Série sur Ernest Ouandié: assassiné le 15 janvier 1971. écrits prophétiques d’Ernest Ouandié, citoyens libres ou esclaves ?
DOUALA - 15 JAN. 2013
© La Nouvelle Expression
Cet article rédigé au maquis le 20 mars 1962, par le martyr de l’indépendance totale du Kamerun, Ernest Ouandié, a paru dans la Voix du Kamerun des mois de juin-juillet 1962. Arrêté, puis condamné, Ouandié sera exécuté sur la place publique à Bafoussam le 15 janvier 1971.
© La Nouvelle Expression
Cet article rédigé au maquis le 20 mars 1962, par le martyr de l’indépendance totale du Kamerun, Ernest Ouandié, a paru dans la Voix du Kamerun des mois de juin-juillet 1962. Arrêté, puis condamné, Ouandié sera exécuté sur la place publique à Bafoussam le 15 janvier 1971.
Série sur Ernest
Ouandié: assassiné le 15 janvier 1971 (1) 1962, écrits prophétiques
d’Ernest Ouandié, citoyens libres ou esclaves ?
Cet article rédigé au maquis le 20 mars 1962, par le martyr de l’indépendance totale du Kamerun, Ernest Ouandié, a paru dans la Voix du Kamerun des mois de juin-juillet 1962. Arrêté, puis condamné, Ouandié sera exécuté sur la place publique à Bafoussam le 15 janvier 1971.
Dans cet article digne d’un héros, il dénonce les atrocités du régime Ahidjo et fustige les assassins, criminels et tous les fantoches à la solde de ce dernier. C’est un cri du cœur, révélateur d’une réelle ardeur patriotique, que l’on peut déceler à travers ces lignes pathétiques. Certaines barbouzes de l’époque encore en service aujourd’hui sont ciblées par cet article et une lumière éclaboussante jaillit sur leur véritable nature, un vrai témoignage !
« S’il est déjà très grave d’avoir des esclaves, il n’y a rien de plus grave que d’avoir des esclaves et les appeler citoyens. A quelques mots près, c’est en ces termes qu’un philosophe étranger dénonçait il y a plus de deux siècles l’hypocrisie manifeste des régimes d’oppression en matière de conception de la liberté des peuples.
Oui, ces lignes datent de plus de deux cent ans, et aujourd’hui pourtant, elles demeurent d’une brûlante actualité pour notre pays et son peuple. En effet, deux ans après l’accession du Kamerun à l’Indépendance juridique, plus les fantoches multiplient les discours dans lesquels ils veulent se poser en « libérateurs suprêmes » du peuple kamerunais, et moins ce peuple croit à sa libération.
Journellement pillé, dégradé et torturé comme hier sous le régime colonial direct, il se rend bien vite compte que la mise sur pied d’institutions ironiquement baptisées nationales n’a pas résolu et ne pouvait résoudre dans les conditions que l’on sait, le grave problème de fond qui demeure toujours posé, celui de notre libération totale du joug de domination étrangère. Les colonialistes franco-britanniques sont « partis pour rester ».
Le Kamerun « Indépendant » continue dès lors à être dirigé de l’extérieur cette fois par l’intermédiaire d’une poignée de gouvernants autochtones vendus corps et âme aux puissances coloniales à qui ils doivent d’être provisoirement imposés à la tête de notre pays. Oui, les Ahidjo, Arouna, Assale et autres Foncha que l’ironie du sort maintient encore à la direction des affaires nationales, sotn des hommes préposés à la liberté mais qui ont malheureusement, pour un plat de lentilles, renoncé à cette liberté et prête serment de servir loyalement jusqu’à la mort l’impérialisme international dirigé parles Etats-Unis d’Amérique.
Il n’est donc pas surprenant que ces « esclaves volontaires coiffés du casque de l’indépendance » affichent, comme leurs maîtres, un mépris révoltant pour le peuple dont ils piétinent les droits et libertés les plus élémentaires à longueur de journée.
Un gouvernement d’assassins
Au fil des jours, tout le monde réalise que c’est un gouvernement d’assassinats que les néocolonialistes français et américains ont installé à Yaoundé, à la faveur d’une terreur militaire digne des seuls régimes fascistes. Les tragiques événements qui ont en particulier marqué le mois de février dernier en ont apporté la preuve supplémentaire.
Une fantaisiste histoire de « ralliement » ou un « démenti » tardif et embarrassé parviendront difficilement à masquer la vérité.
Criminelle asphyxie
Depuis le début de cette année, les maquis de Douala déploient des activités intenses : celles-ci ont fait écho auprès des détenus politiques de la localité qui y trouvent naturellement un réconfort moral à l’idée de savoir que la lutte pour le triomphe de leur idéal de liberté, de justice et de progrès se poursuit. Les fantoches alertés par leurs services n’ont qu’une idée : éloigner les détenus de Douala et les envoyer à Mokolo, citadelle de la répression, de la torture, de la mort lente et des exécutions sommaires. Le 1er février donc, 57 détenus politiques extraits de la prison de Douala sont parqués dans un wagon généralement affecté au transport des marchandises et dépourvu de toute ouverture.
Sous prétexte d’éviter d’éventuelles « évasions » des détenus au cours du voyage, le wagon déjà imperméable à la moindre parcelle d’air sera hermétiquement fermé et plombé au départ. C’est dans ces conditions d’insalubrité totale que nos camarades sont condamnés à effectuer un parcours de 308 kilomètres dans un train qui mettra au moins 15 heures pour arriver à Yaoundé, première escale d’un voyage hélas :! Sans retour pour la plupart d’entre eux.
Soulignons en passant que le seul fait qu’ils étaient des patriotes, nos camarades n’ont même pas eu droit au minimum de mesures hygiéniques généralement prises en faveur des animaux voyageant en chemin de fer.
Déjà extrêmement mal nourris, les détenus avaient tous une santé défaillante et étaient dès lors physiquement incapables de résister plus longtemps à une quelconque épreuve de force.
Voilà qui explique et justifie l’inquiétude, disons même l’angoisse de la foule qui à Douala assiste au départ des camarades, malgré la discrétion dont on a voulu entourer la cynique opération.
Lorsqu’enfin s’ouvre à la gare de Yaoundé le fameux wagon N° 31.047, 25 détenus politiques gisent sans connaissance sur le plancher, victimes d’une asphyxie criminelle soigneusement organisée par les services judiciaires d’Ahidjo et Arouna Njoya. Les 32 autres visiblement à bout de forces ne « tiennent » plus que par miracle. Ils sont transportés à l’hôpital où 2 d’entre eux à peine arrivés succombent à leur tour. C’est la panique totale dans les milieux fantoches qui organisent l’habituelle conspiration du silence autour du drame.
Mais que vaut le secret dans un « gouvernement » qui en public, donne l’apparence de l’unité et de la cohésion alors qu’en réalité il est miné par de profondes dissensions internes ?
A la faveur de cette situation, la tragique nouvelle a transpiré et s’est répandue à trainée de poudre grâce au peuple qui veille malgré les rigueurs du régime policier. Dépassé par les événements, le « gouvernement » ne peut plus persister dans son silence complice : plusieurs jours se sont déjà écoulés lorsqu’enfin il se décide à faire publier par Radio – Yaoundé un communiqué à la fois vague et embarrassé, sur la cruelle disparition de nos camarades : les fantoches croient réussir à contenir la colère du peuple devant leur nouveau crime en annonçant à la fin du communiqué l’ouverture d’une information judiciaire. Il s’agit en fait d’une véritable campagne de mystification.
En effet, quelques jours après cette annonce, le 10 février plus précisément, un journaliste européen, prêtre de son état, publie un article avec force détail sur la tragédie du train : cet article versé dans le dossier de l’affaire aurait pu dans une certaine mesure aider l’information judiciaire à avancer : mais à la stupéfaction générale, le journaliste a été expulsé du Kamerun et le numéro de « L’Effort Camerounais » comportant son article saisi par les autorités néocolonialistes. Ces mesures arbitraires ont mécontenté même certains suppôts du régime : c’est le cas par exemple du Dr Aujoulat, « ange gardien de la France au Cameroun » et par excellence directeur de conscience d’Ahidjo !...
Comme le relève l’ « Effort Camerounais » dans son éditorial du 25 février, « ces mesures qui nous touchent douloureusement », ne visent pas seulement à étouffer littéralement la liberté d’information, mais elles « viennent en réponse à la décision de Monseigneur l’Archevêque de Yaoundé de célébrer, en sa cathédrale, un office funèbre pour les 25 morts du train de Douala ». Elles prouvent avec éclat que le « gouvernement » n’entend pas situer les responsabilités que d’aucuns portent manifestement dans la troublante affaire du wagon n° 31.047 ; il a au contraire intérêt au silence pour se couvrir et couvrir ses services.
Lorsque les pressions exercées dans ce sens n’épargnent même pas l’Eglise, que peut-on encore espérer de l’issue d’une information judiciaire ouverte et conduite par des juges qui attendent du pouvoir en cause leurs salaires et leurs avancements ? Au fond, une enquête est-elle-même vraiment nécessaire ?
Dans la triste affaire des 27 morts du train de Douala, c’est le Ministre de la justice Njoya Arouna, c’est tout le « gouvernement » qui doit siéger au banc des accusés et répondre du crime qui endeuille une fois de plus de nombreuses familles Kamerunaises.
(2) Cynisme des cochons néocolons
Dans un pays où le dernier agent de la répression dispose de droit de vie ou de mort sur les patriotes, il n’est pas surprenant que la lutte du peuple Kamerunais ait déjà coûté des dizaines de milliers de victimes.
Barbarie: Assassiné au nom du « Président » Ahidjo
Gâchette facile pour la « protection » du président Ahidjo. Des morts à la pelle.
La consternation provoquée par ce massacre collectif de patriotes est à son comble lorsque l’on apprend le 19 février qu’un autre citoyen vient d’être abattu au nom du « président » Ahidjo. Cette nouvelle victime servait depuis longtemps au Nord-Kamerun. Arrivée récemment dans la ville de Yaoundé et ignorant tout ou presque de la réglementation routière, elle s’était engagée, à bicyclette, dans une rue débouchant – pour son malheur – sur le palais président, zone interdite. Obéissant aux instructions catégoriques reçues, la sentinelle présidentielle ne voulut pas entendre raison et l’abattit d’une balle tirée à bout portant, et ce, en plein jour.
Comme dans l’affaire précédente, la réaction officielle n’a pas été et ne pouvait être spectaculaire. Timidement il a été annoncé que la sentinelle a été « écrouée en attendant que soit connu le résultat de l’enquête. » Devant ce déni du principe le plus élémentaire de justice, l’indignation des magistrats du lieu a été telle qu’ils ont observée, en signe de protestation. Pensez donc ! Au vu et au su de tout le monde, un mercenaire a tué sans raison un paisible citoyen ; ce crime qui relève du flagrant délit devait être jugé le jour même et son auteur châtié de façon exemplaire.
Mais la justice dans notre pays est précisément entre les mains de ceux à qui profitent tous les crimes odieux que nous ne cesserons de flétrir ; alors on tente de nous bercer d’illusions sur le « résultat » d’une enquête pour la sentinelle était en état de « légitime défense » ayant été surprise par un « terroriste » venu attenter à ses jours et surtout à ceux de son « président » ?
Cela grossirait terriblement le dossier d’Ahidjo à la veille de son départ pour Washington où il doit réaffirmer son loyalisme aux Impérialistes américains et essayer d’obtenir quelques armes et quelques liasses de dollars de plus « pour la défense du monde libre sérieusement menacé à travers son régime » au Kamerun.
Du coup serait même « justifiée » la conclusion au cours du même voyage de quelques accords militaires entre les deux « partenaires », accords en vertu desquels les Etats-Unis d’Amérique contrôleraient les bases militaires dans notre pays, comme le fait déjà la France …
Vraiment, les fantoches se déjugeraient s’ils envoyaient leur agent au tribunal. Ils considèrent le patriotisme comme un défit, et pour réprimer ce « délit » ils ont donné des pouvoirs considérables, presqu’une carte blanche aux mercenaires et autres agents de tous ordres.
A ce propos, l’ « Effort Camerounais » rapportait l’année dernière cette grave déclaration faite à la population par un lieutenant de l’armée d’occupation : «J’ai le droit de tuer tout délinquant sans avoir besoin de passer par les tribunaux. Il s’agit d’un droit de vie et de mort sur les populations, il s’agit d’une véritable licence de la mort ».
De qui peut-il les détenir si ce n’est des fantoches ? Ce « droit » excessif et cette licence du meurtre ont permis à leurs détenteurs de faire d’innombrables et innocentes victimes dans les masses populaires kamerunaises.
Pour l’instant, rappelons un seul fait tragique qui prouve l’ampleur des assassinats den série faits par les mercenaires au nom du fameux «droit». Courant septembre 1961, plus précisément le 24 de ce mois, d’importantes unités militaires partent de Loum pour « exterminer » les maquisards du mon Koupé. Non seulement ils essuient un cuisant échec au cours de leur sortie puisqu’ils ne trouvent au «nid» aucun maquisard, mais pis encore les mercenaires laissent sur le terrain beaucoup des leurs. Revenus à Loum, les survivants de la bande se rendent au bar du quartier pour boire un « coup » et vanter leurs exploits devant les serveuses. A les entendre, tous les maquis du Koupé ont été détruits et on ne parlera jamais plus de « terroristes » dans ce secteur. C’est alors qu’une des serveuses ose poser la question de savoir le nombre des victimes et s’il est possible de présenter au moins quelques prisonniers à la population. Elle estime que cela produirait plus d’effet que toute description verbale fût-elle des plus expressives.
L’un des mercenaires voit tout de suite dans cette question un affront et fait marcher sa mitraillette : bilan 5 «délinquants» abattus. Ce mercenaire n’a été nullement inquiété puisqu’il est puissamment protégé par le «droit».
Comme on le voit, dans la bouleversante affaire des 27 détenus politiques tués dans le train de Douala ou dans l’assassinat pour le moins spectaculaire du regretté Laurent Belibi devant le palais présidentiel. Ce n’est pas pour rien que les fantoches de Yaoundé tergiversent. Leur responsabilité entière se trouve directement engagé à travers les agents en faute qui ne sont en fait, que des traduits en justice par la force des choses, ils seront amenés à avouer qu’ils étaient en service commandé et qu’ils ont tué au nom et pour le compte du « président » Ahidjo.
Voiture mitraillée
Un «droit» qui permet aux mercenaires de faire feu en tout lieu et à tout moment menace d’éloigner de notre pays les touristes et autres visiteurs étrangers qui risquent d’être confondus avec les «terroristes» et d’être traités comme tels. Un fonctionnaire du Bureau International du Travail en mission au Kamerun ne doit qu’au miracle d’avoir survécu à une attaque des mercenaires dont il fut victime à Yaoundé ; mais s’il s’en tira à merveille, sa voiture fut copieusement mitraillée. En raison du statut de cette personnalité, l’incident risquait d’avoir des proportions inespérées et c’est pourquoi les fantoches ont compris que la comédie de l’information judiciaire ne tromperait personne ici. Jetant le masque, ils ont préféré présenter au fonctionnaire du B.I.T. des excuses pour ce nouvel acte inconsidéré de leurs mercenaires en mal d’exploits dans la lutte contre les «délinquants terroristes».
Cet article rédigé au maquis le 20 mars 1962, par le martyr de l’indépendance totale du Kamerun, Ernest Ouandié, a paru dans la Voix du Kamerun des mois de juin-juillet 1962. Arrêté, puis condamné, Ouandié sera exécuté sur la place publique à Bafoussam le 15 janvier 1971.
Dans cet article digne d’un héros, il dénonce les atrocités du régime Ahidjo et fustige les assassins, criminels et tous les fantoches à la solde de ce dernier. C’est un cri du cœur, révélateur d’une réelle ardeur patriotique, que l’on peut déceler à travers ces lignes pathétiques. Certaines barbouzes de l’époque encore en service aujourd’hui sont ciblées par cet article et une lumière éclaboussante jaillit sur leur véritable nature, un vrai témoignage !
« S’il est déjà très grave d’avoir des esclaves, il n’y a rien de plus grave que d’avoir des esclaves et les appeler citoyens. A quelques mots près, c’est en ces termes qu’un philosophe étranger dénonçait il y a plus de deux siècles l’hypocrisie manifeste des régimes d’oppression en matière de conception de la liberté des peuples.
Oui, ces lignes datent de plus de deux cent ans, et aujourd’hui pourtant, elles demeurent d’une brûlante actualité pour notre pays et son peuple. En effet, deux ans après l’accession du Kamerun à l’Indépendance juridique, plus les fantoches multiplient les discours dans lesquels ils veulent se poser en « libérateurs suprêmes » du peuple kamerunais, et moins ce peuple croit à sa libération.
Journellement pillé, dégradé et torturé comme hier sous le régime colonial direct, il se rend bien vite compte que la mise sur pied d’institutions ironiquement baptisées nationales n’a pas résolu et ne pouvait résoudre dans les conditions que l’on sait, le grave problème de fond qui demeure toujours posé, celui de notre libération totale du joug de domination étrangère. Les colonialistes franco-britanniques sont « partis pour rester ».
Le Kamerun « Indépendant » continue dès lors à être dirigé de l’extérieur cette fois par l’intermédiaire d’une poignée de gouvernants autochtones vendus corps et âme aux puissances coloniales à qui ils doivent d’être provisoirement imposés à la tête de notre pays. Oui, les Ahidjo, Arouna, Assale et autres Foncha que l’ironie du sort maintient encore à la direction des affaires nationales, sotn des hommes préposés à la liberté mais qui ont malheureusement, pour un plat de lentilles, renoncé à cette liberté et prête serment de servir loyalement jusqu’à la mort l’impérialisme international dirigé parles Etats-Unis d’Amérique.
Il n’est donc pas surprenant que ces « esclaves volontaires coiffés du casque de l’indépendance » affichent, comme leurs maîtres, un mépris révoltant pour le peuple dont ils piétinent les droits et libertés les plus élémentaires à longueur de journée.
Un gouvernement d’assassins
Au fil des jours, tout le monde réalise que c’est un gouvernement d’assassinats que les néocolonialistes français et américains ont installé à Yaoundé, à la faveur d’une terreur militaire digne des seuls régimes fascistes. Les tragiques événements qui ont en particulier marqué le mois de février dernier en ont apporté la preuve supplémentaire.
Une fantaisiste histoire de « ralliement » ou un « démenti » tardif et embarrassé parviendront difficilement à masquer la vérité.
Criminelle asphyxie
Depuis le début de cette année, les maquis de Douala déploient des activités intenses : celles-ci ont fait écho auprès des détenus politiques de la localité qui y trouvent naturellement un réconfort moral à l’idée de savoir que la lutte pour le triomphe de leur idéal de liberté, de justice et de progrès se poursuit. Les fantoches alertés par leurs services n’ont qu’une idée : éloigner les détenus de Douala et les envoyer à Mokolo, citadelle de la répression, de la torture, de la mort lente et des exécutions sommaires. Le 1er février donc, 57 détenus politiques extraits de la prison de Douala sont parqués dans un wagon généralement affecté au transport des marchandises et dépourvu de toute ouverture.
Sous prétexte d’éviter d’éventuelles « évasions » des détenus au cours du voyage, le wagon déjà imperméable à la moindre parcelle d’air sera hermétiquement fermé et plombé au départ. C’est dans ces conditions d’insalubrité totale que nos camarades sont condamnés à effectuer un parcours de 308 kilomètres dans un train qui mettra au moins 15 heures pour arriver à Yaoundé, première escale d’un voyage hélas :! Sans retour pour la plupart d’entre eux.
Soulignons en passant que le seul fait qu’ils étaient des patriotes, nos camarades n’ont même pas eu droit au minimum de mesures hygiéniques généralement prises en faveur des animaux voyageant en chemin de fer.
Déjà extrêmement mal nourris, les détenus avaient tous une santé défaillante et étaient dès lors physiquement incapables de résister plus longtemps à une quelconque épreuve de force.
Voilà qui explique et justifie l’inquiétude, disons même l’angoisse de la foule qui à Douala assiste au départ des camarades, malgré la discrétion dont on a voulu entourer la cynique opération.
Lorsqu’enfin s’ouvre à la gare de Yaoundé le fameux wagon N° 31.047, 25 détenus politiques gisent sans connaissance sur le plancher, victimes d’une asphyxie criminelle soigneusement organisée par les services judiciaires d’Ahidjo et Arouna Njoya. Les 32 autres visiblement à bout de forces ne « tiennent » plus que par miracle. Ils sont transportés à l’hôpital où 2 d’entre eux à peine arrivés succombent à leur tour. C’est la panique totale dans les milieux fantoches qui organisent l’habituelle conspiration du silence autour du drame.
Mais que vaut le secret dans un « gouvernement » qui en public, donne l’apparence de l’unité et de la cohésion alors qu’en réalité il est miné par de profondes dissensions internes ?
A la faveur de cette situation, la tragique nouvelle a transpiré et s’est répandue à trainée de poudre grâce au peuple qui veille malgré les rigueurs du régime policier. Dépassé par les événements, le « gouvernement » ne peut plus persister dans son silence complice : plusieurs jours se sont déjà écoulés lorsqu’enfin il se décide à faire publier par Radio – Yaoundé un communiqué à la fois vague et embarrassé, sur la cruelle disparition de nos camarades : les fantoches croient réussir à contenir la colère du peuple devant leur nouveau crime en annonçant à la fin du communiqué l’ouverture d’une information judiciaire. Il s’agit en fait d’une véritable campagne de mystification.
En effet, quelques jours après cette annonce, le 10 février plus précisément, un journaliste européen, prêtre de son état, publie un article avec force détail sur la tragédie du train : cet article versé dans le dossier de l’affaire aurait pu dans une certaine mesure aider l’information judiciaire à avancer : mais à la stupéfaction générale, le journaliste a été expulsé du Kamerun et le numéro de « L’Effort Camerounais » comportant son article saisi par les autorités néocolonialistes. Ces mesures arbitraires ont mécontenté même certains suppôts du régime : c’est le cas par exemple du Dr Aujoulat, « ange gardien de la France au Cameroun » et par excellence directeur de conscience d’Ahidjo !...
Comme le relève l’ « Effort Camerounais » dans son éditorial du 25 février, « ces mesures qui nous touchent douloureusement », ne visent pas seulement à étouffer littéralement la liberté d’information, mais elles « viennent en réponse à la décision de Monseigneur l’Archevêque de Yaoundé de célébrer, en sa cathédrale, un office funèbre pour les 25 morts du train de Douala ». Elles prouvent avec éclat que le « gouvernement » n’entend pas situer les responsabilités que d’aucuns portent manifestement dans la troublante affaire du wagon n° 31.047 ; il a au contraire intérêt au silence pour se couvrir et couvrir ses services.
Lorsque les pressions exercées dans ce sens n’épargnent même pas l’Eglise, que peut-on encore espérer de l’issue d’une information judiciaire ouverte et conduite par des juges qui attendent du pouvoir en cause leurs salaires et leurs avancements ? Au fond, une enquête est-elle-même vraiment nécessaire ?
Dans la triste affaire des 27 morts du train de Douala, c’est le Ministre de la justice Njoya Arouna, c’est tout le « gouvernement » qui doit siéger au banc des accusés et répondre du crime qui endeuille une fois de plus de nombreuses familles Kamerunaises.
(2) Cynisme des cochons néocolons
Dans un pays où le dernier agent de la répression dispose de droit de vie ou de mort sur les patriotes, il n’est pas surprenant que la lutte du peuple Kamerunais ait déjà coûté des dizaines de milliers de victimes.
Barbarie: Assassiné au nom du « Président » Ahidjo
Gâchette facile pour la « protection » du président Ahidjo. Des morts à la pelle.
La consternation provoquée par ce massacre collectif de patriotes est à son comble lorsque l’on apprend le 19 février qu’un autre citoyen vient d’être abattu au nom du « président » Ahidjo. Cette nouvelle victime servait depuis longtemps au Nord-Kamerun. Arrivée récemment dans la ville de Yaoundé et ignorant tout ou presque de la réglementation routière, elle s’était engagée, à bicyclette, dans une rue débouchant – pour son malheur – sur le palais président, zone interdite. Obéissant aux instructions catégoriques reçues, la sentinelle présidentielle ne voulut pas entendre raison et l’abattit d’une balle tirée à bout portant, et ce, en plein jour.
Comme dans l’affaire précédente, la réaction officielle n’a pas été et ne pouvait être spectaculaire. Timidement il a été annoncé que la sentinelle a été « écrouée en attendant que soit connu le résultat de l’enquête. » Devant ce déni du principe le plus élémentaire de justice, l’indignation des magistrats du lieu a été telle qu’ils ont observée, en signe de protestation. Pensez donc ! Au vu et au su de tout le monde, un mercenaire a tué sans raison un paisible citoyen ; ce crime qui relève du flagrant délit devait être jugé le jour même et son auteur châtié de façon exemplaire.
Mais la justice dans notre pays est précisément entre les mains de ceux à qui profitent tous les crimes odieux que nous ne cesserons de flétrir ; alors on tente de nous bercer d’illusions sur le « résultat » d’une enquête pour la sentinelle était en état de « légitime défense » ayant été surprise par un « terroriste » venu attenter à ses jours et surtout à ceux de son « président » ?
Cela grossirait terriblement le dossier d’Ahidjo à la veille de son départ pour Washington où il doit réaffirmer son loyalisme aux Impérialistes américains et essayer d’obtenir quelques armes et quelques liasses de dollars de plus « pour la défense du monde libre sérieusement menacé à travers son régime » au Kamerun.
Du coup serait même « justifiée » la conclusion au cours du même voyage de quelques accords militaires entre les deux « partenaires », accords en vertu desquels les Etats-Unis d’Amérique contrôleraient les bases militaires dans notre pays, comme le fait déjà la France …
Vraiment, les fantoches se déjugeraient s’ils envoyaient leur agent au tribunal. Ils considèrent le patriotisme comme un défit, et pour réprimer ce « délit » ils ont donné des pouvoirs considérables, presqu’une carte blanche aux mercenaires et autres agents de tous ordres.
A ce propos, l’ « Effort Camerounais » rapportait l’année dernière cette grave déclaration faite à la population par un lieutenant de l’armée d’occupation : «J’ai le droit de tuer tout délinquant sans avoir besoin de passer par les tribunaux. Il s’agit d’un droit de vie et de mort sur les populations, il s’agit d’une véritable licence de la mort ».
De qui peut-il les détenir si ce n’est des fantoches ? Ce « droit » excessif et cette licence du meurtre ont permis à leurs détenteurs de faire d’innombrables et innocentes victimes dans les masses populaires kamerunaises.
Pour l’instant, rappelons un seul fait tragique qui prouve l’ampleur des assassinats den série faits par les mercenaires au nom du fameux «droit». Courant septembre 1961, plus précisément le 24 de ce mois, d’importantes unités militaires partent de Loum pour « exterminer » les maquisards du mon Koupé. Non seulement ils essuient un cuisant échec au cours de leur sortie puisqu’ils ne trouvent au «nid» aucun maquisard, mais pis encore les mercenaires laissent sur le terrain beaucoup des leurs. Revenus à Loum, les survivants de la bande se rendent au bar du quartier pour boire un « coup » et vanter leurs exploits devant les serveuses. A les entendre, tous les maquis du Koupé ont été détruits et on ne parlera jamais plus de « terroristes » dans ce secteur. C’est alors qu’une des serveuses ose poser la question de savoir le nombre des victimes et s’il est possible de présenter au moins quelques prisonniers à la population. Elle estime que cela produirait plus d’effet que toute description verbale fût-elle des plus expressives.
L’un des mercenaires voit tout de suite dans cette question un affront et fait marcher sa mitraillette : bilan 5 «délinquants» abattus. Ce mercenaire n’a été nullement inquiété puisqu’il est puissamment protégé par le «droit».
Comme on le voit, dans la bouleversante affaire des 27 détenus politiques tués dans le train de Douala ou dans l’assassinat pour le moins spectaculaire du regretté Laurent Belibi devant le palais présidentiel. Ce n’est pas pour rien que les fantoches de Yaoundé tergiversent. Leur responsabilité entière se trouve directement engagé à travers les agents en faute qui ne sont en fait, que des traduits en justice par la force des choses, ils seront amenés à avouer qu’ils étaient en service commandé et qu’ils ont tué au nom et pour le compte du « président » Ahidjo.
Voiture mitraillée
Un «droit» qui permet aux mercenaires de faire feu en tout lieu et à tout moment menace d’éloigner de notre pays les touristes et autres visiteurs étrangers qui risquent d’être confondus avec les «terroristes» et d’être traités comme tels. Un fonctionnaire du Bureau International du Travail en mission au Kamerun ne doit qu’au miracle d’avoir survécu à une attaque des mercenaires dont il fut victime à Yaoundé ; mais s’il s’en tira à merveille, sa voiture fut copieusement mitraillée. En raison du statut de cette personnalité, l’incident risquait d’avoir des proportions inespérées et c’est pourquoi les fantoches ont compris que la comédie de l’information judiciaire ne tromperait personne ici. Jetant le masque, ils ont préféré présenter au fonctionnaire du B.I.T. des excuses pour ce nouvel acte inconsidéré de leurs mercenaires en mal d’exploits dans la lutte contre les «délinquants terroristes».