Sénatoriales 2013. Paul Biya sourd à l'appel du peuple
Par le canal des partis politiques, des organisations de la société civile, des médias, une immense partie du peuple a souhaité des élections municipales avant les sénatoriales afin que les sénateurs reflètent la nouvelle carte politique. Mais Paul Biya est resté insensible à ces appels.
C’est connu de tous les amateurs de la politique. Une consultation électorale sans consensus minimal sur le timing, l’organisation ou encore la participation est problématique. En ce que, ses résultats sont contestés avant que les urnes aient rendu le secret de leur chiffre. Ce qui jette une hypothèque sérieuse sur la légitimité des « élus » qui plus, sont des sénateurs du rang desquels est issu l’intérimaire à la magistrature suprême en cas de vacance. Cet aspect est d’autant plus inquiétant que Paul Biya, au pouvoir pour 6 ans encore au moins, est âgé de 80 ans. L’autre aspect de l’absence de consensus minimum est le risque qui plane sur la paix sociale du fait du timing contesté de l’organisation des sénatoriales par l’ensemble de l’opposition et même par certains apparatchiks du parti au pouvoir.
Que voulaient la classe politique et l’opinion pour que ce consensus minimal soit acquis? Simplement que les sénatoriales annoncées par le président de la République le 31 décembre 2012 au cours de son traditionnel discours de fin d’année se tiennent après l’élection des conseillers municipaux envisagé autour du mois de juin 2013, à défaut d’organiser des consultations régionales pour désigner les conseillers régionaux faisant partie avec les conseillers municipaux du collège électoral des sénatoriales.
Pour ce faire, tous les cadors de l’opposition sont montés au créneau pour insister sur la recomposition du collège électoral des sénateurs plus adapté de la réalité de 2013 que celle de 2007, année des dernières élections municipales. Maurice Kamto qui ne peut concourir parce que n’ayant le contrôle sur aucun conseil municipal mettait « en garde » le chef de l’Etat contre l’organisation des sénatoriales avant les municipales. Ni John Fru Ndi et Jean Jacques Ekindi profitaient en début janvier dernier, de la cérémonie de présentation des vœux des corps constitués de l’Etat à Paul Biya pour indiquer à leur hôte l’urgence de faire organiser les municipales avant. Par d’autres canaux, Kah Walla, Bernard Muna, Albert Dzongang, Jean de Dieu Momo et autres martelaient les mêmes doléances.
Monstruosité
Sur les réseaux sociaux et sur les antennes des radios urbaines, de nombreux Camerounais participant à toutes sortes de débats sur le calendrier électoral jugeaient important de renouveler un collège électoral vieux de 6 ans et pis, dont les mandats initiaux de sa composante sont échus depuis un an. Il y en a même au sein de l’appareil administratif qui ont parié sur la sagesse du président suivant les « gestes » fait au sujet des demandes de refonte du fichier électoral, de l’introduction de la biométrie et de l’élargissement du Conseil électoral à de personnalités réputées plus neutres – à défaut de changer les premiers membres-. Mais c’était sans compter sur le cynisme de Paul Biya qui, fidèle à son habitude a pris l’opinion nationale de cours.
La parfaite illustration de cette monstruosité est la consultation des leaders de l’opposition et de la société civile chez le Premier ministre relativement aux élections municipales alors que concomitamment, le décret convoquant le collège était lu sur les antennes de la Crtv. La pilule a alors été difficile à avaler. John Fru Ndi qui prévenait déjà Paul Biya de « gâter avec lui, le pays » s’il snobait la demande du peuple a sans euphémisme, appelé ses partisans à protester avec véhémence. Quant à Kah Walla, elle appelle « tous les acteurs et toutes les actrices de la vie politique au Cameroun à contester ouvertement cette élection sénatoriale et à ne pas s’associer à cette vaste mascarade et escroquerie démocratique, face à ces nombreuses transgressions, germes d’une instabilité sociale et à cette tentative de contrôle total et maladroit de la chambre législative par l’Exécutif ».
Paul Biya qui détient tous les indicateurs politiques s’attendaient certainement à cette levée de boucliers de la classe politique et de la société civile. Mais a estimé utile de la braver au nom d’un agenda qu’il est le seul à détenir. Juste volonté de réaffirmer qu’il est le boss au bout de 30 années d’un règne qui affiche des airs de fatigue ? Ou simple volonté de montrer les muscles ? Mais à quel prix… celui de courroucer le peuple. Dans ce chapitre le président est multirécidiviste.
Rodrigue N. TONGUE