N’écoutant
que la voix de ses ambitions, le président de l’Assemblée nationale
(Pan) est finalement entré en compétition pour un siège de sénateur.
On voyait venir l’insatiable personnage. Cavaye, surnommé le chiche, par les populations de son village natal Tokombéré, avait étrangement laissé fuiter dans la presse son envie «d’y aller». La manœuvre, l’on s’en est aperçu après coup, était destinée à sonder Paul Biya à emmener celui-ci, en vertu de ses prérogatives de chef de parti et de celles plus grandes encore de président de la République, de l’assurer soit d’une investiture sans encombre du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), soit de son nom parmi les 30 personnalités (sur un total de 100 sénateurs) qu’il devra nommer pour satisfaire à une disposition constitutionnelle. Paul Biya a-t-il donné quelques gages à Cavaye Yeguié Djibril qui siège depuis plus 40 ans à l’Assemblée nationale ? Beaucoup en doute.
Au sein même du Rdpc, on se dit à la fois choqué et humilié par l’image que le Pan donne du parti. Beaucoup avait espéré après la sarabande des fuites organisées que le sens des responsabilités, et par respect du prestige de l’institution qu’est l’Assemblée nationale et dont il est le gardien, Cavaye Yeguié aurait pu s’abstenir d’une candidature qui ne l’honore pas autant qu’elle n’honore, aux yeux de l’opinion, ni son parti ni la fonction même de président de l’Assemblée nationale, regardée désormais comme un pis-aller. «Les gens vont penser qu’aux Rdpc, nous courrons tous après les prébendes. Que nos seules convictions sont celles que nous dictent nos intérêts très souvent personnels, comme c’est le cas en ce moment», s’indigne un militant du Rdpc rencontré samedi dernier dans les allées du Palais des Congrès de Yaoundé où le parti de Paul Biya a ses bureaux.
Même parmi les barons du régime les moins suspects d’animosité ou de rancœur envers Cavaye Yeguié Djibril, la nouvelle de la candidature de ce dernier pour les sénatoriales du 14 avril passe mal, et est condamnée comme le pire acte d’opportunisme de l’histoire du Renouveau contemporain. «Le président national [Paul Biya, Ndlr] n’a pas goûté la tentative de passage en force du Pan. Il en est même embarrassé», a révélé sous cape à La Météo, un cadre du secrétariat général du comité central du Rdpc. Instance purement administrative placée sous l’autorité d’un secrétaire général en la personne de Jean Nkueté.
Incompatibilité.
Selon eux, l’incompatibilité s’apprécie au moment de la recevabilité des candidatures, et non à l’issue des élections et pendant la période de prestation de serment. Interprétations des textes que ne partagent pas d’autres spécialistes du droit. Les heures qui viennent apporteront leur lot de lumière sur cette notion d’incompatibilité. Comme la qualité de député, la fonction de sénateur est incompatible avec celle de gestionnaires de crédits publics, de repris de justice, etc. Le Sénat partage avec l’Assemblée nationale le pouvoir législatif, et son président a vocation à assurer l’intérim en cas de vacance, dûment constatée, à la tête de l’Etat.
Selon nos sources, Cavaye Yeguié Djibril n’a pas rendu son écharpe de député. Va-t-il, sans aucune gêne ni honte, se porter candidat à élection du président de l’Assemblée nationale traditionnellement organisée lors de la première session parlementaire de l’année, laquelle s’ouvre ce jour ? Qui vivra verra !