SOCAM: Ama Tutu Muna interdit l’assemblée générale

YAOUNDE - 19 MAI 2013
© Edmond TCHOKOGWE | Correspondance

La ministre des Arts et de la Culture vient d’interdire l’assemblée générale ordinaire de la SOCAM prévue pour le 25 mai 2013.

Le divorce serait-il véritablement consommé entre la Société civile camerounaise de l’art musical (SOCAM) et sa génitrice, la ministre des Arts et de la Culture. Tout le laisse croire. Le vendredi 17 mai dernier, Ama Tutu Muna, par exploit d’huissier, a en effet notifié à la présidente du conseil d’administration de la SOCAM, Odile Ngaska, l’interdiction par le ministère des Arts et de la Culture, dont elle assure la coordination, de la tenue de l’assemblée générale ordinaire que la SOCAM projetait organiser le 25 mai courant au regard de la principale résolution prise par son conseil d’administration à l’issue de la dix-septième session de son conseil d’administration tenue le 23 avril dernier dans la salle des évêques du Centre Jean XXIII de Mvolyé à Yaoundé.

Par ailleurs, à travers une autre correspondance servie le même jour à la présidente du conseil d’administration de la SOCAM, la ministre des Arts et de la Culture demande à Odile Ngaska de bien vouloir faire le point sur les 104 millions de FCFA qui ont été servis à la SOCAM en janvier 2013 et qui ont, selon Ama Tutu Muna, été indûment utilisés à des fins autres que l’affectation aux artistes.

D’urgence, la ministre des Arts et de la Culture adresse copie de cette deuxième correspondance au président de la Commission Permanente de Médiation et de Contrôle des organismes de gestion collective de droit d’auteur et des droits voisins de droit d’auteur pour la diligence d’un audit à la SOCAM. Une démarche que certains esprits malins ne manquent pas de résumer en un conflit de personnes entre Jean Calvin Aba’a Oyono, le président de la CPMC, et les dirigeants de la SOCAM qui en profitent pour multiplier des manœuvres clientélistes.

Et pourtant, la SOCAM offre désormais le triste spectacle d’une société en conflit avec la majorité des musiciens qui attendent vainement des actions concrètes destinées à susciter leur adhésion. Sur le plan comptable, avec deux commissaires aux comptes (l’un élu et l’autre non) et deux bilans différents, ce qui est une grande curiosité, elle est, pour tout dire, en délicatesse avec les principes de bonne gouvernance.

Dès lors, Ama Tutu Muna ne cache plus sa déception. Et sa patience a enfin atteint ses limites le 19 mars dernier à travers une correspondance adressée à la présidente du conseil d’administration de la SOCAM. La ministre des Arts et de la Culture écrivait en ces termes : « J’ai l’honneur de vous demander de bien vouloir me faire tenir, conformément aux dispositions de l’article 79 de la loi du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins, et sous huitaine, l’ensemble des documents suivants : les comptes-rendus, rapports du commissaire aux comptes, et les comptes annuels certifiés par les commissaires aux comptes élus des exercices 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012 ; les états de recettes et dépenses certifiés par les commissaires aux comptes élus des exercices 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012 ; les bilans des exercices certifiés par les commissaires aux comptes élus des exercices 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012 ; les rapports des assemblées générales des exercices 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012 ; les quitus de gestion des conseils d’administration et assemblées générales des exercices 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012… les relevés détaillés de l’ensemble des comptes bancaires. Je rappelle que la transmission desdits documents conditionnera la validation de la tenue de l’assemblée générale de la SOCAM par mon département ministériel. »

Et du coup, le prétexte est ainsi tout donné pour le lancement d’une campagne au vitriol par certains membres du conseil d’administration de la SOCAM contre Ama Tutu Muna. Au centre de cette cabale pour sauver l’image d’une SOCAM dont l’équipe dirigeante est désormais sur des charbons ardents , Messi Ambroise, Moussa Haïssam, Odile Ngaska, Moni Bilè, Djene Djento et bien d’autres.

La guerre est donc totale. Et face à cette campagne de dénigrement entreprise par la SOCAM pour créer un environnement davantage défavorable à la ministre des Arts et de la Culture, Ama Tutu Muna, après ses appels discrets et vains à la modération et à la raison, va-t-elle décider d’appliquer enfin la loi qui prévoit qu’en cas de dysfonctionnement et de mauvaise gestion des sociétés de droit d’auteur, le ministère des Arts et de la Culture peut, après mise en demeure restée sans suite, suspendre leurs activités aux fins de normalisation ?


LA MINAC ET L’ABUS DE POUVOIR

Incongruité grave, injustifiable envie de paraître ou de nuire ? Au-delà de son sursaut surprenant de bonne gouvernance, la ministre des Arts et de la Culture peut-elle se permettre d’interdire l’assemblée générale de la SOCAM. Après la CMC, voici Ama Tutu Muna face au paroxysme de la controverse qu’elle vient d’atteindre car en parcourant les statuts de la SOCAM, on se rend vite compte que cette structure est une société civile, donc de droit privé.

Pour avoir créé la SOCAM à travers des micmacs en complet déphasage avec la légalité, la ministre des Arts et de la Culture a sans doute oublié que la SOCAM est exclue des entreprises publiques que la loi du 19 décembre 1999 portant statut général des établissements publics et des entreprises du secteur public ou parapublic dénomme sociétés à capital public (dont le capital est « intégralement détenu par l’Etat, une ou plusieurs collectivités territoriales décentralisées ou une ou plusieurs autres sociétés à capital public ») et sociétés d’économie mixte (dont le capital est « détenu partiellement d’une part, par l’Etat, les collectivités territoriales décentralisées ou les sociétés à capital public et d’autre part, par les personnes morales ou physiques de droit privé »).

Relativement à ce qui précède, Revient-il par conséquent à Ama Tutu Muna de se substituer aux statuts et autres textes fondamentaux de la SOCAM en interdisant les travaux de son assemblée générale ? Quelle réglementation lui confère un tel pouvoir ? Le ridicule ne tuant pas sous les tropiques, on aura décidément tout vu au ministère des Arts et de la Culture. La volonté rageuse d’Ama Tutu Muna de coordonner la gestion collective du droit d’auteur sans discernement préalable a plongé le droit d’auteur au Cameroun dans la fange avec des conséquences désastreuses depuis le 7 septembre 2007.


19/05/2013
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