Le
ministre de la communication était face à la presse mardi 5 mars 2013 à
Yaoundé où il a estimé que la convocation du collège électoral par le
chef de l’Etat, pour les sénatoriales le 14 avril 2013, procède de la
légalité et de la légitimité. «Le perroquet » du gouvernement est passé à
côté du débat en oubliant que le Cameroun a ratifié la Charte de
l’Union africaine, qui elle, est au dessus des lois nationales.
Depuis la convocation du collège électoral pour les sénatoriales du 14
avril 2013 par un décret du chef de l’Etat datant du 27 février 2013,
Issa Tchiroma, ministre de la communication, autoproclamé porte-parole
du gouvernement, s’est montré discret jusqu’à la date du mardi 5 mars
2013. Au cours d’un point de presse tenu dans la salle de conférence du
département ministériel dont ce natif de Garoua a la charge, le Mincom
s’est exprimé mardi 5 mars 2013 sur l’actualité politique majeure, pour
faire entendre la position du gouvernement.
Dans un contexte où des leaders politiques, de la société civile, les médias et autres ont entonné un concerto pour fustiger le complot politique qu’a fait le président de la République, en décidant de la tenue des élections sénatoriales avant les municipales et les législatives. Une posture consolidée par le fait que, seuls les conseillers municipaux (pourtant mal élus en 2007) aux yeux de la loi, constituent les seuls membres du collège électoral convoqué par Paul Biya en raison du fait que les conseillers régionaux n’existent pas encore.
Le Mincom en invoquant la Constitution dans son article 67 modifié en 2008, expliqu’ «au cas où la mise en place du Sénat intervient avant celle des régions que le collège électoral pour l’élection des sénateurs est composée exclusivement des conseillers municipaux ». Issa Tchiroma a fait du juridisme en arguant que les sénatoriales qui vont se dérouler le 14 avril prochain, découlent de la légalité et de la légitimité. Mobile invoqué, le décret présidentiel du 30 mai 2012 qui a prorogé le mandat forclos des conseillers municipaux pour un bail de douze mois.
C’est dire selon le Mincom, que la légalité et la légitimité ne sont pas sujettes à caution. Dans une approche linguistique, le Mincom surfe allègrement sur… du vague. Issa Tchiroma soutient que « les substantifs «légalité» et «légitimité» procèdent tous des mêmes racines latines «lex» et «legis» qui réfèrent au signifiant «loi». Le néo linguiste fait abstraction de ce que la légitimité est l’apanage du peuple qui décide de la confier à ses représentants que lui-même a délibérément choisis.
Droit inaliénable
En outre, le ministre de la Communication, ne s’est plus souvenu de ce que le Cameroun a ratifié en 2012 la Charte de l’Union africaine (Ua). Et conformément au droit, les conventions et chartes supranationales ratifiées sont au dessus des lois nationales dans la nomenclature des textes juridiques. Pas mieux que Maurice Kamto, sémillant agrégé de droit, avocat au barreau de Paris et par ailleurs président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) pour rappeler la violation par Paul Biya de cette fameuse charte de l’Ua dont le Cameroun est membre.
« En faisant des conseillers municipaux dont le mandat a expiré depuis juin 2012, et prorogé à deux reprises, le collège électoral des sénateurs, le président de la République prive les citoyens camerounais de leur droit à la « participation effective (…) aux processus démocratiques» stipulé par l’article 3(7) de la Charte de la démocratie, des élections et de la gouvernance de l’Union africaine, entrée en vigueur en 2012 à la suite de sa ratification par le Cameroun et qui s’impose donc à notre pays.
Or, le Cameroun et les autres Etats-parties à
cette charte « considèrent la participation populaire au suffrage
universel comme un droit inaliénable des peuples (article 4) » a indiqué
l’homme politique au cours d’une conférence de presse dont le compte
rendu a été relayé dans Le Messager du 5 mars 2013.
Au cours de cette entrevue, Maurice Kamto a tiré à boulets rouges sur la
volonté de Paul Biya de faire du Sénat une chambre unicolore et
monolithique. D’un point de vue éthique, Pr Charly Gabriel Mbock,
anthropologue et non moins homme politique, bat en brèche la légalité
dont se prévaut Paul Biya pour convoquer le collège électoral.
«Dérision sénatoriale»
«Les Sénatoriales annoncées se présentent en effet comme un nouvel acte de la gouvernance cosmétique dont le Cameroun est victime depuis trente ans. En dressant son peuple Rdpc contre le Peuple du Cameroun, le Chef de l’Etat se prévaut de la légalité d’un décret pour perpétrer l’immoralité électorale. Le légal se met ainsi au service de l’immoral chez un chef d’Etat dont le principe d’action prétendait être la rigueur et la moralisation.
Cette légalisation de l’immoralité pose un grave problème d’éthique politique qui confirme l’hostilité du régime à toute transparence électorale » soutient mordicus Charly Gabriel Mbock qui remet en cause l’acte du chef de l’Etat. Pour l’anthropologue, Paul Biya, « le chef de l’Etat, vient de consacrer la dérision sénatoriale. Le Sénat du Cameroun ressemblera ainsi aux autres institutions nationales et à leur architecte : une vitrine cosmétique pour donner le change à l’opinion internationale.
Le blanchiment de tombeaux auquel la convocation
des sénatoriales souscrit fuse comme un tocsin : ce n’est plus l’avenir
des enfants du Cameroun qu’on prépare, mais des funérailles»
déclare-t-il dans les colonnes du Messager du 6 mars 2013.
Frappant sur le même clou, Abanda Kpama, président du Manidem dénonce le
coup d’Etat politique qu’a fait Paul Biya en convoquant le collège
électoral pour les sénatoriales avant les municipales et législatives.
Pour lui, « le mandat des conseillers municipaux actuels est caduc
depuis juillet 2012. Ce sont des électeurs illégitimes qui vont désigner
des sénateurs qui seront de fait illégitimes. Il s’agit d’un dévoiement
de la démocratie et de l’esprit républicain.