Sénatoriales - Simon Achidi Achu et John Fru Ndi: le duel des titans

DOUALA - 19 MARS 2013
© Donat SUFFO | Le Messager

Va-t-on assister au remake de 1988 entre ces deux hommes politiques, le 14 avril 2013, date des élections sénatoriales où les deux têtes de prou sont en course?

Simon Achidi Achu et sa théorie « Politic na njangui », John Fru Ndi et son slogan « Power to the people et Sofer Don finish». Qui des deux vétérans du landerneau politique de la région et par extension du pays remportera les premières sénatoriales de l’ère Biya dans la région du Nord-Ouest ? Cette question taraude les esprits. Avec quelques 509 conseillers municipaux Rdpc contre 507 pour le Sdf, la victoire est, a priori, attribuée au parti du flambeau. L’affirmer, c’est ignorer que le Sdf a une carte à jouer. Est-ce le joker de la promesse faite à John Fru Ndi par Paul Biya à travers Martin Belinga Eboutou ? Ce qui voudrait dire que le Rdpc Nord-Ouest serait sacrifié par la hiérarchie du parti au profit du Sdf dans cette région, au nom d’un éventuel arrangement entre le président national du parti du flambeau et le leader charismatique du parti de la balance. Cette thèse pourra-t-elle occulter la discipline du parti. En alignant Simon Achidi Achu comme tête de liste Rdpc dans la région du Nord-Ouest, Paul Biya, président national du parti au pouvoir, a-t-il voulu griller la carrière politique de l’ancien Premier ministre, en l’opposant à un John Fru Ndi dont l’aura a dépassé depuis 1990, les frontières de la région du Nord-Ouest et captive le triangle national? La défaite du théoricien de «Politic na njangui, you crash ma back, I crash your own » sera interprétée alors comme une cuisante humiliation. C’est la même lecture qu’on arrivera à conclure si John Fru Ndi arrivait à perdre la face devant son « frère » du village Santa.


Remake de 1998

En tout cas, l’explication entre les deux fauves le 14 avril 2013 se présente, d’ores et déjà, comme un remake du duel Achidi Achu contre John Fru Ndi de 1988. Ces deux hommes à l’époque du monolithisme, bataillaient pour les législatives au sein de la même formation politique : le Rdpc. Achidi Achu qui conduisait la liste de couleur verte prenait le dessus sur la liste de couleur kakie de John Fru Ndi. Une défaite qui avait contribué pour beaucoup dans la défection de Fru Ndi des rangs du Rdpc pour la création du Sdf en 1990. Le contexte a changé. Les deux hommes ne militent plus dans le même parti. John Fru Ndi a vu son aura grandir depuis, défiant même les forces de l’ordre. Autant Achidi Achu était le Premier ministre, sapeur pompier, nommé dans les années 1990 par Paul Biya pour contrecarrer les velléités frondeuses de son « frère » du village Fru Ndi. C’est dire que l’on va revivre de chaudes empoignades entre ces deux titans de l’arrondissement de Santa et par extension de la région du Nord-Ouest. Si le charisme de John Fru Ndi l’a rendu populaire, il est une chose, les sénatoriales sont conçues comme un suffrage censitaire avec un collège électoral bien établi. On n’assistera pas à un vote populaire comme cela a été le cas lors des autres élections antérieures. Le sort des deux listes réside entre les mains des conseillers municipaux bien différents des électeurs ordinaires des consultations populaires comme les députations ou les municipales. Lesquelles consultations populaires ont toujours tourné en la faveur du Sdf dans la circonscription électorale spéciale de Santa depuis 1997. Malgré la présence de Simon Achidi Achu sur le terrain. Toutefois, il faut compter sur les mécontents de l’investiture aussi bien au Sdf qu’au Rdpc pour faire basculer la victoire d’un camp comme dans l’autre au soir du 14 avril prochain.

Donat SUFFO


En lice… Des Hommes de poigne dans les deux camps

Achidi Achu dans sa liste, s’est entouré des hommes de poigne telle que l’homme d’affaires assureur et banquier Awanga Zacharie. Ce dernier est le propriétaire de National financed credit (Nfc) bank, de Azam Hotel Bamenda et de Samaritan Insurance Inc. Il avait contribué à près de 32 millions FCfa pour la campagne de Paul Biya à la présidentielle de 2011. Il aura fort à faire face à Joseph Atekwana colistier de Fru Ndi et trésorier adjoint du Sdf. Cet ingénieur d’agriculture et ex-chercheur au ministère de la Recherche scientifique est un militant de première heure du Sdf. Il a été provincial Sdf dans le Centre-Sud et l’Est. Il maîtrise le terrain de son Njikwa natal où il se consacre à l’élevage et l’agriculture intensif.

Dinga Ignatius Bayin est l’un des colistiers d’Achidi Achu. Ancien trésorier payeur général de Bamenda, Maroua et Nkongsamba, ce fils Balikumbat actuellement au ministère des Finances compte sur le loyalisme des 30 conseillers municipaux Rdpc de la commune de Balikumbat. Toujours est-il qu’un risque persiste ici. Certains conseillers mécontents de l’incarcération du maire Augustine Wasum de Balikumbat depuis juillet 2012 peuvent voter pour la liste du Sdf. C’est dire si l’ex-Tpg a la responsabilité de mener un travail de charme auprès de ces conseillers municipaux.

Tabali Bernard ex-maire Sdf de Ndop pourra contrecarrer les votes Balikumbat avec celles de Babessi. Tout comme, il pourra tirer profit de la déchirure au sein de la section Rdpc à Ndop pour passer comme lettre à la poste dans le chef lieu de ce département où la commune est Rdpc et son maire en taule. Wanlo Chima John maire de la commune Rdpc de Bum (département du Boyo) est un autre lieutenant de Simon Achidi Achu. Cet officier de la douane camerounaise n’aura pas de soucis à se faire dans sa municipalité de Bum. Seulement, sa difficulté résidera à convaincre les conseillers municipaux des trois autres communes entièrement aux couleurs du Sdf (Fundong, Njinikom, Belo) de ce département. Un avantage pour le Pr émérite Paul Nkwi de la liste de John Fru Ndi, fils du Boyo.


Les déçus des investitures

Dans la Menchum, la fibre minoritaire pourra faire basculer les résultats. La Menchum Valley avec pour chef lieu Benakuma s’est toujours considéré comme un laissé-pour-compte du régime Biya. Bien que cette commune soit entièrement Rdpc, les conseillers municipaux peuvent voter pour le candidat du Sdf. Ce dernier est de la Menchum Valley, communauté minoritaire du département de la Menchum. Et pour cause, l’élite des autres communautés Ayem (Wum, Zhoa etc.) considère celle de Benakuma comme des sous hommes. Cela se reflète dans la confiscation des postes de responsabilités et autres nominations à la sphère étatique. L’élite Rdpc de Benakuma pourra saisir l’opportunité de ces sénatoriales pour se départir de cette domination des élites de Wum et Zhoa. Elle pourra par vengeance œuvrer afin que les conseillers municipaux Rdpc votent pour la liste du Sdf sur laquelle se trouve un Benakuma comme elle. Ça s’appellerait ainsi un vote sanction. Mais Achidi Achu en est conscient. Sauf à proposer à cette minorité Benakuma, une éventuelle nomination d’un des leurs parmi les trois autres sénateurs par le président de la République.

Mme Eno Emma Lafon colistière de Simon Achidi Achu, pourra-t-elle faire le front à Njong Donatus (maire de Kumbo) du Sdf dans le département du Bui ? Elle ne pourra compter que sur les conseillers municipaux d’Elak-Oku, Jakiri, Nkor et Mbiame pour damer le pion au maire adulé de Kumbo, dont l’estime va au delà de sa simple municipalité. Aussi, le rejet de la liste de Lawrence Tacha par la commission régionale d’investiture du Rdpc, pourrait pousser certains conseillers municipaux Rdpc du département du Bui à voter pour l’opposition. Pas si sûr !

Dans le Donga Mantung, le salut du Rdpc, viendra des communes de Nwa, Misaje et Ako. Mais le Sdf compte ici sur les promesses non tenues par l’élite Rdpc de ces municipalités depuis cinq ans pour grappiller des voix. Dans le département de la Mezam, il n’y a pas match entre John Fru Ndi et Simon Achidi Achu. Le Sdf va d’office favori dans ce département avec 5 mairies (Bamenda I, II, III, Bafut et Tubah), contre une seule (Bali) pour le Rdpc. Une seule commune (Santa) est partagée entre le Sdf (29 conseillers) et Rdpc (9 conseillers).

Au demeurant, force est de constater que ces sénatoriales seront très courues dans la région du Nord-Ouest. A moins que les consignes de vote, instrumentalisées depuis la hiérarchie du Rdpc ne sacrifie le parti du flambeau au profit du Sdf. Le deal, réel ou supposé, entre Martin Belinga Eboutou émissaire de Paul Biya et John Fru Ndi en dépend.

Donat SUFFO



19/03/2013
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