Depuis quelques jours, le ministre de l’Agriculture fait l’objet d’accusations de détournement, de concussion et de délit d’initié dans la presse. Ses proches y voient la main de ses adversaires politiques.
Essimi Menye serait pressenti pour revenir au
ministère des Finances (Minfi). En tout cas ses proches y croient dur
comme fer. De leur point de vue, c’est ce qui vaudrait au ministre de
l’Agriculture et du développement rural (Minader) « la campagne de
diabolisation » entreprise par « ses adversaires politiques » dans les
journaux depuis le 26 août 2013. Et dans l’entourage d’Essimi Menye,
deux noms reviennent régulièrement : Laurent Esso, l’actuel ministre de
la Justice et Lazare Atou, propriétaire du cabinet Atou, présenté comme
l’homme-lige du Garde des sceaux.
Rancune
Pour comprendre cette suspicion, il faut remonter au passage d’Essimi
Menye au ministère des Finances (2007- 2011). Durant à peu près toute
cette période, un conflit, sur fond de contrôle de la gestion des actifs
résiduels de trois entreprises publiques liquidées (Regifercam, Oncpb,
Onpc) d’une valeur oscillant entre 45 et 100 milliards de Fcfa selon les
estimations, a opposé d’un côté Essimi Menye et de l’autre Laurent Esso
alors secrétaire général de la présidence de la République et Lazare
Atou, administrateur délégué du cabinet conseil éponyme.
Le cabinet Atou, chargé depuis le 18 mai 2006 de la gestion et de la
préservation des ces actifs résiduels, voit ce droit lui être contesté
par Essimi Menye au motif que son mandat est arrivé à expiration depuis
le 03 avril 2007 ; chose que réfute Lazare Atou avec le soutien de
Laurent Esso. Avec le départ d’Essimi Menye du Minfi le 09 décembre
2011, le cabinet Atou a repris du service. Et pour preuve, en page 24 de
l’édition de Cameroun Tribune du 02 septembre 2013, ledit cabinet lance
« la vente d’un lot de 500 tonnes environ de rebuts d’infrastructures
ferroviaires appartenant à l’ex-Régie nationale de chemin de fer (Rncf
ou Regifercam) entreposé à Bassa-Douala ». Le retour de l’actuel Minader
au Minfi lui ferait donc craindre d’être à nouveau stoppé, d’où la «
campagne de diabolisation ».
Diabolisation
Si ces certitudes des proches du ministre de l’Agriculture restent
difficiles à vérifier, il ne souffre d’aucune contestation que le lundi
26 août 2013, un quotidien et deux hebdomadaires ont dénoncé « les
détournements », « la concussion » et « le délit d’initié » de
l’ex-ministre des Finances et depuis, Essimi Menye fait la une de
certains périodiques qui le présentent sous un mauvais jour.
Ce lundi en question, le quotidien Mutations titre à sa une «
Détournement : La justice enquête sur Essimi Menye », L’Epervier
renchérit « Opération épervier acte II : Essimi Menye détourne 19
milliards de Fcfa » et l’Anecdote achève « Opération épervier : Essimi
Menye vend une société d’Etat à son cadet ». La semaine d’après,
l’Anecdote revient à la charge et titre cette fois « Exclusif : Essimi
Menye offre 9 milliards à Charles Metouck ». Des accusations cousues de
fil blanc répondent les défenseurs de l’ex-ministre des Finances. Voici
leurs arguments :
Sur l’affaire de 19 milliards
Comme le relève un proche parent du ministre, en parcourant les articles
qui ont révélé l’ouverture d’une enquête judiciaire contre Essimi Menye
pour le détournement présumé de 19 milliards lors de son passage au
ministère des Finances, on n’est pas entièrement informé sur le sujet.
Si on sait que « cette somme représente le cumul des différents montants
qui lui sont imputés », on n’est que très partiellement informé sur les
dates, lieux et méthodes de détournement. Sur ces aspects, tout ce que
Mutations dit c’est qu’une partie de ce montant soit 3,6 milliards de
Fcfa aurait été détournée des caisses de la trésorerie générale de
Douala entre 2008 et 2010, selon un « fiche spéciale » acheminée au
ministère de la Justice.
En réponse, l’on brandit dans l’entourage d’Essimi Menye le rapport 2011
de la Commission nationale anti-corruption. De la page 118 à la page
137 de ce document, la Conac y consigne les résultats de ses
investigations menées dans les trésoreries de la République au cours de
la même période. Et si elle y a effectivement constaté des distractions
de fonds notamment à la trésorerie générale de Douala, elle n’y engage
nulle part la responsabilité directe du ministre des Finances dans ces
forfaits. Et les proches du ministre de renchérir « c’est au contraire
sur la base des missions internes de contrôle diligentées par le
ministre que certains procès, comme celui qui oppose en ce moment l’Etat
du Cameroun à Thomas Tcheuko Ngalee Sengape, l’ancien caissier
principal de la trésorerie de Douala, ont cours devant le Tribunal
criminel spécial.»
Sur la liquidation de la Sct
C’est ici où se trouverait, en croire un parent du ministre de
l’Agriculture, la plus grosse calomnie : « Essimi Menye vend une société
d’Etat à son cadet ». Avec ce titre à sa grande une, l’anecdote nous
apprend que « du temps où il était Minfi, l’actuel Minader a cédé de
manière frauduleuse la Société Camerounaise de Tabac (Sct) à son petit
frère à 50 millions ». « Grossier !» s’exclame ce dernier qui explique
document à la main, que l’opération de vente des actifs de la défunte
Sct a été lancée en 2000 avec la mise sur pied de la commission de
liquidation présidée par Ahmadou Oumarou. A cette date, Essimi Menye
n’est même pas encore membre du gouvernement.
De plus, selon un rapport sur les ventes des immeubles bâtis et non
bâtis appartenant à l’ex Sct (station de Batschanga) et signé de Fritz
Njewa Eyango, mandataire local de la Sct, à la date du 11 janvier 2008
on comptait déjà plus de 200 acquéreurs donc des sociétés publiques
telles que la Société nationale d’investissement. Autres arguments
avancés, à l’Est du pays, c’est la Fédération des planteurs de tabac et
autres cultures vivrières (Fptc), sociétés de type coopérative
constituée notamment des ex-employés de la Sct qui a hérité du
patrimoine de cette entreprise.
Sur le rachat d’Amity Bank par Banque atlantique
Le 10 février 2009, Essimi Menye le ministre des Finances d’alors a
effectivement fait virer un peu plus de 9 milliards à Banque atlantique à
la suite du rachat Amity Bank par Banque atlantique. Mais conteste ses
proches, il ne s’agit pas d’un don comme présenté dans la presse mais
plutôt d’un dépôt en bons du trésor destinés à soutenir la banque qui a
accepté de reprendre Amity banque avec son passif alors qu’elle était en
difficulté suite à des prêts avec de fausses garanties. Pour assurer la
sécurité de ce dépôt, précise-t-on encore, la Société de recouvrement
du Cameroun et la Caisse autonome d’amortissement ont été associées à
l’opération.