Sénatoriales 2013 : Comment le Rdpc a désigné ses candidats

Cameroun - Sénatoriales 2013 : Comment le Rdpc a désigné ses candidats910 dossiers reçus, des anciens ministres écartés pour cause de « moralité douteuse ».

Il y a eu quelques remous ça et là (relayés par les médias) après la désignation des personnalités qui représenteront le Rdpc aux élections sénatoriales du 14 avril prochain. Quelques militants déçus se sont exprimés dans les colonnes du Jour ou ailleurs et beaucoup de choses ont été dites. Jusqu'à présent, la hiérarchie du Rdpc ne s'est pas officiellement prononcée. Hier, nous avons pu discuter avec deux cadres de haut niveau du parti, qui ont participé de bout en bout au processus ayant conduit à la désignation de leurs représentants aux sénatoriales. Ils ont souhaité garder l'anonymat, arguant de ce qu'Elecam étant encore en train d'étudier les listes, il ne fallait pas prendre de position officielle de nature à les perturber. « Le moment venu, le parti s'exprimera de la manière la plus officielle et vous en serez informé », a promis l'une de nos sources, tout en nous demandant de nous contenter du off.

Pourquoi le Rdpc n'a-t-il pas eu recours aux primaires ?

Le principal reproche que certaines personnes font au Rdpc c'est d'avoir investi des militants en passant outre les primaires qui auraient permis à la base du parti de choisir ellemême les personnalités susceptibles de le représenter aux sénatoriales. Ce qui, à leur avis, aurait évité au parti les plaintes que l'on entend ça et là. A cela, nos sources répondent que « c'est un choix politique simple et efficace ». « Les plaintes ne manquent pas, même si on avait procédé à des primaires dans le sens qui est le vôtre », explique notre interlocuteur. Il ajoute que le Rdpc a voulu éviter que des personnes, soit par leur envergure financière ou par leur influence, ne viennent se faire élire, sans être forcément de bons militants. « Les consultations populaires étaient devenues le lieu par excellence de l'argent roi », soutient- il. Un autre cadre du Rdpc explique que les textes de base du parti ont été respectés. « Chez nous, dit-il, nous procédons à des consultations. Le processus part de la base vers le sommet. Toutes les candidatures sont retenues et les meilleures sont investies selon un certain nombre de critères objectifs. »

Quels critères ont été retenus?

Le choix des candidats du Rdpc, selon ses cadres, a obéit à un certain nombre de critères : le parcours politique, l'engagement militant, la régularité des cotisations, la moralité, etc. 65 listes de 14 noms, soit 910 dossiers ont été reçus à la commission centrale de supervision en vue de l'investiture des candidats du Rdpc aux élections sénatoriales. Au niveau de cette commission, les membres se sont prononcés sur le cas de chacun des postulants. Une note sur 10 était donnée à chacun par critère et au bout de cette opération, on attribuait une note globale. Par la suite, on a procédé à un certain nombre d'équilibre sociologique pour déterminer définitivement la liste des candidats retenus. Tout en s'assurant de l'homogénéité de chaque liste. Le bureau politique, confie-ton au Rdpc, s'est bel et bien réuni, sous la présidence de Paul Biya. « Ce n'est pas parce qu'on n'en a pas fait large écho que cette instance n'a pas travaillé. Toutes les structures ont normalement fonctionné. Les membres du bureau politique se sont d'ailleurs tous retrouvés à Yaoundé. Nous avons, croyez-moi, travaillé selon les directives du dernier congrès du Rdpc au cours duquel le président national a demandé à toutes les structures du parti de jouer leur rôle », précise un cadre du Rdpc. Le critère de « moralité » a entraîné l'élimination d'un certain nombre d'anciens ministres, et hauts commis de l'Etat, avons-nous appris. Amadou Ali et Laurent Esso, sur ce plan là, ont joué un rôle important. « Un monsieur comme le ministre Amadou Ali est une vraie encyclopédie.

Quand on prononce un nom, il est capable de vous donner des renseignements très importants sur la personne. Et c'est ce qu'il a fait, tout comme le ministre Laurent Esso. Regardez bien les listes. Il n'y a que six anciens ministres et très peu d'hommes d'affaires », confie notre source. Beaucoup de militants qui n'étaient pas à jour de leurs cotisations ont été exclus. Ceux qui sont allés payer leurs arriérés de cotisations à la convocation du corps électoral ont perdu leur temps. « Ce ne sont pas de bons militants. Ce sont des militants opportunistes », regrette notre interlocuteur. 

Pourquoi les militants populaires ont-ils été écartés ?

Acette question, nos sources au Rdpc répondent par une autre question : « A quoi mesurez-vous la popularité ? » En prenant soin de ne citer aucun nom, les cadres du Rdpc font bien la distinction entre le « populisme » de certains de leurs camardes et leur engagement « réel » pour le compte du parti. « Ce n'est pas parce que les gens font du bruit tous les jours dans les médias qu'ils sont de bons militants. Je peux d'ailleurs vous dire que leurs déclarations ne sont pas toujours de nature à donner une bonne image au Rdpc. Ils nuisent plus au parti qu'ils ne le servent. Nous avons fait confiance à des hommes et femmes qui militent depuis longtemps, qui travaillent sur le terrain, même s'ils sont étouffés par une poignée de gens qui écument les médias pour gesticuler », rappel-t-on au Rdpc.

Nos sources indiquent que c'est surtout à l'aune de la qualité des personnalités dont les candidatures ont été rejetées qu'il faut comprendre le travail qui a été fait par les commissions d'investiture du Rdpc. On cite pêle-mêle des anciens ministres, des anciens gouverneurs, des hommes d'affaires, etc. qui n'ont pas pu passer. « Ce n'est pas parce qu'on est ancien ministre qu'on est un bon militant », précise notre source.

Pourquoi la candidature de Cavaye Yéguié Djibril a-t-elle été rejetée ?

D'emblée, nos sources au sein du Rdpc tiennent à préciser que le président de l'Assemblée nationale n'était pas personnellement visé. Que sa candidature a été rejetée par la commission centrale comme celle de tous les autres députés. Dès le début du processus, le secrétaire général du comité central a rappelé qu'aucun député ne sera investi. « Cette instruction du secrétaire générale a été donnée aux résidents des commissions régionales sans que personne ne sache que monsieur Cavaye allait postuler. Quand nous avons donc reçu son dossier, nous avons  travaillé sereinement et avons adressé notre rapport au président national qui l'a entériné », jure notre source. Celle ci ajoute que c'est par respect pour l'instruction du Sg, Jean Nkuété, que les députés dans certaines régions n'ont pas du tout postulé alors que d'autres ont voulu quand même tenter leur chance.

L'on a aussi appris qu'il était question, pour le Rdpc, de protéger l'institution parlementaire qui était en train d'être désertée. « Si on avait laissé nos députés déserter l'Assemblée nationale, on aurait donné des armes au Sdf pour nous attaquer. La législature est en cours et il faut qu'elle aille normalement jusqu'à son terme », souhaite- t-on au Rdpc. Ce que beaucoup considèrent comme un incident, nous confie un militant du parti, « a au moins permis de savoir que Cavaye est intéressé par le Sénat ».

Le Rdpc survivra-t-il ?

A cette question, les cadres du Rdpc qui ont accepté de s'exprimer se disent sereins. « Les échos qui nous parviennent sont extrêmement positifs. Il y aura toujours des mécontents, des gens qui ne manquent jamais l'occasion d'exprimer leur rancoeur ou leurs humeurs. J'ai quand même écouté certains éternels mécontents dire qu'ils respectent la discipline du parti. Donc, ça va », se rassure-t-on. Selon nos informations, seuls deux requêtes ont été enregistrées au bout de tout le processus : une venue du Nkam et l'autre du Centre. Situation plutôt inédite, croit-on savoir au sein du parti au pouvoir où on promet de mener une grande campagne, aucune élection n'étant gagnée d'avance.

© Le Jour : Jean-Bruno Tagne


20/03/2013
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