Séminaires: Le RDPC riposte aux lettres de Marafa
YAOUNDÉ - 30 Mai 2012
© Georges Alain Boyomo | Mutations
Depuis la publication de la troisième lettre de l’ancien ministre de
l’Administration territoriale, Marafa Hamidou Yaya, le Rassemblement
démocratique du peuple camerounais (Rdpc, au pouvoir) est sous le feu
des critiques. Des observateurs, y compris dans les rangs du pouvoir,
estiment que la famille politique du président de la République l’a
laissé à la merci de «l’ouragan Marafa», qui souffle impitoyablement
(épistolairement s’entend) sur le Cameroun, voici plus d’un mois. Sur
des plateaux de chaînes de télévision nationales le week-end dernier,
des apparatchiks du Rdpc se sont livrés, de manière quasi brouillonne, à
la défense du chef de l’Etat, avec des «chefs d’œuvre» du genre «Marafa
Hamidou Yaya n’a jamais eu de carte de militant du Rdpc». Comble
d’imposture à l’encontre de celui qui est toujours membre du bureau
politique du parti-leader au Cameroun.
Visiblement pour sauver la face, le Rdpc entend organiser samedi prochain des séminaires d’information et de sensibilisation dans les chefs-lieux des dix régions. Officiellement, ces séminaires s’inscrivent «dans le cadre du renforcement des capacités de fonctionnement du parti». Une source autorisée au comité central du Rdpc indique d’ailleurs dans ce sens qu’ «il sera question, au cours des différentes conférences, d’expliquer aux militants les profondes mutations intervenues dans les textes de base lors du récent congrès ordinaire du Rdpc et rendues exécutoires le 14 mars 2012 par le président national, Paul Biya. Notamment le vote populaire dans le cadre du renouvellement des organes de base, qui constitue une évolution majeure au Rdpc. Il est question d’édifier nos militants sur cette nouvelle donne. Je signale que ce renouvellement devait en principe avoir lieu en mars dernier, car le mandat des élus des sections, sous-sections et comités de base du parti devait s’achever ce mois-là [ils ont été élus en mars 2007, ndlr], mais compte tenu des changements intervenus dans les textes, nous avons jugé nécessaire de sensibiliser au préalable nos militants, de leur laisser un temps d’appropriation, avant de passer à la phase exécutoire».
Notre source soutient cependant que les délégués et conférenciers du Rdpc aborderont au cours des séminaires prévus samedi des «questions d’actualité». Notamment le Code électoral et le cas Marafa. «Nous ne pouvons pas interdire à nos camarades qui iront par exemple à Garoua de s’appesantir sur le cas de l’ancien Minatd, s’il est avéré que ce dernier constitue un problème pour le Rdpc dans cette ville. Mais dites vous bien que pour les militants d’autres régions, le cas Marafa ne sera pas nécessairement à l’ordre du jour».
D’autres sources en fonction au comité central ajoutent que ces séminaires étaient en préparation depuis le mois de mars 2012, avant l’arrestation de l’ancien secrétaire général de la présidence de la République (Sgpr). «Le texte sur le Code électoral a été promulgué le 19 avril dernier. Marafa Hamidou Yaya a été arrêté le 16 avril 2012. Je pense qu’avant que les députés n’adoptent le Code électoral à l’Assemblée nationale, le ministre d’Etat avait tout le temps de faire ses propositions au président de la République ou au président du Groupe parlementaire Rdpc. Il a décidé de le faire dans une lettre du fond de sa cellule, c’est son droit», argumente vigoureusement un cadre du Rdpc ayant requis l’anonymat.
Rappelons que les participants aux séminaires qui auront lieu samedi prochain dans les dix chefs-lieux de régions du Cameroun sont les militants et militantes du Rdpc ayant qualité de membres du Comité central (titulaires et suppléants), membres des bureaux nationaux de l’Ofrdpc et de l’Ojrdpc, les chefs de délégations départementales du Comité central du Mfoundi et du Wouri, les présidentes et présidents des sections Rdpc, Ofrdpc et Ojrdpc, les députés de l’Assemblée nationale, les magistrats municipaux, les membres du Conseil économique et social, les présidents des chambres consulaires et les chefs traditionnels de 1er et 2e degrés. Une réunion préparatoire à ce vaste déploiement est prévue demain jeudi à partir de 14 h au siège du Rdpc, sous la présidence de Jean Nkueté, le secrétaire général du comité central de cette formation politique.
A qui le tour ?
Au plus fort des envolées politiciennes auxquelles elles se livreront contre Marafa samedi prochain, ces «personnalités ressources» du Rdpc, du moins certaines, auront tort d’oublier qu’elles sont elles-mêmes susceptibles de subir le même sort que Marafa Hamidou Yaya demain.
Selon un adage bien connu dans de nombreux pays africains, «quand la maison de ton voisin brûle, hâte-toi pour éteindre le feu». Les observateurs avertis trouvent au moins deux raisons à cela: La première est de porter secours au voisin. La deuxième est d’éviter que le feu n’atteigne sa maison. S’agissant de l’Opération épervier, il nous souvient que lorsque les premières arrestations ont été déclenchées en 2006, des thuriféraires du Rdpc se sont empressés de descendre dans leurs fiefs respectifs pour pérorer devant des militants, candides pour la plupart, sur la justesse et l’opportunité de la lutte anti-corruption, made in Cameroon. Quelques temps après, ces défenseurs zélés de Paul Biya et du Renouveau ont été pris eux-mêmes dans les serres de l’Epervier… pour détournements de deniers publics.
Ce retournement de situation n’a manifestement pas donné des leçons à certains pontes du régime de Yaoundé. Si pour l’instant, personne, en dehors du chef de la cellule de communication de la présidence de la République, Joseph Le, ne s’est «aventuré», à prendre publiquement le contrepied de Marafa Hamidou Yaya, qui écrit inlassablement des épîtres incendiaires contre Paul Biya depuis qu’il est embastillé, par peur d’être éclaboussé demain, il semble évident que beaucoup mouilleront le maillot pour le Prince samedi prochain à la faveur des séminaires que le Rdpc organise.
Loin de nous l’idée d’exiger aux uns et aux autres d’éteindre un feu dont personne ne sait l’origine, en dehors de Paul Biya et Marafa Hamidou Yaya. Mais au plus fort des envolées politiciennes auxquelles elles se livreront contre Marafa samedi prochain, ces «personnalités ressources» du Rdpc, du moins certaines, auront tort d’oublier qu’elles sont elles-mêmes susceptibles de subir le même sort que Marafa Hamidou Yaya demain. Sait-on jamais! Le président national du Rdpc n’affirmait-il pas du haut de la tribune du dernier congrès ordinaire de ce parti: «Sachez, Mesdames, Messieurs et chers camarades, que ma détermination à combattre ce fléau [la corruption] est totale et que la lutte contre la corruption va se poursuivre en s’in-ten-si-fiant, sans complaisance, sans discrimination, indépendamment du statut social ou de l’appartenance politique des personnes incriminées. Personne ne pourra se considérer comme étant au-dessus des lois».
A la vérité, il est tout à fait hallucinant de retrouver dans les listes constituées par le comité central du Rdpc, à l’occasion des séminaires de samedi prochain, les noms des personnalités mises en cause par le Contrôle supérieur de l’Etat, par la Commission nationale anti-corruption (Conac), par la Chambre des comptes ou par la Justice. La présomption d’innocence existe certes, mais à titre conservatoire, ces responsables devraient se mettre en retrait ou être mis en retrait, le temps que leur innocence soit établie. Pour un parti qui est censé prêcher par l’exemple, il n y a pas de quoi applaudir des deux mains.
Georges Alain Boyomo
© Georges Alain Boyomo | Mutations
Samedi
prochain, il sera question d’expliquer les nouveaux textes du parti
mais également d’élaborer sur des «questions d’actualité». |
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Visiblement pour sauver la face, le Rdpc entend organiser samedi prochain des séminaires d’information et de sensibilisation dans les chefs-lieux des dix régions. Officiellement, ces séminaires s’inscrivent «dans le cadre du renforcement des capacités de fonctionnement du parti». Une source autorisée au comité central du Rdpc indique d’ailleurs dans ce sens qu’ «il sera question, au cours des différentes conférences, d’expliquer aux militants les profondes mutations intervenues dans les textes de base lors du récent congrès ordinaire du Rdpc et rendues exécutoires le 14 mars 2012 par le président national, Paul Biya. Notamment le vote populaire dans le cadre du renouvellement des organes de base, qui constitue une évolution majeure au Rdpc. Il est question d’édifier nos militants sur cette nouvelle donne. Je signale que ce renouvellement devait en principe avoir lieu en mars dernier, car le mandat des élus des sections, sous-sections et comités de base du parti devait s’achever ce mois-là [ils ont été élus en mars 2007, ndlr], mais compte tenu des changements intervenus dans les textes, nous avons jugé nécessaire de sensibiliser au préalable nos militants, de leur laisser un temps d’appropriation, avant de passer à la phase exécutoire».
Notre source soutient cependant que les délégués et conférenciers du Rdpc aborderont au cours des séminaires prévus samedi des «questions d’actualité». Notamment le Code électoral et le cas Marafa. «Nous ne pouvons pas interdire à nos camarades qui iront par exemple à Garoua de s’appesantir sur le cas de l’ancien Minatd, s’il est avéré que ce dernier constitue un problème pour le Rdpc dans cette ville. Mais dites vous bien que pour les militants d’autres régions, le cas Marafa ne sera pas nécessairement à l’ordre du jour».
D’autres sources en fonction au comité central ajoutent que ces séminaires étaient en préparation depuis le mois de mars 2012, avant l’arrestation de l’ancien secrétaire général de la présidence de la République (Sgpr). «Le texte sur le Code électoral a été promulgué le 19 avril dernier. Marafa Hamidou Yaya a été arrêté le 16 avril 2012. Je pense qu’avant que les députés n’adoptent le Code électoral à l’Assemblée nationale, le ministre d’Etat avait tout le temps de faire ses propositions au président de la République ou au président du Groupe parlementaire Rdpc. Il a décidé de le faire dans une lettre du fond de sa cellule, c’est son droit», argumente vigoureusement un cadre du Rdpc ayant requis l’anonymat.
Rappelons que les participants aux séminaires qui auront lieu samedi prochain dans les dix chefs-lieux de régions du Cameroun sont les militants et militantes du Rdpc ayant qualité de membres du Comité central (titulaires et suppléants), membres des bureaux nationaux de l’Ofrdpc et de l’Ojrdpc, les chefs de délégations départementales du Comité central du Mfoundi et du Wouri, les présidentes et présidents des sections Rdpc, Ofrdpc et Ojrdpc, les députés de l’Assemblée nationale, les magistrats municipaux, les membres du Conseil économique et social, les présidents des chambres consulaires et les chefs traditionnels de 1er et 2e degrés. Une réunion préparatoire à ce vaste déploiement est prévue demain jeudi à partir de 14 h au siège du Rdpc, sous la présidence de Jean Nkueté, le secrétaire général du comité central de cette formation politique.
A qui le tour ?
Au plus fort des envolées politiciennes auxquelles elles se livreront contre Marafa samedi prochain, ces «personnalités ressources» du Rdpc, du moins certaines, auront tort d’oublier qu’elles sont elles-mêmes susceptibles de subir le même sort que Marafa Hamidou Yaya demain.
Selon un adage bien connu dans de nombreux pays africains, «quand la maison de ton voisin brûle, hâte-toi pour éteindre le feu». Les observateurs avertis trouvent au moins deux raisons à cela: La première est de porter secours au voisin. La deuxième est d’éviter que le feu n’atteigne sa maison. S’agissant de l’Opération épervier, il nous souvient que lorsque les premières arrestations ont été déclenchées en 2006, des thuriféraires du Rdpc se sont empressés de descendre dans leurs fiefs respectifs pour pérorer devant des militants, candides pour la plupart, sur la justesse et l’opportunité de la lutte anti-corruption, made in Cameroon. Quelques temps après, ces défenseurs zélés de Paul Biya et du Renouveau ont été pris eux-mêmes dans les serres de l’Epervier… pour détournements de deniers publics.
Ce retournement de situation n’a manifestement pas donné des leçons à certains pontes du régime de Yaoundé. Si pour l’instant, personne, en dehors du chef de la cellule de communication de la présidence de la République, Joseph Le, ne s’est «aventuré», à prendre publiquement le contrepied de Marafa Hamidou Yaya, qui écrit inlassablement des épîtres incendiaires contre Paul Biya depuis qu’il est embastillé, par peur d’être éclaboussé demain, il semble évident que beaucoup mouilleront le maillot pour le Prince samedi prochain à la faveur des séminaires que le Rdpc organise.
Loin de nous l’idée d’exiger aux uns et aux autres d’éteindre un feu dont personne ne sait l’origine, en dehors de Paul Biya et Marafa Hamidou Yaya. Mais au plus fort des envolées politiciennes auxquelles elles se livreront contre Marafa samedi prochain, ces «personnalités ressources» du Rdpc, du moins certaines, auront tort d’oublier qu’elles sont elles-mêmes susceptibles de subir le même sort que Marafa Hamidou Yaya demain. Sait-on jamais! Le président national du Rdpc n’affirmait-il pas du haut de la tribune du dernier congrès ordinaire de ce parti: «Sachez, Mesdames, Messieurs et chers camarades, que ma détermination à combattre ce fléau [la corruption] est totale et que la lutte contre la corruption va se poursuivre en s’in-ten-si-fiant, sans complaisance, sans discrimination, indépendamment du statut social ou de l’appartenance politique des personnes incriminées. Personne ne pourra se considérer comme étant au-dessus des lois».
A la vérité, il est tout à fait hallucinant de retrouver dans les listes constituées par le comité central du Rdpc, à l’occasion des séminaires de samedi prochain, les noms des personnalités mises en cause par le Contrôle supérieur de l’Etat, par la Commission nationale anti-corruption (Conac), par la Chambre des comptes ou par la Justice. La présomption d’innocence existe certes, mais à titre conservatoire, ces responsables devraient se mettre en retrait ou être mis en retrait, le temps que leur innocence soit établie. Pour un parti qui est censé prêcher par l’exemple, il n y a pas de quoi applaudir des deux mains.
Georges Alain Boyomo