SHANDA TONME "obtenir un visa chinois est devenu tout simplement un chemin de croix pour nos capitaines d'industries"

Shanda Tonme:Camer.beLes Chinois ne sont plus très partants pour des relations de partenariat qui permettent aux chefs d'entreprise camerounais, de nouer des contacts directs avec des homologues en Chine. C'est qu'ils ont été dépassés très vite par la vigueur et la bravoure des capitaines d'industries camerounais. Dans d'autres pays, ils se sont installés et ont vite contrôlé tout le commerce. Mais chez nous, ils ont trouvé plus forts et plus rusés que eux. En l'espace de cinq ans, les camerounais se sont mis à importer des usines chinoises entières et ont mis des moyens sur la table(...)

Pr. Avec vos multiples casquettes, vous êtes directeur du Cabinet international de conseil et d'arbitrage Shandy Shandy et Associés, et c'est donc à ce titre que vous avez saisi le ministre des relations extérieures par une correspondance le 17 avril 2013, pour lui demander une intervention concernant certaines pratiques chinoises au Cameroun.

C'est exact. Permettez-moi d'attirer votre attention qu'il n'y a rien de nouveau quand vous parlez de multiples casquettes. Il existe des foules au Cameroun, les uns plus performants, plus connus ou plus qualifiés que les autres. Effectivement comme vous le signalez, le cabinet a effectué une démarche de caractère que je qualifie de pressante et d'urgente à la fois.

Pouvez-vous nous dire de quoi il s'agit vraiment, car à lire l'objet de votre correspondance, on se demande si nous sommes en guerre avec la Chine?
 
Je vous comprends, et je mesure entièrement la gravité. La lettre est une requête au titre suffisant pour réaliser l'importance de la question: "sollicitations d'intervention urgente du gouvernement camerounais, pour mettre fin à la guerre froide décrétée par la mission diplomatique chinoise contre la promotion des échanges commerciaux entre les deux pays.
En effet, obtenir un visa chinois est devenu tout simplement un chemin de croix pour nos capitaines d'industries. Comment voulez-vous que l'on se mette à humilier les plus grands importateurs du pays, en les renvoyant à plusieurs reprises quand ils introduisent une demande? La pratique a pris l'allure d'une cabale systématique et injurieuse depuis un certain temps. Je ne parle pas de touristes ou d'aventuriers, je parle des chefs d'entreprise qui pèsent plusieurs dizaines de milliards et qui font entrer entre cinquante et deux cent containers mensuellement dans le pays.

Etes-vous certain de vos affirmations lorsque vous évoquez les tracasseries? En plus, parler de guerre froide?
 
Ecoutez, les relations entre Etats obéissent à des usages conventionnels et protocolaires établis. Selon les cas et selon la densité des relations, il est possible que des exceptions, des aménagements spéciaux interviennent pour la circulation des personnes et des biens. Mais dans tous les cas, il y a des règles de bonne conduite, des codes non transgressables. Quand subitement et sans prévenir, un partenaire étatique instaure des blocages, change les usages et crée des comportements contentieux, il y a là une guerre non déclarée, sans doute l'expression d'une rancoeur ou d'une demande.

Alors, qu'est-ce qui peut expliquer selon vous, l'attitude chinoise?

Effectivement, le sentiment, et même la certitude c'est que les Chinois, se plaignent de ce que notre gouvernement n'a rien fait quand plusieurs de leurs ressortissants ont été assassinés. Ils en ont donc profité pour passer à l'attaque, régler un vieux problème. En somme, les Chinois ne sont plus très partants pour des relations de partenariat qui permettent aux chefs d'entreprise camerounais, de nouer des contacts directs avec des homologues en Chine. C'est qu'ils ont été dépassés très vite par la vigueur et la bravoure des capitaines d'industries camerounais. Dans d'autres pays, ils se sont installés et ont vite contrôlé tout le commerce. Mais chez nous, ils ont trouvé plus forts et plus rusés que eux. En l'espace de cinq ans, les camerounais se sont mis à importer des usines chinoises entières et ont mis des moyens sur la table. Or les Chinois souhaitent dorénavant que les camerounais achètent sur place, auprès des intermédiaires chinois installés au Cameroun. Voilà le vrai noeud du problème.

Oui mais, vous dites quand même que des Chinois ont été tués?

Et alors! Nous regrettons absolument ce qui est arrivé. Si mes souvenirs sont bons, au moins une dizaines de Chinois ont été tués depuis deux ou trois ans. Il faut tout de suite dire ici qu'ils n'étaient pas visés en tant que Chinois, mais plutôt qu'ils ont été victimes des bandits, des criminels qui les ont assassiné lors des braquages. Je vous rappelle que même en Chine il existe des braqueurs, des criminels. L'ambassade de Chine ne peut pas sauter sur cette occasion, pour chercher à freiner les échanges entre les deux pays, au moment où ils raflent tous les grands chantiers, et suscitent jalousies et interrogations multiples somme toute légitimes.

De quelles interrogations parlez-vous?

Vous connaissez l'éternelle récrimination concernant la non utilisation des travailleurs locaux ou leur utilisation dans des conditions inacceptables au regard du cde du travail et des principes généraux du droit international du travail. De plus, il y a l'absence de transfert de technologie. Je préfère ne pas m'étaler plus longtemps sur cet aspect qui mérite plus d'approfondissements et de débats contradictoires.

Et alors, avez-vous obtenu une réponse du gouvernement?

Oui, je peux vous dire que le Ministère des relations extérieures a été exemplaire. Le dossier est traité là-bas avec une parfaite dextérité et nous avons été reçus à plusieurs reprises. De plus et surtout, plusieurs cas de refus ont été débloqués directement par le MINREX. C'est le lieu de souhaiter que nos capitaines d'industries soient réellement soutenus par le gouvernement. Voyez-vous, nous avons toute la sous région et même la région à conquérir. Je peux vous affirmer que le pays dispose aujourd'hui des entrepreneurs lourds, financièrement et  techniquement en mesure de prendre des parts de marché voire des secteurs entiers d'activité partout en Afrique. Tout ce qui manque vraiment, c'est la symbiose avec le gouvernement, une synergie de promotion et de pénétration conforme à l'esprit de la diplomatie économique que prône le chef de l'Etat. La dernière mission de promotion à Paris a été en mon sens exemplaire pour ce que demande une diplomatie économique. Au lieu de se faire accompagner souvent par une cohorte de fonctionnaires budgétivores qui vont faire les courses avec épouses et concubines, il faut remplir l'avion présidentiel d'hommes d'affaires. A ce propos, il faut voir comment se déplace les présidents des grands pays industrialisés, toujours avec les chefs d'entreprise. Le Cameroun a le potentiel d'une grande puissance économique en Afrique, sans aucun complexe. Au gouvernement de tenir compte de cet atout et de le valoriser.
Je répète souvent que de l'Algérie à l'Afrique du Sud, dont du haut en bas de l'Afrique, le Cameroun est le seul pays où vous voyez des nationaux propriétaires de plus de 80% du parc hôtelier. C'est un véritable don de Dieu.
Je reviens sur la réaction du MINRREX, pour me féliciter de ce que j'ai vu là-bas. Ils se sont mobilisés franchement sur ce dossier, en rappelant les exigences de la diplomatie économique. D'ailleurs, mes clients, les grands patrons pour qui j'intervenais, ont été très contents./.

Merci professeur.

© Le Messager : Propos recueillis par ALAIN NJIPOU


02/05/2013
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