapport. Pis, les conclusions du rapport ont été remises à des tierces personnes y compris à un étudiant en juillet 2012, alors qu'elles sont d'abord destinées au Chef de l'Etat. En août 2012, des membres de la mission de contrôle continuaient encore à recueillir, par téléphone, depuis Yaoundé, des informations sur l'huile, après avoir pourtant passé six mois à la Direction générale de la Sodecoton à Garoua et après s'être penchés vingt mois au total sur le dossier... Tout laisse à croire que des gens avaient intérêt à ce que l'on parvienne à une conclusion claire et précise dans un sens précis», explique un cadre du Consupe. «Nul n'est dupe, il s'agit d'un vaste complot diligenté à partir du Secrétariat général de la présidence de la République et qui vise, in fine, à décrédibiliser ou à disqualifier Iya Mohamed dans la course à la présidence de la Fécafoot. Des gens tapis dans l'ombre utilisent des méthodes de brigands en se servant de l'Etat pour atteindre leurs objectifs. Ils donnent l'impression que le Chef de l'Etat y est pour quelque chose alors qu'il n'en est rien. Vous pensez que si le Président de la République demande à lya de ne pas se représenter, il se représentera? Que non! Mais des personnes mal avisées se substituent au Chef de l'Etat pour agir en son nom et utilisent la puissance publique. Oui la Sodecoton a financé Coton sport, où est le problème? La Cnps a bien financé Prévoyance, la Direction générale des Impôts a bien financé une équipe. Par le passé, l'ex-Regifercam a été la caisse de Rail FC... Pourquoi la Sodecoton ne financerait-elle pas Coton sport? Puisque lya est smillé de rembourser, est-ce à dire qu'on doit vendre les installations modernes et professionnelles de Coton sport, tuer cette équipe, et reverser l'argent à la Sodecoton? Tout cela est absurde», déplore Moustapha, cadre d'une société à Maroua. «Cette coïncidence entre les injonctions du Ministre des Sports et de l'Education physique, Adoum Garoua, et la sanction du Contrôle supérieur de l'Etat n'est pas un fruit. Le timing est bien calculé, les décisions bien orientées, mais Dieu est grand, sa volonté va triompher. Le Cdbf a dénoncé des fautes de gestion, il ne s'agit pas de malversations financières. Il va continuer à se battre pour notre football», renchérit son voisin qui condamne un verdict injuste.
INQUIÉTUDES CHEZ LES COTON-CULTEURS
Depuis le 28 mars, le domicile du Directeur Général de la Sodecoton à Garoua ne désemplit plus. Beaucoup viennent le réconforter, d'autres lui témoigner leur soutien. Certains, comme de nombreux motoculteurs, sont très amers. Ils ne savent pas de quoi sera fait l'avenir, si la Sodecoton sans Iya Mohamed va maintenir la filière en bonne santé comme c'est le cas aujourd'hui. C'est peu dire que parmi les quelques 300.000 familles qui vivent de la culture du coton, beaucoup redoutent déjà l'avenir, et le gouvernement est bien placé pour savoir que quand la Sodecoton tousse, c'est tout le Grand-Nord qui s'enrhume.
Nonobstant la décision du Contrôle supérieur de l'Etat, coton-culteurs, employés de la Sodecoton et une large majorité de la population des régions septentrionales en savent gré à Iya Mohamed de sa gestion, d'autant plus que l'entreprise évolue dans un contexte particulier. «L'entreprise est adossée sur le paysannat et cela requiert des pratiques Managériales particulières. Parfois lors des achats du raton, il faut distribuer loin dans l'arrière-pays, à des gens qui ne savent ni lire, ni écrire, des dizaines de milliards de FCFA en espèces. Il faut également tenir compte de l’autorité traditionnelle qui accompagne la société dans l’encadrement des paysans, et qui n’est pas loin d'avoir ses exigences. Le manager doit s'adapter à cette donne qui n'est pas prévue par les exigences des règles publiques. Il ne faut pas être borné lors d'un contrôle, les environnements diffèrent d'un endroit à un autre. Ce qui me semble important, c'est l'efficacité managériale et les résultats. Je crois savoir qu'en avril prochain, la société va déclarer de nouveau, un bénéfice oscillant entre quatre et cinq milliards de FCFA. Dites-moi, combien d'entreprises, sans aucune subvention de l'Etat, atteint ces performances?», indique un expert de la filière coton.
Les chiffres plaident pour la gestion de l'actuel Directeur Général de la Sodecoton. Parti d'un capital de 4,5 milliards de FCFA dans les années 80, l'entreprise affiche aujourd'hui près de 100 milliards de FCFA de chiffres d'affaires. De 27.000 tonnes au départ, l'entreprise commercialise en moyenne, chaque année, 250.000 tonnes, avec parfois des pointes de 300.000 tonnes. Et cerise sur le gâteau: le prix d'achat du kilogramme coton-graine au paysan (265 FCFA) est le plus élevé d'Afrique subsaharienne.
L'entreprise dispose même d'un «Fonds de soutien coton» logé à la Beac et qui pèse aujourd'hui 16.500.000 000 de FCFA. Ce Fonds qui a déjà vu transiter quelques 45 milliards de FCFA, alimenté par un mécanisme de prélèvement sur les bénéfices de l'entreprise, a été institué après la fermeture de l'ex-Oncpb et permet de faire face aux situations difficiles comme, en 2008, lors de l'effondrement du prix de l'or blanc qui avait perdu 21 % de sa valeur en cinq mois. Cette année-là, l'entreprise avait perdu 11 milliards de FCFA, mais grâce à ce mécanisme de stabilisation, les effets ne se sont pas fait ressentir sur les paysans...
Tous saluent d'autant plus le management d'Iya Mohamed qu'il y a belle lurette, qu'un seul radis de l'Etat n'a pas atterri sous la forme de subvention dans les caisses de la Sodecoton. «Non seulement l'entreprise ne reçoit pas de subventions, mais elle a déjà versé à l'Etat quelques neuf milliards de FCFA de dividendes en rapport avec les actions qu'il détient. Sans compter divers impôts et taxes. En réalité, très peu de filières agricoles peuvent présenter de si bons résultats dans ce pays. Si un responsable qui affiche de telles performances doit être suspendu pour sept ans, c'est que vraiment le Cameroun marche sur la tête. Vous pensez que si la Sodecoton était mal gérée et que les actionnaires ne trouvaient pas leur compte, notamment le Français Geocoton, Iya serait encore là? Tout cela me paraît bien incongru. Je ne peux pas participer au discrédit du Consupe, mais tout de même», conclu l'expert.
© RAOUL GUIVANDA | L'Oeil du Sahel
Derrière la condamnation du Directeur Général par le Contrôle supérieur de l'Etat, beaucoup voient une manœuvre au-delà de la recherche de la bonne gouvernance.
Un verdict injuste. Tel est le sentiment partagé par de nombreux nordistes au lendemain de la sanction du Conseil de discipline budgétaire et financière (Cdbf) du Contrôle supérieur de l'Etat, infligée le 27 mars dernier à Iya Mohamed et qui se résume à une déchéance de sept ans et une mise en débet de 9 milliards de FCFA (voir le document y relatif en fac-similé).
De fait, pour de nombreux nordistes, cette décision cache une volonté manifeste d'accrocher à l'épaule du Directeur Général de la Sodecoton, un fardeau qui l'empêcherait de postuler de nouveau à la présidence de la Fécafoot où sa victoire, selon ses adversaires, ne ferait l'ombre d'aucun doute si des circonstances extérieures au football ne venaient pas à changer la donne. A-t-on mis à contribution le Contrôle supérieur de l'Etat qui avait déjà diligenté une mission infructueuse à la Fécafoot pour atteindre cet objectif? Certains n'hésitent pas à franchir le pas. «Il y a quand même de troublantes coïncidences dans les événements en cours et on ne peut s'empêcher d'en faire le rapprochement. Laissons le fond de l'affaire du Consupe car, Iya Mohamed fera certainement appel de la décision devant la Chambre administrative de la Cour suprême. Dans son édition du 09 avril 2012, le journal La Nouvelle parlait déjà d'un trou de dix milliards de FCFA à la Sodecoton, un peu comme pour préparer les esprits aux conclusions de ce rapport. Pis, les conclusions du rapport ont été remises à des tierces personnes y compris à un étudiant en juillet 2012, alors qu'elles sont d'abord destinées au Chef de l'Etat. En août 2012, des membres de la mission de contrôle continuaient encore à recueillir, par téléphone, depuis Yaoundé, des informations sur l'huile, après avoir pourtant passé six mois à la Direction générale de la Sodecoton à Garoua et après s'être penchés vingt mois au total sur le dossier... Tout laisse à croire que des gens avaient intérêt à ce que l'on parvienne à une conclusion claire et précise dans un sens précis», explique un cadre du Consupe. «Nul n'est dupe, il s'agit d'un vaste complot diligenté à partir du Secrétariat général de la présidence de la République et qui vise, in fine, à décrédibiliser ou à disqualifier Iya Mohamed dans la course à la présidence de la Fécafoot. Des gens tapis dans l'ombre utilisent des méthodes de brigands en se servant de l'Etat pour atteindre leurs objectifs. Ils donnent l'impression que le Chef de l'Etat y est pour quelque chose alors qu'il n'en est rien. Vous pensez que si le Président de la République demande à lya de ne pas se représenter, il se représentera? Que non! Mais des personnes mal avisées se substituent au Chef de l'Etat pour agir en son nom et utilisent la puissance publique. Oui la Sodecoton a financé Coton sport, où est le problème? La Cnps a bien financé Prévoyance, la Direction générale des Impôts a bien financé une équipe. Par le passé, l'ex-Regifercam a été la caisse de Rail FC... Pourquoi la Sodecoton ne financerait-elle pas Coton sport? Puisque lya est smillé de rembourser, est-ce à dire qu'on doit vendre les installations modernes et professionnelles de Coton sport, tuer cette équipe, et reverser l'argent à la Sodecoton? Tout cela est absurde», déplore Moustapha, cadre d'une société à Maroua. «Cette coïncidence entre les injonctions du Ministre des Sports et de l'Education physique, Adoum Garoua, et la sanction du Contrôle supérieur de l'Etat n'est pas un fruit. Le timing est bien calculé, les décisions bien orientées, mais Dieu est grand, sa volonté va triompher. Le Cdbf a dénoncé des fautes de gestion, il ne s'agit pas de malversations financières. Il va continuer à se battre pour notre football», renchérit son voisin qui condamne un verdict injuste.
INQUIÉTUDES CHEZ LES COTON-CULTEURS
Depuis le 28 mars, le domicile du Directeur Général de la Sodecoton à Garoua ne désemplit plus. Beaucoup viennent le réconforter, d'autres lui témoigner leur soutien. Certains, comme de nombreux motoculteurs, sont très amers. Ils ne savent pas de quoi sera fait l'avenir, si la Sodecoton sans Iya Mohamed va maintenir la filière en bonne santé comme c'est le cas aujourd'hui. C'est peu dire que parmi les quelques 300.000 familles qui vivent de la culture du coton, beaucoup redoutent déjà l'avenir, et le gouvernement est bien placé pour savoir que quand la Sodecoton tousse, c'est tout le Grand-Nord qui s'enrhume.
Nonobstant la décision du Contrôle supérieur de l'Etat, coton-culteurs, employés de la Sodecoton et une large majorité de la population des régions septentrionales en savent gré à Iya Mohamed de sa gestion, d'autant plus que l'entreprise évolue dans un contexte particulier. «L'entreprise est adossée sur le paysannat et cela requiert des pratiques Managériales particulières. Parfois lors des achats du raton, il faut distribuer loin dans l'arrière-pays, à des gens qui ne savent ni lire, ni écrire, des dizaines de milliards de FCFA en espèces. Il faut également tenir compte de l’autorité traditionnelle qui accompagne la société dans l’encadrement des paysans, et qui n’est pas loin d'avoir ses exigences. Le manager doit s'adapter à cette donne qui n'est pas prévue par les exigences des règles publiques. Il ne faut pas être borné lors d'un contrôle, les environnements diffèrent d'un endroit à un autre. Ce qui me semble important, c'est l'efficacité managériale et les résultats. Je crois savoir qu'en avril prochain, la société va déclarer de nouveau, un bénéfice oscillant entre quatre et cinq milliards de FCFA. Dites-moi, combien d'entreprises, sans aucune subvention de l'Etat, atteint ces performances?», indique un expert de la filière coton.
Les chiffres plaident pour la gestion de l'actuel Directeur Général de la Sodecoton. Parti d'un capital de 4,5 milliards de FCFA dans les années 80, l'entreprise affiche aujourd'hui près de 100 milliards de FCFA de chiffres d'affaires. De 27.000 tonnes au départ, l'entreprise commercialise en moyenne, chaque année, 250.000 tonnes, avec parfois des pointes de 300.000 tonnes. Et cerise sur le gâteau: le prix d'achat du kilogramme coton-graine au paysan (265 FCFA) est le plus élevé d'Afrique subsaharienne.
L'entreprise dispose même d'un «Fonds de soutien coton» logé à la Beac et qui pèse aujourd'hui 16.500.000 000 de FCFA. Ce Fonds qui a déjà vu transiter quelques 45 milliards de FCFA, alimenté par un mécanisme de prélèvement sur les bénéfices de l'entreprise, a été institué après la fermeture de l'ex-Oncpb et permet de faire face aux situations difficiles comme, en 2008, lors de l'effondrement du prix de l'or blanc qui avait perdu 21 % de sa valeur en cinq mois. Cette année-là, l'entreprise avait perdu 11 milliards de FCFA, mais grâce à ce mécanisme de stabilisation, les effets ne se sont pas fait ressentir sur les paysans...
Tous saluent d'autant plus le management d'Iya Mohamed qu'il y a belle lurette, qu'un seul radis de l'Etat n'a pas atterri sous la forme de subvention dans les caisses de la Sodecoton. «Non seulement l'entreprise ne reçoit pas de subventions, mais elle a déjà versé à l'Etat quelques neuf milliards de FCFA de dividendes en rapport avec les actions qu'il détient. Sans compter divers impôts et taxes. En réalité, très peu de filières agricoles peuvent présenter de si bons résultats dans ce pays. Si un responsable qui affiche de telles performances doit être suspendu pour sept ans, c'est que vraiment le Cameroun marche sur la tête. Vous pensez que si la Sodecoton était mal gérée et que les actionnaires ne trouvaient pas leur compte, notamment le Français Geocoton, Iya serait encore là? Tout cela me paraît bien incongru. Je ne peux pas participer au discrédit du Consupe, mais tout de même», conclu l'expert.