Sénégal : pourquoi la révolte gronde-t-elle contre Wade ?
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Sénégal : pourquoi la révolte gronde-t-elle contre Wade ? (Quoi.info 29/01/2012) L'opposition sénégalaise appelle à la résistance contre son président Abdoulaye Wade. Vendredi soir, une vague d'émeutes a éclaté à Dakar, suite à la validation par le conseil constitutionnel de sa candidature pour un 3e mandat. L'opposition au président sénégalais Abdoulaye Wade, représentée par le mouvement du 23 juin (M23) a appelé samedi 28 janvier à la résistance au chef d'état. Selon le M23, des "dizaines" de ses membres ont été arrêtés samedi dans tout le pays, parmi lesquels Alioune Tine, son coordinateur et défenseur des droits de l'Homme en Afrique. Vendredi soir, une vague de violences a éclaté au Sénégal, à Dakar et dans plusieurs villes de province, suite à la validation par le Conseil constitutionnel sénégalais de la candidature du président à un 3e mandat. 1. Le doute sur la légalité de la candidature de Wade Si l'annonce de l'autorisation de la candidature d'Adboulaye Wade a suscité autant de remous, c'est que, selon l'opposition, il n'a tout simplement pas le droit de se représenter à l'élection présidentielle. Abdoulaye Wade, 86 ans, a été élu une première fois en 2000 pour 7 ans, puis réélu en 2007 pour 5 ans, après une révision de la Constitution sénégalaise en 2001 instaurant un quinquennat renouvelable une fois. Aujourd'hui, il est à nouveau candidat à sa propre succession pour 7 ans, le septennat ayant été rétabli en 2008 grâce à une nouvelle modification constitutionnelle. Pour ses opposants, le président se présente à un troisième mandat illégal, car la Constitution du Sénégal interdit de remplir plus de deux mandats présidentiels consécutifs. A l'inverse, les partisans d'Abdoulaye Wade affirment que le premier mandat du président ne doit pas être compté, car il était déjà entamé lorsque la Constitution a été modifiée en 2001 et a interdit de briguer plus de deux quinquennats successifs. Abdoulaye Wade se présenterait donc à un second mandat conforme à la Constitution. En autorisant la candidature d'Abdoulaye Wade à la prochaine élection présidentielle, le Conseil Constitutionnel sénégalais s'est rallié à cette interprétation. 2. Une présidence de plus en plus contestée La colère des opposants au troisième mandat est d'autant plus grande qu'en 2007, Abdoulaye Wade avait publiquement promis de ne pas se représenter. Et que ce jeudi 26 janvier 2011, il a assuré qu'il pouvait légalement se présenter non seulement en 2012, mais également en 2019. Une déclaration perçue comme une véritable provocation pour l'opposition, qui reproche au président de vouloir se maintenir au pouvoir coûte que coûte. En juin 2011, Abdoulaye Wade avait en effet proposé une modification du scrutin présidentiel pour permettre l'élection du président et d'un vice-président s'ils réunissaient seulement 25% des voix au premier tour. Face aux violentes manifestations qui éclatent le 23 juin en réaction à ce projet, le président avait fait marche arrière. Mais l'indignation et l'agacement des forces d'opposition subsiste, et la présidence d'Abdoulaye Wade est de plus en plus contestée. Depuis sa première élection en 2000, le chef d'État a plusieurs fois modifié la Constitution sans accord du Parlement, a dissous puis rétabli le Sénat en nommant lui-même les sénateurs, et est accusé d'avoir rendu particulièrement instable le paysage politique sénégalais. En 11 ans, ce sont 5 premiers ministres, 4 présidents de l'Assemblée nationale et plus d'une centaine de ministres qui se sont succédés, parfois pour quelques mois seulement. 3. Une fin de campagne sous haute tension Aujourd'hui, certains des anciens Premiers ministres d'Abdoulaye Wade, devenus opposants, se présentent contre lui à l'élection présidentielle du 26 février prochain. La candidature, très médiatisée, de Youssou N'Dour a en revanche été rejetée par le Conseil Constitutionnel. Motif ? Le musicien n'aurait réuni les 10 000 signatures requises : 4000 de ses 12 000 soutiens n'auraient pas pu être vérifiés. Dès l'annonce de la décision du Conseil Constitutionnel, Youssou N'Dour a dénoncé un "coup de force" d'Abdoulaye Wade, et a affirmé : "nous ne l'autoriserons jamais à participer à cette élection". Le Mouvement du 23 juin (M23), une coalition de partis politiques d'opposition et d'organisations de la société civile, est allé plus loin, appelant les Sénégalais à "marcher sur le palais" présidentiel pour "déloger" le chef d'État. A moins d'un mois de l'élection présidentielle, malgré l'appel de l'ONU à un scrutin "apaisé" et la fin des émeutes à l'aube de ce 28 janvier 2012, la situation au Sénégal reste pour le moins tendue. par Mathilde Boireau
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