Le rôle fondamental de la signalisation sur les axes routiers est de guider les usagers dans leur cheminement quotidien, d'en assurer la sécurité et de limiter le plus possible les risques d'accidents. Pour remplir cette fonction, la condition sine qua nun est que les composantes de ladite signalisation soient présentes, donc fonctionnelles. Cependant, cet état de choses ne semble pas être une réalité au Cameroun. Lorsqu'on se limite seulement aux villes de Yaoundé, de Douala et de Bafoussam, on se rend à l'évidence qu'on est en présence d'une signalisation routière de façade, quasi-inexistante, plus encline à dérouter l'usager que de le mettre sur le droit chemin. On se demande si les services de la gestion urbaine existent dans ce pays.
Des cas concrets de cette fameuse signalisation
dans les axes routiers à l'intérieur de nos villes ne sont plus à
démontrer. D'entrée de jeu, il n'est pas rare dans nos carrefours de
constater que des feux de signalisation sont soit en panne, soit
purement décoratifs. C'est aux usagers de se battre becs et ongles, soit
pour traverser la route en ce qui concerne les piétons, soit pour se
disputer la chaussée en ce qui concerne les conducteurs, quitte à ce
qu'on assiste à un carambolage de masse digne des films d'action. Sauf
que cette fois-ci, tout se passe dans la réalité. A chacun de se faire
une opinion.
En second lieu, que dire des marquages au sol puisqu'ils sont quasiment
ou totalement invisibles?! Délimitation de la chaussée par rapport aux
trottoirs, flèches de direction, passage cloûté, marquage de
terre-plein, etc., toutes ces indications apprises dans les autos-écoles
existent plus dans les livres que dans la réalité des villes
camerounaises. Parcourez la plupart desdites villes et vous m'en direz
des nouvelles. Avec une ville comme Bafoussam, inutile de faire des
commentaires; on a vite fait de lui décerner la légion d'honneur en
terme de médiocrité ou de nullité dans la signalisation routière.
Vous constaterez comme moi que pour jouer à la politique du trompe-l'œil, pour persévérer dans sa mascarade quotidienne, le gouvernement, à l'approche de certains grands événements (Fête de la Jeunesse, Fête de la Réunification, Accueil de certains grands hommes politiques étrangers,...) met toujours les bouchées doubles pour revernir certaines artères de la ville. Quoi de plus normal que d'offrir un visage angélique pendant ces périodes! Mais que reste-t-il après? De la pure somnolence administrative. Les mêmes artères vont retrouver peu à peu leur vétusté d'antan, en attendant qu'un autre heureux événement vienne les rajeunir. Quelle réussite dans la politique de l'urbanisme! Suivez mon regard.
Attardons-nous en troisième lieu sur les usagers eux-mêmes. Vu leur comportement, la plupart devraient être internés dans des centres spéciaux de re/dressage des mentalités. Des chauffeurs toujours pressés. Délinquants de circonstance, un feu rouge bel et bien existant et voyant ne leur dit rien. Malheur au piéton qui, bien qu'étant dans ses droits, s'hasarderait alors à traverser la chaussée en ce moment précis: une infirmité à vie ou la morgue risquerait d'être sa prochaine destination. Peut-on parler d'une médaille sans évoquer son revers? Des piétons toujours pressés et imprudents. Les passages cloûtés, lorsqu'ils existent, ne leur dit absolument rien. On traverse la route à tort et à travers, le plus souvent en pas de course. On mène une lutte rangée contre les engins, chacun voulant absolument passer en premier. N'allez pas demander aux piétons camerounais la signification des feux de signalisation routière ou les règles élémentaires du code de la route.
Représentez-vous un carrefour ou un rond-point de la ville de Douala ou de Yaoundé. Imaginez ensuite la méthode idéale qu'un piéton "normal" doit employer pour le contourner afin d'arriver à destination: respect des passages cloûtés et des feux de signalisation, patience, prudence... Ne vous y trompez pas: le piéton des villes camerounaises fait exactement le contraire. Il n'aime pas les contours, encore moins la patience. Le raccourci est son premier repas à chaque fois qu'il est sur la voie publique. Dès qu'il arrive à un rond-point ou à tout autre carrefour, un tracé rectiligne sorti tous azimuts de son imagination tordue et débridé, droit devant lui suffit pour diviser le rond-point en deux parties égales ou inégales, pourvu qu'il arrive le plus vite possible destination. Irrités par l'attitude d'un tel piéton, les conducteurs de voitures et autres engins - qui ne sont pas eux-mêmes des modèles d'éducation civique - vont sans doute klaxonner avec vigueur. Et la réponse du piéton ne se fera pas attendre: "Où avez-vous appris à conduire?" Un tel piéton devrait sans doute se regarder dans un miroir.
Des cours de Morale publique et d'Education civique accompagnés de pratiques concrètes méritent d'être dispensés à tous les Camerounais. Pourvu que cela soit accompagné de sanctions dissuasives, punitives voire coercitives en cas de dérogations aux règles prescrites. Devant un tel laisser-aller des usagers sur la voie publique, il est temps de cogner du poing sur la table.
Avec une communauté urbaine aussi irresponsable en terme de signalisation routière, avec des usagers les uns aussi irresponsables et inconscients que les autres, la circulation à l'intérieur de nos villes est un véritable cafouillis. C'est la désorientation totale. Je me demande ce que disent et se disent les touristes qui nous visitent chaque jour. Ils emporteront cerainement avec eux l'image renforcée d'un Ailleurs camerounais où les villes sont sens dessus-dessous, où l'anarchie urbaine a complètement pris le dessus sur le sens de l'organisation... Est-ce cela l'image que nous voulons offrir de nos villes à l'ère de la porosité des frontières?