Sénatoriales 2013 : Hold-up à la démocratie

Cameroun - Sénatoriales 2013 : Hold-up à la démocratieSur 100 sénateurs, le président Biya et le Rdpc se sont déjà réservé 30.

Si on devait comparer les élections sénatoriales du 14 avril prochain à un match de football, ce serait une rencontre pour le moins absurde. Car, avant même le coup d'envoi, l'une des parties, le Rdpc, mène déjà par 30 buts à zéro. Puisque selon la Constitution, le président de la République, président national de ce parti, nomme 30 sénateurs sur 100. Il ne lui reste plus qu'à obtenir 21 sénateurs le 14 avril prochain, pour s'assurer une majorité absolue dans la future chambre haute du Parlement camerounais.

Bien plus, même à l'intérieur du Rdpc, le président national, Paul Biya, s'est arrangé pour avoir le dernier mot sur la liste des candidats à la candidature. Le 1er mars dernier, il a rendu public une circulaire sur les modalités d'investiture des candidats de son parti aux élections sénatoriales. Après la recension des candidatures au niveau régional, elles sont transmises à la commission centrale de supervision, qui, elle-même transmet les différentes listes à la commission nationale d'investiture, présidée par le président de la République.

Lequel a la possibilité de discriminer à sa guise. Sachant que l'électorat est largement constitué de conseillers municipaux Rdpc (9276 sur les 10626), le choix du président national porté sur un individu pour figurer sur une liste, vaut quasiment élection… Donc, en l'absence de primaire au sein de son parti, il aura en quelque sorte nommé les sénateurs Rdpc. Selon Jean  Takoungang du Sdf, le fait pour le président de la République de nommés des sénateurs est une « grossière violation du sacro-saint principe de la séparation des trois pouvoirs édictée par Montesquieu, car le Sénat se composera à la fois des « élus » et des « discrétionnairement nommés » qui ne seront rien d'autre que des ministres désignés par le chef de l'Etat pour mutiler toute action qui ne sera pas de son goût ». Il va plus loin : « Il est donc inutile de rappeler que les élus répondront de leur électorat, du peuple et que les nommés, eux-aussi répondront de leur électorat qui est le président ! Les uns seront donc les représentants du peuple et les autres les représentants du président, donc de l'Exécutif. L'acte de nomination étant un acte de création, donc un acte divin.

La Bible nous enseigne que chaque Dieu ne crée qu'à son image et à sa ressemblance. En convoquant les Sénatoriales dans les conditions que nous savons, M. Biya, en plus de ceux qu'il nommera, ne tient pas à avoir au Sénat une seule créature qui échappe à sa création et à sa ressemblance. Le Sénat, dans les conditions actuelles, ne  sera qu'une Chambre inutilement budgétivore dont la seule véritable mission sera de combattre la démocratie en maintenant coûte que coûte l'obscurantisme et statu quo politiques. » Le président de l'Add, Garga Haman Adji, pense que les jeux sont faits. Il ne présentera pas de listes aux Sénatoriales. « Le président de la République remplace le peuple. Il prolonge le mandat des députés indéfiniment, il prolonge celui des conseillers municipaux. Des gens illégitime, c'est-à-dire les conseillers municipaux, vont élire des sénateurs qui, dès le départ seront illégitimes », pense-t-il.

Garga Haman Adji espère cependant que le président de la République trouvera le moyen de crédibiliser le Sénat à travers le choix des personnalités qu'il nommera parmi les 30 que lui accorde la Constitution. On y verrait des militants d'autres partis que le Rdpc. « La loi l'a prévu, on ne peut pas incriminer la loi. Maintenant, c'est à lui d'avoir la sagesse de savoir qui il nomme, pour essayer d'équilibrer la balance. Il en va de la paix dans le ménage politique du Cameroun », dit-il.

© Le Jour : Jean-Bruno Tagne


12/03/2013
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